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L'aide américaine à Israël: finance, matériel militaire, renseignement...
Le 30 juillet dernier, les Etats-Unis confirmaient avoir réapprovisionné Israël en munitions. Quelques heures auparavant, Washington condamnait l’attaque d’une école de l’ONU à Gaza. Les deux Etats entretiennent depuis bien longtemps une relation privilégiée dans laquelle les Etats-Unis se sont engagés à protéger l’Etat hébreu. Quitte à perdre de l’argent et transiger sur leurs valeurs.
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«Je veux que tout soit fait pour s’assurer que les civils palestiniens ne se fassent pas tuer, ce qui se passe là-bas est déchirant», déclarait Barack Obama lors de sa conférence de presse le vendredi 1er août 2014.
Deux jours plus tôt, Washington confirmait avoir autorisé Tsahal à se réapprovisionner dans un stock de munitions entreposé par l’armée américaine en Israël. Comment expliquer une telle ambigüité de la position des USA sur ce conflit ?
Dans leur ouvrage Le Lobby israélien et la politique étrangère américaine publié en 2007, John J. Mearsheimer et Stephen M. Walt, deux universitaires américains, se penchent sur la place que tient le lobby israélien dans la politique étrangère de Washington.
Le premier chapitre de cet ouvrage très documenté revient sur l’aide économique, militaire et diplomatique des Etats-Unis à Israël. Analyser la situation actuelle à la lumière de ces informations donne un élément de réponse à la non-résolution du conflit israélo-palestinien.
«Le grand bienfaiteur»
Les Etats-Unis vendent des armes à Israël depuis 1963. Aujourd’hui, ce pays est premier sur la liste des aides financières américaines apportées à des pays étrangers, devant l’Irak et l’Afghanistan, pourtant en pleine reconstruction.
Pourtant, dans la présentation du budget dédié à l’assistance à l’étranger pour l’année fiscale 2014, John Kerry ne mentionne pas Israël. Il cite l’Irak et l’Afghanistan, omettant d’aborder la principale source de dépense américaine à l’étranger.
«Il est important de se rappeler que l’assistance à l’étranger n’est ni un acte de charité, ni une faveur que nous faisons aux autres nations. C’est un impératif stratégique pour l’Amérique», peut-on lire dans ce document. Pourtant, le surnom de «grand bienfaiteur», donné aux Etats-Unis par MM. Mearsheimer et Walt, se justifie par les chiffres.
Les auteurs estiment à presque 154 milliards de dollars «l’assistance directe, économique et militaire fournie par les Etats-Unis à Israël» de 1948 à 2005. Le site foreignassistance.gov indique par ailleurs que 3,1 milliards de dollars ont été attribués à Israël pour l’année fiscale 2014. La même somme a été demandée pour 2015.
«Conditions extrêmement favorables»
Les universitaires citent également une clause datant de 1982 et permettant à Israël de recevoir «la totalité de son aide dans les 30 premiers jours de l’année fiscale». Or, ce privilège oblige le gouvernement américain à emprunter pour couvrir le déficit de la somme et permet à Israël de réinvestir l’argent non-dépensé.
Par ailleurs, les bénéficiaires d’aide financière américain sont normalement obligés de dépenser tout l’argent qui leur est confié en matériel américain afin de «sauvegarder l’emploi des ouvriers des entreprises d’armement américaines». Le Congrès a pourtant autorisé Israël à utiliser un quart de l’aide pour «subventionner sa propre industrie militaire». «De fait, en 2004, ce petit pays était devenu le huitième exportateur d’armes de la planète», précisent les deux auteurs.
L’information est confirmée par Jeremy M. Sharp, analyste politique au service de recherche du Congrès américain, dans un rapport pour le Congrès rédigé en avril 2014 : «La capacité d’Israël à utiliser une part importante de son aide militaire annuelle pour des acquisitions en Israël est une caractéristique qui n’existe que dans le cas de son programme d’aide. Aucun autre bénéficiaire de l’aide militaire américaine n’a vu cet avantage lui être accordé.»
