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Italie : quelles sont les principales mesures du programme présenté par le Mouvement 5 étoiles et la Ligue ?

Le "contrat de gouvernement" rédigé entre les deux partis promet davantage de fermeté contre la corruption, la délinquance et l'immigration.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 12min
Le responsable du Mouvement 5 étoiles, Luigi Di Maio (à gauche), le 7 mai 2018, et le leader de la Ligue, Matteo Salvini (à droite), le 12 avril, à Rome. (TIZIANA FABI / AFP)

Trente points développés dans un document (en italien) de 58 pages. Giuseppe Conte, a été officiellement désigné chef du gouvernement italien, mercredi 23 mai. Ce juriste de 54 ans, inconnu du grand public, doit maintenant composer son équipe et veiller à l'application du "contrat de gouvernement" rendu public par les deux partis trois jours auparavant.

Dans cette tentative de synthèse entre deux philosophies politiques, on trouve aussi bien la rhétorique du M5S sur l'environnement, les nouvelles technologies ou la moralisation de la vie publique que le tour de vis sécuritaire, anti-immigrés et anti-islam de la Ligue. Le texte dénonce pêle-mêle la bureaucratie, le poids de Bruxelles, la corruption, l'insécurité et des flux migratoires "intenables". Il réserve une place importante à l'écologie et aux initiatives citoyennes.

Un nouveau système pour le calcul de l'âge de la retraite

Actuellement, l'âge de départ à la retraite en Italie est fixé à 66 ans. Avec la réforme des retraites dite "Fornero", adoptée en 2011, l'âge de la retraite devait passer à 67 ans au 1er janvier 2019. Mais l'arrivée au pouvoir de la coalition entre la Ligue et le M5S redistribue les cartes. Le contrat de gouvernement prévoit l'introduction d'un nouveau système de points qui permettra d'ajouter l'âge au nombre d'années de cotisations. Le principe est d'arriver à 100 points. Une personne qui a cotisé quarante-et-un ans pourra partir en retraite à 59 ans. Une option permettra aux femmes qui ont cotisé trente-cinq ans de partir à la retraite dès 57 ans. Selon les auteurs du texte, ce projet devrait coûter 5 milliards d'euros.

La création d'un "revenu de citoyenneté"

C'était le cheval de bataille du M5S pendant la campagne. Les deux dirigeants sont tombés d'accord sur une indemnité de 780 euros mensuels pour neuf millions d'Italiens privés de revenus ou dont les revenus ne dépassent pas 9 360 euros par an, soit 780 euros par mois. Cette somme pourra être modulée à la baisse pour les propriétaires immobiliers. En échange, les bénéficiaires ne pourront pas refuser plus de trois offres d'emploi sur une période de deux ans. Le coût de la mesure était estimé à 17 milliards d'euros dans une version précédente de l'accord, mais ce chiffre a disparu de la version finale.

Une "flat tax" et une baisse de la fiscalité

Le programme de gouvernement prévoit la mise en place d'une flat tax, un système d'imposition pour tous les contribuables, avec simplement deux tranches d'imposition (à 15% et 20%), qui entraînent une réduction des prélèvements fiscaux. Le nouveau gouvernement plaide pour "l'adoption de mesures courageuses et révolutionnaires pour réduire le niveau de pression fiscale et améliorer les relations entre l'administration fiscale et les contribuables".

La relance économique par le pouvoir d'achat

Luigi Di Maio et Matteo Salvini prennent le contrepied de l'austérité et parient sur une relance de la demande interne, des investissements et des politiques de soutien au pouvoir d'achat des familles. Ils veulent également retirer les dépenses liées à des investissements publics du bilan du déficit. L'accord prévoit une programmation pluriannuelle pour financer leurs propositions. Pour dégager des ressources, ils évoquent la réduction des gaspillages, la bonne gestion de la dette et un recours "approprié" au déficit. Sans toutefois entrer plus en détail dans les mesures à mettre en place.

