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Cancer du béton : le ver est dans le fruit

Léger, résistant et peu coûteux, le béton supplante les autres matériaux de construction souvent plus onéreux. Mais fabriquer un bon béton répond à des normes précises en matière de mélange. Mettez d'autres proportions, et vous obtenez un béton médiocre qui va se détériorer rapidement et mettre les ouvrages en péril. Passage en revue des impairs à ne pas commettre.
Article rédigé par Frédérique Harrus
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Minneapolis (Etats-Unis), août 2007. Effondrement d'un pont affecté par la maladie du béton. La structure du pont était suffisamment affaiblie pour que de lourds soupçons pèsent sur la composition du béton de l'édifice.
 (AFP PHOTO/HO/ US NAVY/ MCSS Joshua Adam Nuzzo)

Le béton est un mélange de sable, d'eau, de graviers (aussi appelé granulat) et d'un liant comme du ciment. Quand il est dit «armé», c'est que des tiges en fer y sont emprisonnées et en augmentent la solidité. 

Faites varier la quantité d'eau, la qualité des graviers, de sable ou de ciment et les problèmes commencent au bout de quelques années. Ces ennuis, souvent appelés «cancer du béton» ou «maladie du béton», recouvrent des causes très différentes mais des conséquences assez proches. La chute de morceaux découvrant des tiges métalliques rouillées en est un des signes les plus évidents.

Oscar Niemeyer, architecte brésilien, était un grand amateur de béton. Il a construit beaucoup d'ouvrages monumentaux dans un béton d'excellente qualité. Bilan: pas une de ses œuvres ne montrent de signe d'usure 50 ans après leur construction. 

Les fondations québécoises fortement impactées
Au Canada, en revanche, les constructeurs ont beaucoup utilisé comme granulat de la pyrite ou de la pyrrhotite, naturellement présentes dans le sol. L'une et l'autre sont des sulfures de fer qui s'oxydent à l'humidité et à l'oxygène, provoquant une réaction chimique qui fait gonfler le béton. La différence majeure entre ces deux types de roche réside dans le fait que la pyrrhotite réagit plus vite que la pyrite et que le béton peut commencer à se désagréger à peine cinq ans après la construction. Ajoutez à cela un ciment de piètre qualité qui, en rendant le béton plus poreux, a activé le processus, et le scénario catastrophe peut se produire.

Les Québécois ont ainsi assisté, impuissants, au soulèvement des dalles de fondation de sous-sols et de garages. Les murs se fissurent et la stucture de la maison se fragilise. Une fois le processus amorcé, rien ne peut l'arrêter. Il faut détruire les fondations pour les reconstruire. Les Canadiens en sont à faire des analyses pétrographiques pour déterminer si le béton des fondations de leur demeure contient de la pyrite ou pas.

Un autre facteur aggravant, le sel
Autre cause d'inquiétude majeure : le sel, qu'il soit de mer ou de dégivrage. Du fait d'une certaine porosité et avec le ruissellement de l'eau, le sel pénètre à l'intérieur et y reste. Ce sel attaque les tiges en fer de l'armature, qui vont rouiller. Cette corrosion va augmenter le volume des tiges qui vont faire éclater la couverture de béton.

Beaucoup de ponts à travers le monde sont concernés par ce risque. Ils sont fragilisés et peuvent à la longue s'effondrer. Le problème se retrouve aussi dans les revêtements routiers (attaqués par le sel de dégivrage). Les détruire revient beaucoup plus cher que le coût de construction initial, il s'agit donc de faire des travaux d'entretien et de remise en état. Les années passant, les cas vont se multiplier. Le prévoir, c'est aussi former des ingénieurs à diagnostiquer l'état de détérioration des matériaux avant d'entreprendre et de mener à bien les travaux nécessaires.

Et si l'effondrement éventuel de ponts, qu'ils soient routiers ou fluviaux, est déjà inquiétant, quand la maladie du béton se met à concerner aussi des barrages hydrauliques, l'inquiétude se mue en angoisse. Il existe ainsi un rapport parlementaire français qui préconise en même temps qu'une vigilance permanente, que la recherche se concentre sur ce problème et progresse pour contrecarrer ce pourrissement du béton qui fragilise des édifices même récents...

Yuanmou (Chine) septembre 2008. Enseignant venu récupérer le matériel scolaire encore utilisable.
 (YANG ZHENG / IMAGINECHINA)


Sous prétexte d'économies ou par simple méconnaissance de réactions chimiques potentielles, beaucoup de bâtisseurs n'ont pas respecté les proportions idoines à la fabrication d'un béton «académique». Les dégâts inhérents à ces pratiques sont colossaux. Lors du séisme de 2008 dans le Sichuan en Chine , des centaines d'écoles se sont effondrées sur les écoliers, à la différences de bâtiments officiels qui ont bien mieux tenu le choc. Il s'est avéré que le béton de ces écoles était de très mauvaise qualité, avec beaucoup plus de sable que la norme, provoquant ces effondrements meurtriers.

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