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Pourquoi un salaire minimum à 3 270 euros en Suisse n'est pas si élevé

Article rédigé par franceinfo - Valérie Xandry
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Les Suisses pourraient bientôt adopter un salaire minimum de 4 000 francs suisses par mois. Soit un smic à 3 270 euros. (FABRICE COFFRINI / AFP)

Les Suisses pourraient décider le 18 mai d'instaurer un salaire minimum de 4 000 francs suisses, soit  3 270 euros. Malgré les apparences, la somme est loin d'être extravagante pour le pays.

Non, 3 270 euros par mois, ce n'est pas trop. En tout cas, pas en Suisse. Ses habitants sont appelés à voter le 18 mai pour ou contre la mise en place d'un salaire minimum à 4 000 francs suisses, c'est-à-dire à 3 270 euros. Si un tel montant peut paraître démesuré par rapport au smic français, il ne l'est pas tant que ça au vu du coût de la vie helvétique. Francetv info vous dit pourquoi en trois étapes.

1 Parce que les Suisses travaillent plus

La proposition des deux syndicats suisses, l'Union des syndicats suisses (USS) et l'Unia, prévoit un salaire minimum général de 4 000 francs suisses par mois, soit 3 270 euros. Ce salaire représente 2,26 smic brut – avant le retrait des charges sociales – français. En effet, au 1er janvier 2014, le smic était de 1 445,38 euros. Mais cette comparaison ne prend pas en compte la durée de travail hebdomadaire.

Le droit suisse définit une durée de travail maximum de 45 à 50 heures par semaine et n'offre que quatre semaines de congés payés par an contre cinq en France. En pratique, la population travaille en moyenne 42 heures par semaine. Il faut plutôt comparer le salaire minimum horaire des deux pays : en France, il s'établit à 9,53 euros contre 22 francs suisses (18,04 euros) dans la proposition des syndicats. Le salaire minimum horaire suisse représente donc 1,88 smic horaire français.

Autre point à prendre en compte : le 13e mois. La plupart des travailleurs suisses reçoivent un salaire annuel réparti sur 13 mois. "On ne sait pas si le salaire minimum annuel sera calculé sur 12 ou 13 mois", note Sergio Rossi, professeur d'économie à l'université de Fribourg. "S'il est calculé sur 13 mois, cela correspond à 3 700 francs suisses [soit 3 030 euros] par mois." En 2012, rappelle La Tribune de Genève, le salaire médian en Suisse était de 6 000 francs suisses (environ 4 900 euros) par mois. Autrement dit, la moitié des travailleurs en Suisse gagnaient plus que cette somme. Pour l'économiste, "si l'on gagne moins de 50% de ce salaire médian, il y a un risque de tomber dans la pauvreté. L'idée d'un salaire minimum à 3 700 francs suisses par mois, juste au-dessus de ce seuil de pauvreté, n'est donc pas si saugrenue".

2 Parce que la vie est plus chère en Suisse

"Avec 4 000 francs suisses par mois, on ne vit pas correctement à Genève. Et dans le canton du Tessin (au sud), on arrive tout juste à vivre mais on n'a pratiquement pas de vie sociale", explique Sergio Rossi à francetv info. Car le coût de la vie n'est pas le même en Suisse et en France.

L'alimentation. Si on regarde le prix moyen des produits alimentaires en France et en Suisse, on constate des écarts parfois importants. En 2012, lorsqu'un panier de produits alimentaires coûtait 154 francs suisses (126,21 euros) chez nos voisins, il coûtait 89,33 euros en France, indique l'Office fédéral de la statistique (OFS). Les travailleurs suisses gagnent plus car ils doivent dépenser davantage pour un même bien.

Il est possible de comparer le prix moyen de quelques produits issus des tableaux dressés en mars 2014 par l'OFS pour le côté suisse et par l'Insee pour la France. On constate alors que le prix d'un produit peut aller du simple au double en fonction du pays. Un rôti de veau d'un kilo coûtait par exemple 22,74 euros en France contre 42,04 euros en Suisse. Un prix qui passe (presque) du simple au double. En Suisse, une plaquette de beurre de 250 g est près d'un euro plus chère qu'en France. Par contre, le sucre est légèrement plus abordable en Suisse : comptez 1,02 euro le kilo contre 1,27 euro en France.