Un tour de vis sécuritaire

Le texte prévoit une augmentation des fonds alloués aux forces de l'ordre avec des recrutements, notamment de carabiniers. Il est également prévu d'investir dans des véhicules, des armes non létales comme le Taser ou le Key Defender et des gilets pare-balles. Des caméras équiperont les uniformes des policiers et leurs véhicules. Ces systèmes pourront également être installés dans les écoles, afin de lutter contre le harcèlement.

L'accord évoque également "le nombre de 40 000 Roms dans des camps nomades, dont 60% sont des mineurs" et prévoit la fermeture des installations non déclarées, ainsi que l'obligation pour les mineurs de fréquenter une école. Dans le cas contraire, leurs parents pourront être privés de l'autorité parentale ou faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Le nouveau gouvernement veut également simplifier les démarches d'expulsion pour les logements indûment occupés, avec une expulsion quand l'occupant est un étranger en situation irrégulière.

Des renvois massifs d'immigrés illégaux

"La faillite du système actuel de gestion des flux migratoires risque de mettre en discussion les accords de Schengen", avertit le texte, qui estime que la question devient intenable pour le pays. "Il y aurait environ 500 000 migrants illégaux sur notre territoire, précise l'accord. Une politique efficace de renvois est indispensable et prioritaire."

>> Italie : le gouvernement veut expulser 500 000 migrants en un an

Luigi Di Maio et Matteo Salvini veulent que les demandes des réfugiés soient formulées dans les pays de départ ou de transit, avec le soutien des agences européennes. A ce titre, ils réclament la signature d'accords bilatéraux avec les pays concernés. Le nouveau gouvernement veut également lister des infractions qui, si elles sont commises par des demandeurs d'asile, justifieront leur expulsion immédiate du pays.

Un registre sur le financement des mosquées

Le programme de gouvernement des deux alliés prévoit la mise en place d'un registre listant les imams et permettant la traçabilité des financements pour la construction des mosquées et de tous les lieux de culte. Les communautés locales concernées devront être consultées avant la construction d'une mosquée, en vertu d'une future loi-cadre. Le nouveau gouvernement souhaite également mettre en place des outils permettant de contrôler et de fermer toutes les associations islamiques radicales et les lieux de culte clandestins.

De nouvelles règles pour les politiques

Premier objectif : une réduction "drastique" du nombre de parlementaires à 400 députés et 200 sénateurs, contre 630 et 320 actuellement. L'accord prévoit une réduction des coûts de la politique et des institutions, par exemple avec un alignement du système de couverture des élus sur le régime général. Un magistrat qui se lance en politique n'aura plus la possibilité de siéger. Toute personne déjà condamnée pour corruption ou pour des faits graves aura l'interdiction d'entrer au gouvernement. Les francs-maçons ne pourront également pas intégrer ce gouvernement. Ceux-ci ont d'ailleurs dénoncé un choix qui rappelle "les lois fascistes".

>> Italie : interdits de gouvernement, les francs-maçons dénoncent une mesure rappelant "les lois fascistes"

La moralisation de la vie publique est l'un des thèmes de campagne favoris du M5S. Le programme prévoit d'étendre la définition des conflits d'intérêts pour les élus et les acteurs de la vie publique. Ceux-ci pourront être poursuivis en cas "d'interférence" entre les intérêts privés et publics, y compris en l'absence d'avantage financier ou matériel.

Un recours accru aux initiatives populaires

L'accord prévoit un renforcement du référendum abrogatif, déjà présent dans la Constitution italienne. Il prévoit un vote quand une initiative populaire rassemble plus de 500 000 voix dans au moins cinq conseils régionaux. L'accord évoque d'ailleurs la suppression de ce quorum, afin d'inciter les Italiens à exprimer leurs voix et encourager ces initiatives. Le Parlement aura l'obligation de se prononcer sur les propositions de loi d'initiative populaire, un thème cher au M5S. Enfin, les régions italiennes auront la possibilité d'acquérir davantage d'autonomie – ce qui rappelle les velléités autonomistes de la Ligue dans le nord du pays.

