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Elections au Japon : majorité pour Abe, réforme de la Constitution en vue?

Le 10 juillet 2016 se sont tenues les élections sénatoriales au Japon, une occasion pour le Premier ministre Shinzo Abe de conforter son leadership en vue de modifier la Constitution pacifiste du pays.
Article rédigé par zhifan Liu
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Shinzo Abe, ici sur une affiche de campagne, pourrait profiter d'une victoire aux élections sénatoriales pour modifier la Constitution pacifiste du pays. (Hitoshi Yamada/Nurphoto)

Les Japonais étaient appelés aux urnes pour renouveler pour six ans la moitié des 242 sièges du Sénat nippon. Malgré le contexte économique morose du pays, le Parti libéral-démocratique (PLD) de Shinzo Abe a remporté 70 des 121 sièges mis en jeu. En tout, les partis favorables à une modification constitutionnelle représentent désormais les deux tiers du Sénat. Le Premier ministre dispose donc d’une plus grande majorité dans l’hémicycle japonais. Mais pas de quoi avoir les coudées franches pour mettre au point la révision de la Constitution japonaise pacifiste, un projet de longue date de Shinzo Abe.

 
Depuis 1947 et la fin de la Seconde guerre mondiale, le Japon possède une Constitution qui l’empêche de se doter d’une armée. Une contrainte explicitée par l’article 9 : «Le peuple japonais renonce à la guerre en tant que droit souverain de la nation (…). Pour atteindre ce but, il ne sera jamais maintenu de forces terrestres, navales et aériennes ou autre potentiel de guerre.»

Cette contrainte infligée par les Etats-Unis, au lendemain de la défaite japonaise, est vue comme une humiliation par les nationalistes nippons, au premier rang desquels figure Shinzo Abe. Pour modifier la Constitution, le PLD doit posséder deux tiers des voix de la Chambre des représentants et de la Chambre des conseillers. La décision devra ensuite être validée par un référendum.

Une révision constitutionnelle symbolique
Mais pour Guibourg Delamotte, maître de Conférence à l’Inalco qui s'est confiée à Géopolis, le PLD n’a «aucun intérêt» à réviser profondément la constitution japonaise. Le pays n’a pas l’expérience requise pour posséder une armée qui puisse se déployer sur des terrains d’opérations, et se contente d’assurer un soutien logistique à ses alliés.
 
Si le nationalisme de Shinzo Abe est avéré, les modifications qu’il veut apporter à la constitution japonaise sont «symboliques», éclaire Guibourg Delamotte. L’action du PLD et de son leader doit être vue comme une forme de renaissance et une manière de «revaloriser la tradition» japonaise.

Le Premier ministre n'est pas à son premier coup d’essai. En 2015, la Diète, le parlement japonais, avait adopté de nouvelles lois sécuritaires pour que le pays participe à des opérations militaires extérieures pour aider ses alliés. Pour la première fois depuis 1947, les Forces d’autodéfense (FSD) peuvent donc intervenir hors des frontières japonaises, même si aucune menace n’est pointée directement sur son territoire. Une «légitime défense collective» qui relève plus d’une «réinterprétation que d'une révision de la Constitution», explique la chercheuse à l’INALCO.

Les nouvelles loi de défense, adoptées en 2015, ont fait l'objet de débats houleux Parlement japonais

Les Japonais restent attachés à leur Constitution pacifiste 
Mais l’opinion publique ne soutient pas forcément les velléités de M.Abe. En 2015, les Japonais étaient descendus dans les rues en signe de protestation. Encore marquée par la guerre et ses horreurs, la population japonaise ne semble toujours pas prête à aller dans le sens du Premier ministre. Pourtant, le dirigeant japonais semble toujours jouir d’une popularité et de la confiance de son peuple.
 
Aujourd’hui, comme en 2015, Shinzo Abe justifie cette modification par l'émergence de la Chine qui veut se poser comme la puissance hégémonique de la région, et les menaces répétées de la Corée du Nord. Si ce vote ne concerne que la politique «intérieure» du Japon, le résultat du scrutin pourrait avoir des répercutions sur le plan géopolitique, avance Guibourt Delamotte. Les yeux se tournent désormais vers la Chine, déjà échaudée dans le passé par le comportement du nationaliste Shinzo Abe

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