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Trois questions sur la nomination polémique de l'Américaine Fiona Scott Morton à un poste clé de la Commission européenne

Fiona Scott Morton va rejoindre l'équipe chargée de la régulation des géants du numérique à Bruxelles. Son passé au ministère de la Justice américain et son activité de consultante auprès de certains Gafam inquiètent les responsables politiques européens de tous bords.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Le siège de la Commission européenne à Bruxelles (Belgique), le 24 mars 2021. (MARTIN BERTRAND / HANS LUCAS / AFP)

C'est un recrutement qui ne plaît pas à tout le monde. La Commission européenne a confirmé vendredi 14 juillet la nomination de l'Américaine Fiona Scott Morton pour la régulation des géants de la tech à Bruxelles. Le gouvernement français avait réclamé l'annulation de cette décision, prise mardi, ce qui a été rejeté par l'exécutif européen. Les chefs des quatre principaux groupes du Parlement européen s'étaient joints à cette demande. Franceinfo fait le point sur cette arrivée controversée.

1Qui est Fiona Scott Morton ?

Fiona Scott Morton, 56 ans, a fréquenté de prestigieuses écoles américaines. Après avoir étudié au Massachusetts Institute of Technology (MIT), elle est désormais professeure d'économie à l'université de Yale. Elle a aussi été responsable à la division antitrust du ministère américain de la Justice, entre mai 2011 et décembre 2012, sous la présidence de Barack Obama. Cette économiste a surtout un passé de consultante, notamment pour des grands groupes comme Amazon et Apple.

Elle a été choisie comme nouvelle économiste en chef à la Direction générale de la concurrence par la Commission européenne, sous la direction de la bête noire des Gafam, la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager. Fiona Scott Morton sera chargée de veiller au respect des règles concurrentielles au sein de l'Union européenne. Elle devra notamment enquêter sur les abus de position dominante des géants du numérique, qui ont donné lieu à des amendes records ces dernières années.

2Pourquoi sa nomination fait-elle polémique ?

Les élus européens de tous bords dénoncent à la fois un risque de conflit d'intérêts et celui d'une ingérence américaine au cœur des institutions européennes. Car la nomination de Fiona Scott Morton survient au moment où l'UE doit mettre en œuvre de nouvelles législations ambitieuses pour réguler le secteur du numérique, après l'adoption des récents règlements DMA (Digital Markets Act) et DSA (Digital Services Act).

Au Parlement européen, les chefs des groupes PPE (droite), S&D (sociaux-démocrates), Renew (centristes et libéraux) et Verts ont écrit à la Commission pour lui demander "d'annuler cette décision", dans une lettre datée de vendredi. Les députés européens ont aussi fustigé le choix de propulser à ce poste une personne non européenne. "A l'heure où nos institutions font l'objet d'un examen minutieux face aux ingérences étrangères, nous ne comprenons pas que des candidats non européens soient pris en considération pour un poste aussi stratégique et de haut niveau", écrivent l'Allemand Manfred Weber, l'Espagnole Iratxe Garcia Perez, le Français Stéphane Séjourné et le Belge Philippe Lamberts dans cette lettre.

"Comme elle a conseillé de grands groupes comme Apple, Amazon et Microsoft", cela "conduirait au scénario absurde dans lequel l'économiste en chef de l'autorité de la concurrence serait tenue à l'écart des dossiers importants", s'est offusqué l'eurodéputé écologiste allemand Rasmus Andresen. "Embaucher une économiste en chef qui est une ancienne lobbyiste des Gafam au moment où l'Union européenne veut réguler ces Gafam, c'est un problème", a, lui aussi, pointé le député européen conservateur Geoffroy Didier sur franceinfo.

En France, des membres du gouvernement se sont publiquement étonnés de ce choix. "La régulation du numérique est un enjeu capital pour la France et pour l'Europe. Cette nomination mérite d'être reconsidérée par la Commission", a réagi jeudi soir la ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna. "L'Europe compte de nombreux économistes de talent", a souligné de son côté la secrétaire d'Etat chargée de l'Europe, Laurence Boone, ancienne cheffe économiste de l'OCDE, dans un tweet. Le ministre délégué à la Transition numérique, Jean-Noël Barrot, a fait une analyse similaire

3 Comment la Commission européenne justifie-t-elle son choix ?

La Commission a assuré avoir respecté ses règles de recrutement. La procédure avait été lancée en février et ouverte dès le départ aux non-ressortissants de l'UE, afin d'avoir un choix plus large pour des compétences très pointues, a expliqué la porte-parole de la Commission européenne, Dana Spinant. Le recrutement d'une "experte reconnue des questions économiques et de concurrence d'une nationalité non européenne montre que la Commission cherche avant tout à fonder ses décisions sur la meilleure expertise possible, et c'est un signal de compétence et d'ouverture", a-t-elle affirmé.

La Commission relativise par ailleurs les responsabilités qui seront assumées par Fiona Scott Morton. "Ce n'est pas un poste où on est habilité à prendre des décisions, c'est un poste de conseiller" auprès de Margrethe Vestager, a assuré Dana Spinant.

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