Une politique extérieure non-interventionniste

Sur les questions internationales, le programme de gouvernement est non interventionniste. L'adhésion à l'Otan est maintenue, "avec les Etats-Unis comme allié privilégié", mais "avec une ouverture vers la Russie", indique le texte. Le pays dirigé par Vladimir Poutine doit être considéré non comme "une menace" mais comme "un partenaire économique et commercial". L'accord veut notamment annuler les sanctions internationales contre la Russie et en faire un interlocuteur stratégique, "un partenaire potentiel", pour régler les crises régionales en Syrie, en Libye et au Yémen.

Par ailleurs, le futur gouvernement de Giuseppe Conte veut réévaluer la présence des contingents italiens dans les missions internationales éloignées géopolitiquement et géographiquement, "mais pas seulement", des intérêts italiens. Il veut également cesser les ventes d'armes dans des pays en conflit.

Pas de sortie de l'euro, mais de la défiance vis-à-vis de l'UE

Contrairement à ce qui avait été annoncé lors des versions préliminaires, les dirigeants ont écarté toute sortie de l'euro. Mais les critiques sont vives envers l'UE. La gouvernance européenne est accusée d'être fondée "sur la prédominance accordée au marché et sur des règles strictes d'un point de vue économique et social". Le nouveau gouvernement veut par exemple réformer la PAC (politique agricole commune) afin de garantir la "souveraineté alimentaire" du pays et l'excellence du "made in Italy". Il souhaite également renégocier les directives pour la pêche.

Les auteurs du programme souhaitent donc revenir à la situation qui prévalait à l'accord de Maastricht. Ils souhaitent renégocier la contribution financière de l'Italie, renforcer le pouvoir du Parlement européen dans les institutions et réduire le champ des compétences de l'UE.

>> Italie : on vous explique pourquoi l'accord entre la Ligue et le Mouvement 5 étoiles fait si peur à l'Union européenne

Dans une précédente version, les deux leaders italiens avaient proposé de renégocier les 250 milliards d'euros de la dette italienne avec la Banque centrale européenne. Cette mention a disparu. Le nouveau gouvernement réclame toutefois que les titres d'Etat des pays membres acquis à la Banque centrale européenne sortent du calcul du rapport entre la dette et le PIB.

Le tourisme vu comme une manne pour le pays

Le tourisme génère 14% des emplois directs et indirects en Italie et l'accord lui consacre une large place. Luigi Di Maio et Matteo Salvini semblent porter de grands espoirs dans ce secteur afin de doper les recettes de l'Etat, à condition que les entreprises italiennes retrouvent le leadership en la matière. L'accord prévoit notamment une "web tax turistica" afin de contrer la concurrence "déloyale" des agences de voyage en ligne étrangères. Des campagnes en ligne pour promouvoir la destination sont également envisagées. La taxe de séjour payée par les touristes, en revanche, devrait être abolie pour aider les entreprises locales.

La création d'une banque publique d'investissement

L'accord prévoit la création d'une banque publique d'investissement, placée sous la supervision d'un organisme de contrôle public. A terme, elle devra permettre de compléter les prêts contractés par les petites et moyennes entreprises auprès de banques. Elle devra également financer des initiatives d'intérêt public ou stratégique.

La remise en cause de la ligne Lyon-Turin

"Nous nous engageons à suspendre les travaux d'exécution et à rediscuter entièrement le projet" de la ligne de train à haute vitesse entre Lyon et Turin. Simple suspension ou abandon ? Luigi Di Maio a évoqué la fin d'un projet "inutile", signalent Les Echos, ce qui n'enchante guère Matteo Salvini, généralement favorable aux grands projets. Ce dernier botte en touche : "Lisez notre contrat de gouvernement. Il n'est nulle part inscrit que les chantiers seront définitivement bloqués."

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