Ultraconservateur, juriste, adversaire d'Israël... Qui était Ebrahim Raïssi, le président iranien mort dans un accident d'hélicoptère ?
Sur place, la télévision diffuse des chants religieux en montrant des photos de lui. Le président iranien Ebrahim Raïssi est mort dans un accident d'hélicoptère, a confirmé le gouvernement lundi 20 mai, après la découverte de l'épave de l'appareil à l'aube.
Elu avec une abstention record, ultraconservateur, adversaire résolu d'Israël... Franceinfo vous dresse le portrait de l'ancien président, qui va être remplacé par le Premier vice-président, Mohammad Mokhber, avant l'organisation d'une élection présidentielle dans les 50 jours.
Il a effectué l'essentiel de sa carrière dans le système judiciaire
Né en décembre 1960 dans la ville sainte chiite de Machhad, dans le nord-est du pays, Ebrahim Raïssi a monté durant trois décennies les échelons du système judiciaire. Après avoir été nommé procureur général de Karaj, près de Téhéran, à seulement 20 ans, dans la foulée de la victoire de la Révolution islamique de 1979, il a été procureur général de Téhéran de 1989 à 1994, puis chef adjoint de l'Autorité judiciaire de 2004 à 2014, année de sa nomination au poste de procureur général du pays.
En 2016, le guide suprême Ali Khamenei l'a placé à la tête de la puissante fondation caritative Astan-é Qods Razavi, qui gère le mausolée de l'Imam-Réza à Machhad ainsi qu'un immense patrimoine industriel et immobilier. Trois ans plus tard, il prend la tête de l'Autorité judiciaire.
Toujours coiffé d'un turban noir de "seyyed" (descendant de Mahomet), Ebrahim Raïssi, barbe poivre et sel et fines lunettes, a suivi les cours de religion et de jurisprudence islamique de l'ayatollah Ali Khamenei. Marié à Jamileh Alamolhoda, professeure de sciences de l'éducation à l'université Shahid Beheshti de Téhéran, avec laquelle il a eu deux filles diplômées du supérieur, il est le gendre d'Ahmad Alamolhoda, imam de la prière et représentant provincial du guide à Machhad, deuxième ville d'Iran.
Il était à la tête du pays depuis 2021
Ebrahim Raïssi a pris la tête de la République islamique il y a près de trois ans : il avait été élu le 18 juin 2021 dès le premier tour d'un scrutin marqué par une abstention record pour une présidentielle et l'absence de concurrents de poids. Il s'était engagé pendant la campagne électorale à être le défenseur de la "liberté d'expression" et des "droits fondamentaux de tous les citoyens iraniens". Il se présentait aussi comme le champion des classes défavorisées et de la lutte contre la corruption. Après sa victoire, Ebrahim Raïssi avait ainsi succédé au modéré Hassan Rohani, qui l'avait battu à la présidentielle de mai 2017 et ne pouvait plus se représenter après deux mandats consécutifs.
Son mandat a été secoué par un contexte interne tendu : un fort mouvement de contestation, fin 2022, à la suite de la mort de Mahsa Amini, une jeune femme arrêtée pour non-respect du code vestimentaire, un double attentat en janvier 2024 revendiqué par l'Etat islamique – "attaque la plus meurtrière sur le sol iranien depuis 1978", précise Le Monde – et "une crise économique sévère", ajoute le journal.
Mais le dernier scrutin national en date l'avait renforcé : les conservateurs et ultraconservateurs, soutiens de son gouvernement, avaient remporté à la mi-mai 2024 les élections législatives. Ebrahim Raïssi s'était alors félicité d'"un nouvel échec historique infligé aux ennemis de l'Iran après les émeutes" de 2022. "Depuis qu'il est arrivé [au pouvoir], il a renforcé la police des mœurs en Iran", a précisé à France Télévisions la Franco-Iranienne Fahimeh Robiolle, autrice de Femme, vie, liberté.
Ultraconservateur, il était un "exécutant" de l'ayatollah Ali Khamenei
Ebrahim Raïssi était soutenu par la principale autorité de la République islamique, l'ayatollah Ali Khamenei. "C'était un pion dans la stratégie du guide Ali Khamenei, qui veut mettre les courants les plus radicaux au pouvoir en Iran", commente auprès de France Télévisions Thierry Coville, chercheur à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et spécialiste de l'Iran. Ultraconservateur et partisan assumé de l'ordre, Ebrahim Raïssi était ainsi "considéré comme un successeur possible de l'ayatollah", rapporte le New York Times.
"Le vrai détenteur du pouvoir en Iran, ce n'est pas le président de la République, c'est le guide de la Révolution, Ali Khamenei, qui lui, est toujours bien en place. Le président de la République en Iran n'est finalement qu'un Premier ministre. C'est un exécutant", confirme auprès de franceinfo Jonathan Piron, historien et politologue spécialiste de l'Iran. Avant la confirmation de la mort du président, Ali Khamenei rassurait d'ailleurs : "Le peuple iranien ne devrait pas s'inquiéter, il n'y aura pas de perturbations dans l'administration du pays."
Ebrahim Raïssi figurait sur la liste noire américaine des responsables iraniens sanctionnés par Washington pour "complicité de graves violations des droits humains", des accusations balayées comme nulles et non avenues par les autorités de Téhéran.
Un adversaire résolu d'Israël
Ces derniers mois, Ebrahim Raïssi s'était présenté comme un adversaire résolu d'Israël, l'ennemi juré de la République islamique, en apportant son soutien au mouvement islamiste palestinien Hamas depuis le début, le 7 octobre, de la guerre qu'Israël lui livre dans la bande de Gaza. Il avait ainsi justifié l'attaque inédite lancée par l'Iran le 13 avril contre Israël, avec 350 drones et missiles, dont la plupart ont été interceptés avec l'aide des Etats-Unis et de plusieurs autres pays alliés.
Dimanche encore, lors d'un déplacement dans la province d'Azerbaïdjan oriental, il apportait de nouveau son soutien au Hamas face à Israël à l'occasion d'une conférence de presse commune avec le président de l'Azerbaïdjan, Ilham Aliev. "Nous pensons que la Palestine est la première question du monde musulman", a-t-il notamment déclaré.
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