Guerre en Ukraine : "À Zaporijjia, il peut y avoir un effondrement du cœur du réacteur nucléaire, comme à Fukushima", redoute un "liquidateur" de Tchernobyl
Le risque d'un accident dans la plus grande centrale nucléaire d'Europe nourrit les inquiétudes. Vitaly, ancien ingénieur et "liquidateur" de Tchernobyl dénonce l'armée russe "qui joue avec le feu".
Il possède une carte officielle de "liquidateur" de Tchernobyl : Vitaly travaillait à l'époque comme adjoint du chef d'exploitation du réacteur numéro 3 de la centrale qui a explosé, le 26 avril 1986. A 82 ans, il a été soigné pour un cancer de l'estomac consécutif aux radiations. Il s'inquiète, forcément, des bombardements près de la centrale de Zaporijjia, en Ukraine.
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a averti, jeudi 18 août : tout dégât porté à cette centrale nucléaire serait un "suicide". Vladimir Poutine lui-même a accepté vendredi que l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) envoie une mission à la centrale nucléaire, disant craindre que les bombardements ne finissent par provoquer une "catastrophe de grande envergure". La Russie occupe la centrale depuis début mars, et elle est devenue la cible ces dernières semaines de frappes dont Moscou et Kiev s'accusent mutuellement.
Et les combats autour de Zaporijjia ravivent de très mauvais souvenirs chez les "liquidateurs" de Tchernobyl, ces centaines de milliers d’hommes qui ont été dépêchés sur les lieux de la catastrophe avec très peu, voire aucune protection. Mais Vitaly redoute plus un scénario à la Fukushima qu'un nouveau Tchernobyl : "La centrale nucléaire de Zaporijjia à des murs très épais et le corps du réacteur est protégé par une construction en béton armé, qui a été conçue pour résister à la frappe d'un avion très lourd. Mais à Zaporijjia, il peut y avoir un effondrement du cœur du réacteur qui peut provoquer une fuite, comme à Fukushima."
"Poutine a, à côté de lui, des réacteurs nucléaires qui peuvent exploser à tout moment"
Pour cet ancien ingénieur qui a travaillé durant trente ans sur le site de Tchernobyl, ce sont davantage les centrales nucléaires russes de Leningrad, de Koursk et de Smolensk qui constituent une réelle menace, car leurs réacteurs ont été construits sur le même modèle que celui de Tchernobyl. Et Vitaly de qualifier volontiers le président russe d'imbécile : "Cet idiot qui est devenu fou brandit la menace de Zaporijjia. Il ne comprend pas que, juste à côté de lui, il y a des réacteurs nucléaires qui peuvent exploser à tout moment. Pour le monde entier, pour l'Europe, pour l'Ukraine, pour la Russie, il ne faut pas le laisser faire !"
Pour lui, il ne fait aucun doute que ce sont les Russes qui sont à l'origine des attaques contre Zaporijjia : "Les Ukrainiens ne tireront jamais sur leurs centrales nucléaires ! Le gouvernement actuel russe est tellement ignoble, il ment ! Ce sont les Russes qui jouent avec le feu. Ils ont entreposé là-bas des explosifs, des engins militaires, des obus, des missiles. Est-ce que c'est possible de faire cela sur une centrale nucléaire?", peste-t-il.
Vitaly a perdu 30 kilos depuis son cancer. Il suit un traitement deux fois par an dans un centre médical de Kiev, spécialisé pour les personnes qui ont été irradiées.
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