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Du sauvetage à la catastrophe financière, quels sont les scénarios possibles pour la Grèce ?

Deux jours après le "non" des Grecs lors du référendum, les dirigeants de la zone euro se réunissent à nouveau, mardi, en sommet extraordinaire pour tenter de sauver Athènes. Ou de limiter la casse.

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Des hommes attendent pour retirer un peu d'argent à un distributeur automatique, le 7 juillet 2015 à Athènes (Grèce). (ARIS MESSINIS / AFP)

C'est une réunion de la dernière chance. Une de plus. Les dirigeants de la zone euro se réunissent, mardi 7 juillet, pour un nouveau sommet extraordinaire à Bruxelles.

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Deux jours après le "non" retentissant des Grecs lors d'un référendum aux exigences de leurs créanciers en échange d'un nouveau plan d'aide, les Européens tentent de rouvrir les négociations pour sauver la Grèce. Les chances de succès sont minces. Voici les trois scénarios possibles.

Le miracle espéré : le sauvetage de la Grèce

Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, le martèle, il faut "trouver une solution" à la crise de la dette grecque. Cette solution se traduirait par un accord entre la Grèce et ses créanciers (l'UE, la BCE et le FMI) sur un ensemble de réformes et de mesures d'austérité qu'Athènes accepteraient de prendre, en contrepartie d'un troisième plan d'aide qui permettrait de redresser les finances publiques du pays et son économie. Et de rester au sein de la zone euro.

Hausse des impôts sur les sociétés et les revenus, augmentation de la TVA, réforme des retraites et du marché du travail... Jusqu'à présent, les négociations achoppent sur le détail de ces mesures. Le gouvernement grec veut surtout inclure dans les discussions la restructuration de sa colossale dette publique, son refinancement à des taux plus avantageux, l'allongement des remboursements, voire l'effacement d'une partie de cette dette. Autant de solutions que l'Allemagne, premier créancier de la Grèce, refuse toujours.

Pourtant, "cela ne fait pas l'ombre d'un doute : la Grèce ne remboursera pas ses dettes, elle n'en a tout simplement pas la possibilité, estime l'éditorialiste économique de France 2 François Lenglet. Il va falloir obligatoirement alléger la dette grecque. Une partie de cette dette viendra mécaniquement augmenter la nôtre, pour quelques dizaines de milliards d'euros. Une autre partie sera probablement logée dans les livres de comptes de la Banque centrale européenne, avec bien d'autres dettes 'pourries' héritées de la crise."

François Lenglet résume ainsi cette sortie de crise : les Grecs "restent dans la zone euro tout en ayant leur dette annulée et en bénéficiant d'un vrai programme de reconstruction économique, et non pas seulement, comme jusqu'ici, d'un programme de redressement des comptes." Et de souligner : "Il faut se souvenir que la faillite d'un Etat est un événement relativement banal dans l'histoire économique. L'Allemagne elle-même a vu sa dette allégée deux fois au cours du XXe siècle." "L'Europe est un combat permanent pour trouver des compromis", rappelle, de son côté, Jean-Claude Juncker. 

Le divorce à l'amiable : le "Grexit"

Si Athènes et ses créanciers ne parviennent pas à trouver de compromis, ils pourraient s'entendre sur une autre solution plus radicale : une sortie de la zone euro, appelée le "Grexit". Pour les économistes de Barclays et JP Morgan, c'est l'un des scénarios privilégiés. "Une sortie négociée aurait plus de chances de rétablir la situation économique grecque, à condition toutefois que l'Europe continue à l'aider", juge François Lenglet.

La Grèce pourrait faire le choix de continuer à utiliser la monnaie unique. Elle rejoindrait ainsi le camp des "euroïsés", ces pays qui utilisent l'euro comme monnaie courante alors que cette devise n'est pas la leur. C'est le cas du Monténégro, depuis 2006, et du Kosovo, depuis 2002. Car "tout en Grèce converge vers l'euro, son économie en dépend", fait observer Ludovic Subran, chef économiste de l'assureur-crédit Euler Hermes.

L'autre option pour Athènes serait de réintroduire son ancienne monnaie : la drachme. "C'est certainement une possibilité qui leur permettrait de dévaluer leur monnaie, ce dont ils ont besoin pour retrouver la croissance", évalue le journaliste de France 2. Avec une drachme plus faible face à un euro et un dollar plus forts, les entreprises grecques deviendraient plus compétitives et l'important secteur touristique serait encore plus attractif, puisque le pouvoir d'achat des étrangers serait soudainement dopé. 

Sortie de l'euro, la Grèce resterait cependant membre de l'Union européenne et pourrait bénéficier à ce titre d'un soutien technique durant la délicate période de transition, notamment pour frapper sa monnaie. Ce "Grexit" ne serait pas sans risques. "Tout dépendra de l'aide que l'Europe apportera pour amortir le choc", notamment pour "soutenir des retraites de base et un flux d'aide médicale", souligne dans Libération Henrik Enderlein, de l'Institut Jacques Delors, pour qui l'Europe continuera à soutenir la Grèce.

Problème : cette hypothèse n'est même pas envisagée par les traités européens. Ce serait donc un saut dans l'inconnu. "Comme il n'y a pas de mécanisme légal pour la sortie de la monnaie unique, il y a un risque d'énorme incertitude partout en Europe pour ce qui se passera après", souligne Henrik Enderlein.

Le scénario catastrophe : le "Grexident"

Pire que le "Grexit", il y a le "Grexident", l'accident sur la Grèce. Des turbulences financières telles qu'elles provoqueraient, à moyen terme, non pas la sortie organisée de la Grèce de la zone euro, mais son éjection pure et simple. Michael Michaelides, analyste chez RBS à Londres, en expose le processus dans La Tribune. Les dirigeants politiques européens n'ont même pas besoin d'"expulser la Grèce", avance l'économiste.

Les coffres d'Athènes sont vides, où peu s'en faut, et le pays va devoir faire face, dans les prochains jours, à différents remboursements, certains à des créanciers privés, mais surtout à hauteur de plusieurs milliards d'euros à la Banque centrale européenne (BCE), le 20 juillet. Faute d'accord avec ses créanciers, Athènes ne pourra pas rembourser à la BCE - et aux 28 banques centrales nationales des pays membres de l'Union européenne - la moindre obligation souveraine grecque que celles-ci détiendraient à cette date.

Le conseil des gouverneurs de la BCE, la dernière institution qui maintient en vie l'économie grecque, serait alors amené à réduire le plafond de l'ELA - l'assistance de liquidité d'urgence - accordée à la Grèce. Les banques grecques deviendraient "insolvables"

Pour éviter la faillite des banques et endiguer la panique des épargnants, l'Etat grec n'aurait d'autre choix que de nationaliser les établissements bancaires. Mais désormais privé de tout argent liquide, il devrait imprimer des reconnaissances de dettes qui lui serviraient à payer les salaires de ses fonctionnaires, mais aussi les retraites et même ses fournisseurs. Ces bouts de papier seraient ensuite utilisés par les Grecs au quotidien pour faire leurs courses, devenant ainsi une monnaie parallèle. Sa valeur, indexée sur l'euro ou le dollar, fluctuerait et l'économie grecque toute entière plongerait. Un scénario catastrophe qui s'est déjà produit au Venezuela.

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