Le logement. Là aussi, les prix peuvent varier de plusieurs centaines d'euros ou de francs suisses. En 2012, l'OFS estimait qu'à chaque fois qu'un Français dépense l'équivalent de 112 francs suisses (91,79 euros) pour son logement (loyer, électricité, gaz...), un Suisse doit en dépenser 207 (169,65 euros).

Mais en Suisse comme en France, habiter une grande ville n'équivaut pas à habiter à la campagne. Le comparateur en ligne Comparis présente une carte du prix médian des appartements au 31 décembre 2013. On y découvre que le prix médian de chaque canton est très rarement inférieur à 3 000 francs suisses par m2 (environ 2 460 euros/m2). A Genève, ce montant atteint 10 500 francs suisses (soit 8 500 euros). A l'inverse en France, le prix médian au m2 est inférieur à 2 450 euros dans la plupart des régions, selon la carte de l'immobilier des notaires de France. A Paris, le prix médian du m2 atteint 8 140 euros.

Les transports. "Les loyers ont grimpé dans les centres-villes. Conclusion : beaucoup de travailleurs dont les salaires sont bas ne peuvent plus s'y loger donc ils partent vers la périphérie ou à la campagne", raconte Sergio Rossi. Mais ils doivent alors faire le trajet entre leur domicile et leur lieu de travail. Et le professeur d'économie d'ajouter : "Un abonnement annuel pour les transports publics en seconde classe coûte quelque 3 500 francs suisses." C'est-à-dire un budget de 2 868,46 euros.

En ce qui concerne les carburants, le tarif du sans plomb 98 était légèrement supérieur en France par rapport à la Suisse en mars 2014, selon les prix moyens recensés par l'OFS et l'Insee.

Les loisirs. Une séance de cinéma revient à 15,62 francs suisses (12,81 euros), selon l'OFS, chez nos voisins contre 6,33 euros en moyenne en 2011 chez nous, selon les données du CNC. Il suffit d'aller ensuite boire un café en terrasse à 4,02 francs suisses (3,30 euros) pour que la sortie se ressente sur le porte-monnaie.

3 Parce que les Suisses doivent payer des assurances maladie privées

Une dernière différence, mais de taille. En France, une partie du salaire est prélevée directement afin de cotiser pour Sécurité sociale, rappelle le site de l'Urssaf. Ces cotisations donnent droit à une large couverture sociale : assurance maladie, assurance vieillesse, assurance chômage et des prestations familiales pour ne citer que les principales.

En Suisse, le système est un peu différent. "Environ 10% du salaire brut est prélevé pour des contributions aux assurances sociales comme l'assurance vieillesse ou l'assurance chômage", détaille Sergio Rossi. Pour un salaire mensuel de 4 000 francs suisses (3 270 euros), 400 sont donc prélevés chaque mois pour ces contributions. Une fois que cet écot a été retiré, il reste le salaire net, celui qui arrive sur le compte en banque du travailleur suisse. Mais contrairement à un employé français, les Suisses doivent ensuite payer une assurance maladie privée de base, selon la loi fédérale sur l'assurance maladie.

Elle offre des prestations en cas de maladie, d'accident ou de maternité. "Cette assurance maladie de base, établie auprès d'une compagnie privée, revient environ à 250 francs suisses [environ 200 euros] par mois pour une personne seule", estime Sergio Rossi. "Mais la plupart des gens prennent des assurances complémentaires pour étendre la couverture des soins médicaux. Ce qui en fait doubler le coût." En 2011, l'OFS a établi qu'un ménage consacrait chaque mois en moyenne 554 francs suisses (454,28 euros) pour une assurance maladie de base, 146 (près de 120 euros) pour des assurances maladie complémentaires et 191 (156,62 euros) pour d'autres assurances.

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