Autre exception : le pays est le seul bénéficiaire d’aide américaine qui n’a pas à justifier la façon dont il dépense l’argent qu’il reçoit. Dès lors, les Etats-Unis n’ont aucun moyen de s’opposer à l’utilisation de cet argent à des fins auxquelles ils s’opposent en théorie : construction de colonies en Cisjordanie ou opération armée à Gaza.
Aide militaire
Mais la majeure partie de l’aide américaine à Israël est de nature militaire. Sur ce point également, Jeremy M. Sharp va dans le sens de MM. Mearsheimer et Walt et affirme que «la quasi-totalité de l’aide américaine à Israël se présente sous la forme d’une assistance militaire.»
Clyde Mark, du Service des études du Congrès, cité dans l’ouvrage des deux universitaires américains, précise : «Depuis 1974, tout ou partie de l’aide militaire arrive sous forme de prêts dont les Etats-Unis n’exigent pas le remboursement. Techniquement, cela s’appelle toujours des prêts, mais, en pratique, ce sont des dons.»
Nouvelle arme : la NSA
Dans un article publié le 4 août sur le site The Intercept, Glenn Greenwald s’intéresse à un troisième aspect de l’aide américaine à Israël : le renseignement. Il évoque notamment le rôle joué par la NSA auprès de son équivalent israélien, l’unité nationale du SIGINT (pour Signals intelligence, soit renseignement d’origine électromagnétique) israélien, l’ISNU.
Le journaliste américain affirme que «l’agression israélienne serait impossible sans le soutien constant et généreux, ainsi que la protection du gouvernement américain […] La relation entre la NSA et, d’un côté, ses partenaires, d’un autre, l’agence israélienne d’espionnage, est le cœur de ce fonctionnement.»
Dans un nouveau document que The Intercept s’est procuré début août, la NSA évoque «une considérable relation technique et analytique avec l’unité nationale du SIGINT israélien permettant la mis en commun d’informations sur l’accès, l’interception, le ciblage, la langue, l’analyse et la couverture de l’actualité».
Le document confidentiel apporte également la confirmation qu’Israël utilise les informations de la NSA pour atteindre ses objectifs. Intitulé «Ce que la NSA fournit à l’INSU», un paragraphe détaille ce que l’agence israélienne peut espérer de la NSA: «Les Israéliens jouissent des avantages d’un accès géographique élargi à l’analyse cryptée d’envergure mondiale de la NSA et à l’expertise technique de SIGINT».
Deux jours plus tôt, Washington confirmait avoir autorisé Tsahal à se réapprovisionner dans un stock de munitions entreposé par l’armée américaine en Israël. Comment expliquer une telle ambigüité de la position des USA sur ce conflit ?
Dans leur ouvrage Le Lobby israélien et la politique étrangère américaine publié en 2007, John J. Mearsheimer et Stephen M. Walt, deux universitaires américains, se penchent sur la place que tient le lobby israélien dans la politique étrangère de Washington.
Le premier chapitre de cet ouvrage très documenté revient sur l’aide économique, militaire et diplomatique des Etats-Unis à Israël. Analyser la situation actuelle à la lumière de ces informations donne un élément de réponse à la non-résolution du conflit israélo-palestinien.
«Le grand bienfaiteur»
Les Etats-Unis vendent des armes à Israël depuis 1963. Aujourd’hui, ce pays est premier sur la liste des aides financières américaines apportées à des pays étrangers, devant l’Irak et l’Afghanistan, pourtant en pleine reconstruction.
Pourtant, dans la présentation du budget dédié à l’assistance à l’étranger pour l’année fiscale 2014, John Kerry ne mentionne pas Israël. Il cite l’Irak et l’Afghanistan, omettant d’aborder la principale source de dépense américaine à l’étranger.
«Il est important de se rappeler que l’assistance à l’étranger n’est ni un acte de charité, ni une faveur que nous faisons aux autres nations. C’est un impératif stratégique pour l’Amérique», peut-on lire dans ce document. Pourtant, le surnom de «grand bienfaiteur», donné aux Etats-Unis par MM. Mearsheimer et Walt, se justifie par les chiffres.
