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Téléphonie : Orange... mécanique commerciale en Israël

A vouloir se dissocier de sa filiale israélienne Partner, qu'il trouvait trop engagée auprès de l'armée israélienne, l'opérateur français de téléphonie, Orange, a donné l'impression de répondre aux injonctions des organisations type BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions). Explications de Charles Enderlin sur le contexte des excuses et la marche arrière de la direction de l'entreprise.
Article rédigé par Frédérique Harrus
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Jérusalem (Israël), le 4 juin 2015.Clients israéliens dans une boutique de l'opérateur de téléphonie Partner, filiale d'Orange.
 (AFP PHOTO/MENAHEM KAHANA)

Rarement, certains disent jamais, Israël n’a été dans une position stratégique aussi favorable.

En Syrie, l’armée gouvernementale a pratiquement cessé d’exister et les miliciens du Hezbollah libanais qui combattent aux côtés de ce qui reste des forces d’Assad ne parviennent pas à empêcher l’avance des diverses organisations d’opposition, Daesh et autres.

Dans le sud, la coopération -discrète- avec l’armée égyptienne n’a jamais été aussi bonne. Israël et le Hamas sont parvenus à un accord de fait. L’organisation islamiste lutte contre les cellules de Daech qui, depuis Gaza, tirent de temps à autre des roquettes en direction d’Israël. Les militaires israéliens réduisent progressivement la pression sur la population de ce territoire.

Ce n’est pas tout, l’affaire du nucléaire iranien paraît évoluer vers un accord entre les puissances et Téhéran.

La grande menace
Alors que les ennemis traditionnels d’Israël s’affaiblissent ou disparaissent, le gouvernement Netanyahu se tourne vers une autre menace fondamentale : le boycott ! Et l’affaire «Orange» est arrivée à point nommé.

Explications : Partner, la compagnie qui, sous le nom d’Orange, opère un des principaux réseaux de téléphonie mobile en Israël a le droit le plus absolu de soutenir son armée, d’envoyer des équipes mobiles réparer gratuitement les portables des soldats, pendant la dernière guerre à Gaza, et, aussi, adopter un ou deux bataillons blindés. Partner-Orange entend ainsi cultiver son image patriotique indispensable à sa politique commerciale.

Seulement voilà, Orange est une société multinationale qui opère des réseaux cellulaires dans le monde arabe. Et là, des ONG ont relevé cette contribution à l’effort militaire israélien. Cela, sans parler des activités de Partner dans les colonies israéliennes en Cisjordanie, considérées comme illégales par la communauté internationale.

La question est donc la suivante : une société dont le nom est lié à de telles activités israéliennes peut-elle faire des affaires dans le monde arabe? Au mieux, c’est compliqué! Et Stéphane Richard, le PDG d’Orange International, a déclaré, ce jeudi, 4 juin, au cours d’une conférence de presse au Caire que, s’il le pouvait, il déciderait «dès demain le retrait d’Orange d’Israël». Plus tard, il a expliqué au Monde : «Le groupe Orange n’est pas actionnaire de la société Partner et n’a donc aucune influence sur la stratégie ou le développement opérationnel de celle-ci […]. Il s’agit d’une entreprise qui utilise le nom d’Orange, mais qui n’a rien à voir avec le groupe et qui n’est pas contrôlée par nous»

Richard s’excuse
Et ce fut la tempête. Les dirigeants et les médias israéliens sont montés au créneau, considérant qu’Orange cédait à la campagne de boycott dirigée par BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions). La présidence du Conseil à Jérusalem a demandé des explications à l’Élysée ; les Affaires étrangères ont contacté le Quai d’Orsay.

Sur le web, les sites juifs francophones sont partis en guerre, diffusant le portrait de Richard affublé d’une petite moustache à la Hitler. Attaqué, le PDG d’Orange International a commencé à s’excuser sur tous les tons. Interviews au grand quotidien Yediot Aharonot et au site Ynet, proclamant : «J’aime Israël !». Il a demandé un rendez-vous à l’ambassadeur d’Israël à Paris pour, en personne demander pardon. «Que non!», a fait savoir Benjamin Netanyahu : «Qu'il vienne en personne à Jérusalem!» Et Orange International de faire savoir que Stéphane Richard «accueille favorablement l'invitation d'Israël et s'y rendra prochainement pour réaffirmer l'engagement du groupe». Orange, dit-il, est en Israël «pour y rester».

François Hollande et Laurent Fabius ont condamné le boycott d'Israël, ce dernier en ces termes : «S’il appartient au président du groupe Orange de définir la stratégie commerciale de son entreprise, la France est fermement opposée au boycott d’Israël. La France et l’Union européenne ont par ailleurs une position constante et connue de tous sur la colonisation.» En principe, donc, l’affaire est close et le gouvernement israélien se félicite d’avoir remporté une victoire. Sa réaction aurait fait reculer Orange.. 

: «S’il appartient au président du groupe Orange de définir la stratégie commerciale de son entreprise, la France est fermement opposée au boycott d’Israël. La France et l’Union européenne ont par ailleurs une position constante et connue de tous sur la colonisation.» En principe, donc, l’affaire est close et le gouvernement israélien se félicite d’avoir remporté une victoire. Sa réaction aurait fait reculer Orange.

BDS et la com de Netanyahu
Mais quelle est l’ampleur réelle de la menace que représentent BDS et le boycott? Au plan économique, elle n’est, au mieux, que symbolique. Les colonies ne contribuent que pour 3% à l’économie israélienne et, à l’exportation, le gouvernement compense les entreprises qui se heurtent à des difficultés de ce genre. Même l’Union Européenne ne parvient pas à se mettre d’accord sur l’étiquetage des produits issus des colonies israéliennes.

De temps à autre, BDS réussit à marquer un point. Une Église, un fonds de pension, une association d’étudiants, votent le désinvestissement dans une société israélienne liée à la colonisation d’une manière ou d’une autre. Surtout, cela permet à Benjamin Netanyahu de mobiliser son opinion publique en ces termes: «Nous sommes au milieu d’une campagne internationale destinée à noircir notre pays. Cela n’a aucun lien avec nos actions. C’est lié à notre même existence. Ce que nous faisons ne compte pas – ce que nous symbolisons compte ! C’est un phénomène que nous avons rencontré dans l’histoire de notre peuple. Que disait-on du peuple juif ! Que nous empoisonnons les puits et buvons le sang des enfants. C’est ce que l’on dit de nous aujourd’hui !» Le message est clair, destiné avant tout au public israélien et aux communautés juives : tout cela n’a rien à voir avec la colonisation, c’est de l’antisémitisme pur et simple !

Aux éditorialistes et aux personnalités politiques qui réfutent cet argument, la droite à beau jeu de rappeler que le boycott concerne aussi les principales universités du pays où se trouvent la plupart des opposants à la colonisation. BDS est-il l’allié objectif de la droite israélienne ?

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