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Turquie : le poids historique de l'armée

L'armée turque a toujours tenu une place importante dans la vie politique du pays. De la guerre d'indépendance dans les années 1920 à la tentative de coup d'Etat du 15 juillet 2016, retour sur le rôle clef de l'institution militaire en Turquie.
Article rédigé par zhifan Liu
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
De nombreux pro-Erdogan sont descendus dans les rues, répondant à l'appel du président victime d'un coup d'Etat, le 16 juillet 2016.  (BULENT KILIC / AFP)

Jusqu’en 2010, il était écrit noir sur blanc dans la Constitution du pays que «les forces armées sont les gardiennes de la République turque». Il s'agit d'un héritage de la guerre d’indépendance menée par les militaires dans les années 1920.

A l'époque de l'Empire ottoman, l'armée se comportait comme un faiseur de roi, destituant les monarques à son gré. Dans la Turquie moderne, elle reste en principe la garante de la République, ainsi qu'un vecteur de modernisation. Une modernisation qui passe par la défense du kémalisme, héritage du fondateur de la République turque, Mustafa Kemal Atatürk. En toile de fond : la défense de la laïcité en Turquie. Outre les coups d'Etat de 1971 et 1980, l’état-major s'était opposé publiquement à la candidature d’Abdullah Gül, en 2007, avant qu'il ne devienne président de la République, au motif que son épouse portait le voile. Dix ans plus tôt, l’armée avait renversé le Premier ministre, Necmettin Erbakan, jugé trop religieux.

 
Une armée mise au pas par Erdogan
La laïcité est de plus en plus menacée par le président Recep Tayyip Erdogan qui n’a eu de cesse de minimiser les prérogatives de l'insitution militaire. A son arrivée au pouvoir en 2003 – en tant que Premier ministre – il s’était appuyé sur la candidature turque à l’Union européenne pour tenter de prendre le pas sur les forces armées. Les tribunaux militaires voient alors leurs compétences réduites, tandis que le pouvoir civil se met à intervenir davantage dans la nomintation des chefs militaires. Surtout, en 2013, Ankara a promulgué une loi visant à limiter le champ d’intervention de l’armée.

Une armée divisée
Malgré l'échec cuisant du putsch du 15 juillet 2016, l’armée turque reste une institution «prestigieuse», explique le chercheur, Bayram Baltci. Mais les militaires, qui ont tenté ce coup d’Etat pour, disaient-ils, protéger la démocratie, semblent avoir beaucoup perdu en crédibilité. De nombreux supporters du président Erdogan sont descendus dans les rues pour soutenir le premier président élu au suffrage universel. Mais plus encore, l’opposition s’est désolidarisée des militaires en dénonçant un coup de force. Cet épisode met aussi en lumière la «division de l’armée» sur l’islamisation de la société, comme l’explique ci-dessous Nora Seni, professeure à l’Institut français de géopolitique.


La chercheuse Nora Seni explique les divisions de l'armée turque dans une vidéo sur lemonde.fr

Le commandement suprême «n'a pas donné son aval», entraînant l'échec du putsch, affirme à l'AFP Jean Macrou, professeur à Sciences-Po Grenoble. Une fracture serait apparue entre les militaires et leurs commandants qui sont apparus à la télévision publique pour dénoncer le putsch. 

Au final, c’est peut-être le président Erdogan qui sort renforcé de cet épisode, à en croire les observateurs. La communauté internationale semble scruter de près la réaction du parti islamiste au pouvoir, l’AKP et de son dirigeant. M. Erdogan a déjà envisagé un retour à la peine de mort tandis que les purges dans les forces armées continuent. Au 18 juillet 2016, plus de 7000 personnes avaient été arrêtées, dont au moins 6000 soldats.
 
 
 

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