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En Asie, 150 millions de filles manquent à l'appel
En Chine et dans le nord de l'Inde, on compte en moyenne 115 garçons pour 100 filles à la naissance. Avortements sélectifs, infanticides, politique de l’enfant unique en Chine, ont mené à cette situation. Conséquence, un jeune Chinois sur cinq serait incapable de se trouver une épouse.
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Les démographes les appellent les «femmes manquantes», celles qui auraient dû naître et qui ont été éliminées à cause de leur sexe. Selon les Nations Unies, 150 millions de filles manquent à l'appel dans le monde (sur 30 ans). En dehors de la Chine et de l'Inde, d’autres pays asiatiques ont un écart non négligeable entre filles et garçons. Au Pakistan, il manquerait 5 millions de femmes, 3 millions au Bangladesh, un million en Afghanistan, 400.000 à Taïwan et 150.000 en Corée du Sud.
Préférence pour les garçons
Ce surplus d'hommes est le résultat funeste d'une préférence traditionnelle pour les garçons. Les raisons en sont à la fois sociales, culturelles et religieuses…
Dans les sociétés traditionnelles, le fils est important pour les rites funéraires, pour l’honneur de la famille, la transmission du patrimoine, la perpétuation du nom et pour garantir les vieux jours des parents.
En Chine, la politique de l’enfant unique a amené de nombreuses familles à ne garder que les garçons. En Inde, les filles sont un «fardeau» financier à cause des dots énormes (pratique pourtant illégale depuis 1961) que leurs parents doivent verser. Les familles les plus riches ne sont pas les moins sélectives. Pour être à la hauteur de leur statut social, elles doivent verser des dots très élevées pour que leurs enfants puissent faire de beaux mariages.
Mais le déséquilibre filles-garçons s’est encore creusé avec l’arrivée des techniques de dépistage prénatal (à partir des années 1980). Lesquels s'accompagnent d’un recours massif à des avortements de fœtus féminins.
Des millions de célibataires
En Chine, la situation devient préoccupante: «Au sein de la génération née en 2010, (...) on comptait près de 118 naissances de garçons pour 100 naissances de filles, notamment à cause d'avortements sélectifs», rapporte Le Monde. Conséquence: des millions d’hommes ne trouvent pas de compagnes. En Inde et en Chine, certains kidnappent des femmes, d’autres partent chercher des Birmanes, des Vietnamiennes, des Indonésiennes.
Les femmes risquent encore davantage d'être contraintes à des mariages forcés, achetées via des entremetteurs, enlevées ou contraintes de «servir d'épouses» à plusieurs hommes d'une même famille. Ce manque de femmes provoque également un surcroît de violences. Près de 40.000 viols sont recensés chaque année en Inde, un chiffre sans doute sous-estimé, de nombreuses victimes se taisant de peur d’être stigmatisées.
Changer les mentalités
Face à ce danger mortel, les gouvernements de la région ont fini par réagir. Les autorités coréennes ont fait la chasse aux médecins qui pratiquaient l'avortement en fonction du sexe. De lourdes amendes et parfois des peines de prison ont été prononcées contre les médecins et les couples.
Pékin a adopté plus récemment une législation contre les «avortements sélectifs», et lancé des campagnes de promotion de la femme.
En Chine comme en Inde, les autorités locales peuvent accorder des subventions lors de la naissance des filles. Elles les accompagnent jusqu'à leurs 18 ans avec des bourses d'études et offrent même de l'argent lors du mariage.
Pékin va parfois jusqu’à proposer une protection sociale aux parents de filles pour leur garantir une retraite.
Les rôles sociaux changent également avec le développement économique. De plus en plus de filles travaillent, sont autonomes et subviennent aux besoins de leurs parents.
Mais l'Inde et la Chine ne pourront jamais combler cette classe creuse, marquée par trente ans de sélection des naissances. Des dizaines de millions d'hommes dans ces pays ne pourront jamais se marier.
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