Les auteurs estiment à presque 154 milliards de dollars «l’assistance directe, économique et militaire fournie par les Etats-Unis à Israël» de 1948 à 2005. Le site foreignassistance.gov indique par ailleurs que 3,1 milliards de dollars ont été attribués à Israël pour l’année fiscale 2014. La même somme a été demandée pour 2015.
«Conditions extrêmement favorables»
Les universitaires citent également une clause datant de 1982 et permettant à Israël de recevoir «la totalité de son aide dans les 30 premiers jours de l’année fiscale». Or, ce privilège oblige le gouvernement américain à emprunter pour couvrir le déficit de la somme et permet à Israël de réinvestir l’argent non-dépensé.
Par ailleurs, les bénéficiaires d’aide financière américain sont normalement obligés de dépenser tout l’argent qui leur est confié en matériel américain afin de «sauvegarder l’emploi des ouvriers des entreprises d’armement américaines». Le Congrès a pourtant autorisé Israël à utiliser un quart de l’aide pour «subventionner sa propre industrie militaire». «De fait, en 2004, ce petit pays était devenu le huitième exportateur d’armes de la planète», précisent les deux auteurs.
L’information est confirmée par Jeremy M. Sharp, analyste politique au service de recherche du Congrès américain, dans un rapport pour le Congrès rédigé en avril 2014 : «La capacité d’Israël à utiliser une part importante de son aide militaire annuelle pour des acquisitions en Israël est une caractéristique qui n’existe que dans le cas de son programme d’aide. Aucun autre bénéficiaire de l’aide militaire américaine n’a vu cet avantage lui être accordé.»
Autre exception : le pays est le seul bénéficiaire d’aide américaine qui n’a pas à justifier la façon dont il dépense l’argent qu’il reçoit. Dès lors, les Etats-Unis n’ont aucun moyen de s’opposer à l’utilisation de cet argent à des fins auxquelles ils s’opposent en théorie : construction de colonies en Cisjordanie ou opération armée à Gaza.
Aide militaire
Mais la majeure partie de l’aide américaine à Israël est de nature militaire. Sur ce point également, Jeremy M. Sharp va dans le sens de MM. Mearsheimer et Walt et affirme que «la quasi-totalité de l’aide américaine à Israël se présente sous la forme d’une assistance militaire.»
Clyde Mark, du Service des études du Congrès, cité dans l’ouvrage des deux universitaires américains, précise : «Depuis 1974, tout ou partie de l’aide militaire arrive sous forme de prêts dont les Etats-Unis n’exigent pas le remboursement. Techniquement, cela s’appelle toujours des prêts, mais, en pratique, ce sont des dons.»
Nouvelle arme : la NSA
Dans un article publié le 4 août sur le site The Intercept, Glenn Greenwald s’intéresse à un troisième aspect de l’aide américaine à Israël : le renseignement. Il évoque notamment le rôle joué par la NSA auprès de son équivalent israélien, l’unité nationale du SIGINT (pour Signals intelligence, soit renseignement d’origine électromagnétique) israélien, l’ISNU.
Le journaliste américain affirme que «l’agression israélienne serait impossible sans le soutien constant et généreux, ainsi que la protection du gouvernement américain […] La relation entre la NSA et, d’un côté, ses partenaires, d’un autre, l’agence israélienne d’espionnage, est le cœur de ce fonctionnement.»
Dans un nouveau document que The Intercept s’est procuré début août, la NSA évoque «une considérable relation technique et analytique avec l’unité nationale du SIGINT israélien permettant la mis en commun d’informations sur l’accès, l’interception, le ciblage, la langue, l’analyse et la couverture de l’actualité».
Le document confidentiel apporte également la confirmation qu’Israël utilise les informations de la NSA pour atteindre ses objectifs. Intitulé «Ce que la NSA fournit à l’INSU», un paragraphe détaille ce que l’agence israélienne peut espérer de la NSA: «Les Israéliens jouissent des avantages d’un accès géographique élargi à l’analyse cryptée d’envergure mondiale de la NSA et à l’expertise technique de SIGINT».
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