Italie : la ministre de l'Intégration attaquée sur sa couleur de peau
"Un éloge à l'incompétence " et "une
étrangère dans ma maison ": voilà les compliments qui ont accueilli Cécile
Kyenge, ministre de l'Intégration du nouveau gouvernement italien, après qu'elle eut
proposé de changer les règles de l'immigration.
La première femme noire de l'histoire
italienne à accéder au poste de ministre a donné un grand coup dans la fourmilière du gouvernement Letta, en
annonçant l'adoption prochaine du droit du sol aux côtés du droit du sang, et se
rapprochant ainsi du système français.
Les enfants nés de parents étrangers présents sur le
territoire depuis plus de 5 ans pourraient obtenir la nationalité italienne. La ministre d'origine congolaise a également signé un projet de décret annulant le
délit "d'immigration clandestine ", qui prévoit des amendes pour les étrangers en situation irrégulière.
Des attaques racistes accueillent la réforme
La réaction ne s'est pas fait attendre : dans la
journée de dimanche, les chants racistes que l'on entendait dans les stades sont passés aux
palais du pouvoir.
Une jeune député du Peuple des Libertés (PDL), a contre-attaqué avec goût en
se demandant si, après la loi sur l'immigration, "le ministre Kyenge
compte aussi présenter une loi autorisant la polygamie, basée sur son
expérience familiale au Congo ?". "C'est
un choix de merde, un éloge à l'incompétence (...) Elle a la tête d'une femme au foyer ", a déclaré pour sa part le député
européen de la Ligue du Nord, Mario Borghezio. Cécile Kyenge s'est aussi fait
attaquer sur ses trente-sept frères et sœurs, nés d'un père polygame.
"Kyenge est un médecin ? Je ne me ferais jamais soigner par elle" Erminio Boso, député européen de la Ligue du Nord
Plus serein, le parti de Silvio Berlusconi (le Peuple des Libertés, PDL) a assuré la
ministre de son soutien face aux insultes, tout en précisant que cette décision n'était pas
praticable.
Cécile Kyenge a reçu le soutien de l'ensemble de son gouvernement et de nombreuses personnalités publiques, dont Mario Balotelli. L'attaquant-star du Milan AC, né à Palerme
de parents ghanéens, doit aussi endurer des attaques sur sa couleur de peau, et n'est pas ménagé par les supporters. Il s'est dit prêt à témoigner en faveur de cette loi.
L'Italie est-elle raciste ?
Avec 8% d'étrangers sur son territoire, l'Italie est dans la
moyenne européenne. Mais, il y a trente ans, les Italiens étaient plus un peuple d'émigrés vers la France, la Belgique ou les Etats-Unis, que d'immigrés. Depuis, les problématiques de l'intégration n'ont pas fait l'objet d'un débat public. Les questions de migration font donc systématiquement l'objet
d'une récupération politique, mais seulement de la part des mouvements identitaires et conservateurs. L'îlot de Lampedusa, où viennent s'échouer les migrants avant d'être placés en rétention, est d'ailleurs devenu le triste symbole de cette situation.
Arrivée en Italie à 18 ans pour étudier la médecine,
Cécile Kyenge est devenue professeur d'ophtalmologie et, s'étant mariée
avec un Italien, a mené une carrière professionnelle et politique dans
le Nord du pays. Selon elle, l'Italie "n'est pas raciste ", le pays est en train de changer. Mais la ministre veut acccélérer le mouvement. Elle a ainsi choqué de nombreux Italiens en disant qu'elle ne se
sentait pas italienne à 100%, mais italo-congolaise. Elle a également refusé qu'on l'appelle "ministre de couleur", comme le voudrait la règle italienne du politiquement correct, mais "ministre noire".
"Je suis noire et fière de l'être" Cécile Kyenge
Le président du Conseil Enrico Letta a soutenu son
ministre, tout en reconnaissant qu'il serait peut-être impossible de trouver
un accord sur l'immigration au sein de la majorité. Une semaine après sa formation, le "Governissimo" d'union nationale d'Enrico Letta montre ainsi ses premières limites.
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