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Japon : y aura-t-il du beurre à Noël ?

Le beurre se fait de plus en plus désirer au Japon. Aléas climatiques, contraintes économiques et vieillissement de la population des producteurs laitiers sont autant de raisons du déclin de la production de lait brut. Les importations, très réglementées, du beurre, n'arrivent pas à juguler le phénomène. Chronique d'une pénurie.
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Un client se sert en beurre dans une boutique de Tokyo, le 10 novembre 2014, alors que le pays en manque.
 ( AFP PHOTO / Yoshikazu TSUNO)

Les années passent et le beurre se raréfie sur le territoire japonais, au grand dam des amateurs de pâtisseries. Selon les prévisions de l’OCDE, dans son étude 2015 sur les perspectives agricoles, la consommation des Japonais excèdera les capacités de production à l’horizon 2024. 

Sur la période 2012-2014, les Japonais ont importé en moyenne 7 Kt de beurre. Un chiffre qui devait doubler en 2024 pour atteindre 15 Kt. Selon la Japan Dairy Association (J-milk), l'association des professionnels du secteur, l’autosuffisance du Japon en matière de produits laitiers est inférieure à 70%. Elle souligne que le Japon est «fortement dépendant d’un marché international instable».

Pour faire face à la pénurie, le ministère de l’Agriculture a annoncé qu’il importerait plus de produits laitiers en prévision des fêtes de Noël où la demande est très forte, rapportait Japan Times. En mai 2015, à l’aune des chiffres de l’année fiscale 2014 (du 1er avril 2014 au 31 mars 2015), 10.000 tonnes seront achetées pour l’année fiscale 2015 qui s’achèvera en mars 2016, précise-t-on dans le Nikkei Asian Review. Le Japon dépassera ainsi ses propres seuils d'importation. Car le pays a sanctuarisé le secteur laitier afin de le préserver. En vain.

 

Se résoudre à importer
Le beurre importé est taxé à 30%, ce à quoi s’ajoutent 1000 yens par kilo, rapporte le Nikkei Asian Revue. Le système est censé protéger une industrie qui ne cesse pourtant de décliner. L’année précédente, les autorités japonaises avaient dû déjà importé 10.000 tonnes en novembre 2014.

Etal d'un magasin proposant du beurre à Tokyo. 10 novembre 2014 (AFP)

Tokyo envisagerait, dans le cadre des négociations de l'Accord de partenariat transpacifique (TPP), d’imposer de faibles quotas tarifaires pour l’importation de beurre et de lait écrémé en poudre, sous la pression de ses partenaires commerciaux qui souhaitent accéder à son marché laitier, indiquait le Japan Times mi-juillet 2015.

Les pénuries de beurre sont devenues récurrentes au pays du Soleil levant et prennent une l’ampleur sociétale à l’approche de Noël où les «sponge cake» (version japonaise), sont une tradition. Le phénomène s’était déjà produit novembre 2014 et le Japon avait dû importer 10.000 tonnes de beurre en urgence. Le produit avait déjà commencé à faire l’objet d’un rationnement, comme en 2008. C'est de nouveau le cas depuis quelques mois. Les professionnels ont été informés. 

A l’origine du phénomène en 2014, un été trop chaud qui à eu un impact sur la production parce que les vaches, épuisées, n’ont pu donner assez de lait, indique le magazine en ligne Geek. Cependant, cette fois-ci, les paysans seraient les seuls responsables de la situation. A partir du lait brut, ils auraient privilégié la production de lait à boire – c’est l’usage principal qui est fait de la production laitière – pénalisant celle du beurre.

D’après le Nikkei Asia Review, la production de lait brut a baissé de 12% pour atteindre 7,33 millions de tonnes pour l’année fiscale 2014. La production laitière, assurée à 50% par l’île d’Hokkaido, a baissé de 14% en vingt ans d’après le Wall Street Journal

Des fermiers vieillissants
Une question de choix industriel mais aussi de vieillissement. Les fermiers qui partent à la retraite ne sont pas remplacés. Leur nombre est en déclin en dépit des mesures prises depuis quelques années par les autorités pour redynamiser le secteur. En 2014, le nombre de fermes laitières était de 18.600, soit 40% de moins qu’il y a 10 ans, note le Nikkei Asia Review.

«
Souvent très âgés, mal payés, malgré de fortes subventions publiques, les éleveurs du pays ne trouvent pas de successeurs et rechignent à doper leur cheptels de vaches laitières de peur de bouleverser leur équilibre économique déjà fragile. Victimes de la dépréciation du yen, ils doivent affronter depuis la fin 2012 une envolée du coût du fourrage, essentiellement constitué de céréales importées, et n’arrivent plus à rentabiliser leurs exploitations. En bout de chaîne, les producteurs de desserts laitiers, de fromage et de beurre peinent à trouver du lait pour répondre à la demande.», expliquent Les Echos (article payant).

Japan Dairy Council (Japan Dairy Coucil )

Le Japon rencontre aujourd’hui des difficultés d’approvisionnement en produits laitiers alors que jusqu’en 1950, la consommation annuelle par habitant était de 3 kilos, souligne La Revue laitière française (RLF). Les habitudes alimentaires des Nippons ont évolué du fait de la mondialisation. Elle est passée à 48,6 kg en 2007. Cette consommation croît plus vite comparée à d’autres aliments mais reste largement inférieure comparée à des pays comme les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France, analyse une étude du Japan Dairy Council. Parallèlement, la production nationale n’a cessé de décroître, poursuit la RLF, «depuis le début des années 90».

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