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La France menace de ne plus appliquer la directive sur les travailleurs détachés

Manuel Valls, a critiqué, dimanche sur TF1, les dérives de ce système. Selon la Commission nationale de lutte contre le travail illégal, le recours au détachement a concerné, en 2015, 286 025 travailleurs (+25% par rapport à 2014). 

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Des soudeurs travaillent sur un chantier à Nanterre (Hauts-de-Seine), le 11 mars 2015.  (MAXPPP)

La France pourrait ne plus appliquer la directive européenne sur les travailleurs détachés, si elle n'obtient pas gain de cause à Bruxelles sur sa demande d'un alignement "par le haut" des cotisations sociales versées. "C'est une directive qui date de 1996. Le gouvernement français cherche aujourd'hui à convaincre - et beaucoup de pays sont d'accord avec lui - qu'il faut changer, qu'il doit y avoir une égalité de traitement, par le haut, pour lutter contre le dumping social, qu'on doit payer les cotisations sociales les plus élevées. (...) Si on ne nous entend pas, il faudra dire que la France n'applique plus cette directive", a déclaré, dimanche 3 juillet, Manuel Valls sur TF1, dans l'émission "Vie politique".

"Si ce n'est pas possible de convaincre, il faudra revenir là-dessus", a encore affirmé le Premier ministre, fustigeant un "dispositif européen qui fait des ravages majeurs, terribles, dans le monde des salariés, le monde ouvrier." 

En réaction, le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la France a tweeté : 

Un "dumping social légal"

Il y a une semaine, en déplacement en Normandie, Manuel Valls avait estimé que le Brexit permettait de "clarifier" les débats et "refonder" une Europe plus sociale, notamment en bannissant le dumping social et fiscal.

La Commission européenne a présenté en mars un projet législatif, soutenu par la France mais aussi l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Luxembourg, la Suède et les Pays-Bas, qui prévoit d'aligner les régimes des travailleurs détachés sur ceux des travailleurs locaux. Le projet prévoit également de limiter à deux ans les missions des travailleurs détachés. Toutefois, ils continueront d'être assujettis au système de sécurité sociale de leur pays d'origine, ce que déplore par exemple l'eurodéputé PS Guillaume Balas, car c'est, selon lui, "là où se niche le dumping social légal".

Onze pays européens, dont dix d'Europe de l'Est, ont adressé un "carton jaune" à la commission, bloquant, pour l'instant, le processus législatif autour de ce projet porté par la commissaire européenne chargée du Travail. La Commission a promis de leur répondre avant fin juillet.

En France, le secteur du BTP est le premier concerné

Encadré par une directive européenne de 1996, le détachement permet à une entreprise européenne d'envoyer temporairement ses salariés en mission dans d'autres pays de l'UE, en n'appliquant que le noyau dur de sa réglementation (smic, conditions de travail) tout en continuant de payer les cotisations sociales dans le pays d'origine. Mais le système fait l'objet de nombreux détournements : non-déclaration, rémunérations très inférieures au smic, dépassement des durées maximales de travail, hébergement indigne, etc.

Selon la Commission nationale de lutte contre le travail illégal, le recours au détachement a concerné, en 2015, 286 025 travailleurs (+25% par rapport à 2014). La Pologne est le principal pays d'origine des salariés détachés en France, avec 46 816 travailleurs. Suivent le Portugal (44 456), l'Espagne (35 231) et la Roumanie (30 594). Le bâtiment-travaux publics (BTP) reste le premier secteur concerné (27% des déclarations).

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