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Israël : la coalition anti-Netanyahou est "condamnée au succès", selon un spécialiste

"Netanyahou sera encore celui grâce auquel ce gouvernement tiendra, parce que personne ne veut échouer et lui redonner la possibilité de revenir aux affaires", a décrypté Denis Charbit, professeur de sciences politiques, après la création d'une coalition hétéroclite anti-Netanyahou en Israël.

Article rédigé par franceinfo
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Benjamin Netanyahou à Tel Aviv, en mai 2021. (JACK GUEZ / AFP)

Une coalition anti-Netanyahou a été trouvée mercredi en Israël, rassemblant des élus allant de la gauche à l'extrême droite. Alors que le Parlement doit voter la confiance à ce nouveau gouvernement dans les prochains jours, Denis Charbit, professeur de sciences politiques à l'Université ouverte d'Israël et auteur du livre Israël et ses paradoxes, estime jeudi 3 juin sur franceinfo que la coalition est "condamnée au succès", face à un Benjamin Netanyahou qui deviendrait alors chef de l'opposition.

franceinfo : Pensez-vous que cette coalition, très diverse, puisse obtenir le vote de confiance de la Knesset ?

Denis Charbit : On a une sorte de coalition arc-en-ciel, de l'extrême gauche à l'extrême droite. C'est peut-être du jamais vu, mais il faut compter avec, je dirais, le pragmatisme israélien, il faut surtout compter avec le sentiment de vouloir en finir avec l'hyperprésence de Netanyahou. Il faut bien comprendre que si ce gouvernement d'alternance existe, c'est parce que Netanyahou s'est fâché à mort avec trois leaders de trois partis politiques de la droite israélienne et ça aussi, c'est du jamais vu. Il faut comprendre à la fois la dimension personnelle, mais aussi quelque chose qui est, je dirais, la vitalité même de la démocratie, le besoin d'alternance.

C'est vrai que Netanyahou a réussi pendant des années a laissé entendre qu'il est indispensable, qu'il est incontournable, qu'on ne peut pas imaginer un gouvernement sans lui. J'ai un fils de 16 ans qui me disait aujourd'hui "moi je n'ai jamais connu d'autre Premier ministre que Netanyahou, j'étais trop petit, j'étais bébé", et donc voilà ce qui se joue également dans cet éventuel gouvernement d'alternance. Je crois qu'ils sont condamnés au succès. Et Netanyahou, en décidant probablement de rester chef de l'opposition, sera encore celui grâce auquel ce gouvernement tiendra, parce qu'ils ne veulent pas échouer et redonner en quelque sorte à Netanyahou la possibilité de revenir aux affaires.

À l'inverse, Benjamin Netanyahou peut-il se maintenir au pouvoir ?

Il peut tout faire pour que le score de ce futur gouvernement soit inférieur à la majorité de 61 députés lors du vote de confiance. Mais dans le fonctionnement de l'institution politique israélienne, même si c'est un gouvernement de minorité, il suffit qu'il ait une voix, deux voix, trois voix de plus que l'opposition lors du vote de confiance pour que ce gouvernement soit maintenu. Ce qu'il cherche à faire jusqu'au moment du vote, c'est à débaucher les réfractaires, les récalcitrants, ceux qui se sentent de droite, de tout cœur à droite et ils sont bien obligés de voter pour un gouvernement, toutes familles politiques confondues. Donc, il ne lâche pas.

C'est dans le tempérament de Netanyahou, de ne pas lâcher. De ce point de vue-là, on a le sentiment à gauche et au centre que certes Netanyahou a un pied dehors, mais il n'a pas encore les deux pieds à l'extérieur. Il n'est pas encore définitivement dégagé. Il faut que les centristes et ceux qui sont à gauche tiennent bon, retiennent leur souffle encore une dizaine de jours et attendent ce scrutin que beaucoup attendent effectivement avec beaucoup d'espoir.

Mais cette coalition va-t-elle pouvoir gouverner, alors qu'elle est composée de personnalités politiques de plusieurs bords, qui ne sont pas d'accord sur les grands sujets ?

Il faut tenir compte effectivement du fait que la société israélienne est profondément divisée et qu'on a surtout le sentiment que c'est la classe politique qui a contribué à cette division. Un discours d'apaisement, un discours qui consiste à mettre autour de la même table gouvernementale des Arabes, des religieux, des laïcs, des gens de gauche, des gens du centre, des gens de droite, est peut-être un peu le début de l'ère messianique d'une certaine manière. Là, nous allons avoir affaire à un gouvernement qui va mettre en avant ce minimum commun.

Concernant la question palestinienne, la question du conflit, d'abord l'opération militaire avec le Hamas est derrière nous, donc cette épreuve-là ne va pas se présenter dans les semaines, les mois, voire les années à venir. Et puis surtout, n'oubliez pas que Joe Biden est à la Maison Blanche. Donc, de ce point de vue-là, il y a une conjoncture internationale soutenue par les accords d'Abraham, qui renforce également la cohésion de ce gouvernement. Je crois qu'il faut espérer de ce gouvernement que les ministres s'occupent non pas des grandes idéologies – on ne va pas résoudre la question palestinienne dans les mois à venir – mais qu'ils s'occupent chacun de leur ministère. On sort d'une crise économique très dure liée au Covid-19 et donc il y a du pain sur la planche.

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