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Pourquoi la Grèce est le seul pays en récession d'Europe?

«La Grèce est sortie de la spirale de l’austérité», selon Sapin; «les résultats des réformes engagées, des efforts faits, sont là. Ils sont spectaculaires», selon Cazeneuve… Derrière les mots des hommes politiques français à propos de la Grèce, les faits restent têtus… La Grèce est le seul pays de l'UE à terminer 2016 sur une récession... avec les conséquences sociales et humaines qu'on imagine.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
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Lundi 6 mars, l'institut statistique grec Elstat a douché l'optimisme de ceux qui ont imposé un énième plan d'austérité en 2015 à la Grèce en révisant fortement à la baisse les chiffres de croissance du pays sur le quatrième trimestre 2016 et sur l'ensemble de l'année passée. En 2016, le PIB grec a donc reculé de 0,1%  après un recul de 0,2 % en 2015… Une information confirmée par l'organisme de statistiques européen, Eurostat.

Comme quoi, le memorandum accepté par Athènes en juillet 2015 ne semble guère porter ses fruits en termes de croissance… malgré les espoirs européens:  le président de l’Eurogroupe s'était en effet déclaré «très heureux du résultat» tandis que le Commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, insistait: «Un pas important a été franchi.»


Pourtant, la Grèce a connu en 2016 une année exceptionnelle en ce qui concerne les recettes touristiques, bénéficiant des incertitudes politiques autour de la méditerranée… Mais «les "réformes" imposées au gouvernement grec ont certes produit un excédent primaire (hors service de la dette) record, mais elles n'ont pas permis la reprise de l'économie. En réalité, il faut modifier cette façon même d'envisager la réalité grecque: c'est bien le troisième mémorandum qui a tiré vers le bas l'économie grecque, encore une fois», écrit sévèrement Romaric Godin dans La Tribune.

La Grèce a perdu 65.000 habilants
Depuis 2009, l’austérité imposée à la Grèce n’a jamais permis au pays de doper sa croissance. La richesse par habitant a reculé de 21% (en prenant en compte le recul de la population) sans que la croissance ne reparte. Même cause, mêmes effets, le dernier plan imposé par Bruxelles en 2015 a encore pesé sur la croissance. Au dernier trimestre 2016, l'investissement productif affichait un recul de 13,8% sur un an et en 2016, les exportations ont reculé de 1,6%... comme quoi la purge n’a pas profité à l’économie réelle même si elle a permis de dégager un excédent budgétaire primaire (avant remboursement des dettes).

Les Grecs qui avaient voté «non» aux réformes éxigées par l’Europe en 2015 avant que le gouvernement Tsipras accepte finalement le memorandum s’interrogent de plus en plus sur leur avenir. Il y a bien sûr l’émigration (la Grèce en 2015 a perdu quelque 65.000 habitants). «Pour les jeunes qui ont une qualification ou un diplôme reconnu, la meilleure solution est d'émigrer aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne ou en Allemagne, solution perverse qui prive le pays du retour sur les investissements publics consacrés à leur formation» et, pour toute la population, se pose régulièrement la question de l’appartenance à l’euro.

Résultat, selon un récent sondage, 31% des Grecs seraient en faveur d’une sortie de l’euro (d'autres enquêtes affirment qu'ils sont entre 31 et 42% à vouloir un retour à la drachme)... Et, selon d'autres sondages, 53% des Grecs considèrent l’entrée dans la zone euro comme une erreur. 

Il faut dire que les analyses du FMI sur la crédibilité du mémorandum sont assassines et qu'en Europe la question de la soutenabilité de la dette grecque fait toujours débat sans que rien ne change. 


Quant à Alexis Tsipras, entre les exigences européennes et les doutes du FMI sur les solutions imposées dans le memorandum, il voit sa popularité s’effondrer. Il serait désormais largement devancé par la droite dans les sondages… une droite qui n’a pas d’autre politique que celle de Syriza.


Vers «un 4e plan d'aide»
Le mauvais chiffre de la croissance grecque va-t-elle changer la politique européenne? En année électorale allemande, rien n'est moins sûr. «L’Europe saura-t-elle faire preuve de réalisme? Saura-t-elle comprendre que la dette grecque ne pourra être remboursée sans arrangement, sous peine de plonger ce pays encore plus profondément dans la crise sociale économique et migratoire?  Saura-t-elle admettre qu’une politique de relance doit prendre le relais de l’austérité? Saura-t-elle éviter la tragédie grecque ou uniquement la reporter dans le temps?» Ce n’est pas un gauchiste qui le dit, mais Nathaniel E.Burkhalter l’économiste d’une banque helvétique.

Pourtant, il faudra bien trouver une solution. Comme le note le politologue Nicolas Leron (centre d’études européennes de Sciences Po) dans Grèce Hebdo, «le 3e plan d'aide à la Grèce peine à s'achever qu'on évoque déjà un 4e plan d'aide. Pour reprendre la formule de l'universitaire allemand Wolfgang Streeck : nous achetons du temps à un coût de plus en plus prohibitif. Ce n'est tout simplement pas tenable, tant économiquement que politiquement. La structure même de la situation appelle tôt ou tard une réponse : sortie/implosion de la zone euro ou mutualisation des dettes et transferts de richesses, c'est-à-dire le choix entre une Europe de la défiance, dont la caractéristique première est la sur-juridicisation des relations entres Etats membres, avec son lot d'humiliations et de blocages, ou bien une Europe puissance publique qui crée du commun.»

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