L'ex-capitaine de la marine argentine, Alfredo Astiz, est jugé depuis vendredi à Buenos Aires
Son procès commence 32 ans, jour pour jour après l'enlèvement et le meurtre de deux religieuses françaises pendant la dictature (1976-1983).
"L'ange blond de la mort", 58 ans, est accusé avec 18 autres militaires des crimes de l'Ecole de mécanique de la marine (Esma), centre de torture devenu un symbole de la répression sous la dictature.
Son admission mercredi à l'Hôpital naval de Buenos Aires pour des examens - il a été opéré d'une tumeur au foie en 2004 - avant son retour en prison le jour même, avait soulevé la question de sa présence à l'ouverture de son procès, déjà reporté à deux reprises.
Un tortionnaire condamné à la perpétuité par défaut en France et en Italie
L'enlèvement, la torture et le meurtre d'étrangers ont rendu tristement célèbre dans le monde cet ancien officier, déjà condamné à la perpétuité par défaut en France en 1990, en Italie en 2007, et accusé d'être impliqué dans la disparition de l'Argentino-Suédoise Dagmar Hagelin.
Il est soupçonné d'être impliqué dans la disparition de deux religieuses françaises, Alice Domon et Léonie Duquet, enlevées le 8 et 10 décembre 1977. Dix autres personnes, dont la fondatrice du mouvement des Mères de la place de mai, Azucena Villaflor, ont été enlevées dans le cadre de la même opération de l'Ecole de mécanique de la marine (Esma).
Astiz est aussi accusé d'avoir infiltré les Mères de la place de mai, qui cherchaient leurs fils enlevés, en se présentant comme Gustavo Nino, frère d'un disparu. Le 8 décembre 1977, à la sortie de l'église de Santa Cruz de Buenos Aires, il aurait désigné les victimes à un commando de l'Esma en les embrassant. Ce "baiser de la mort" ajoute à la légende noire de ce fils d'officier de marine, originaire de Mar del Plata, grande cité balnéaire sur la côte atlantique.
Agé alors de 27 ans, Astiz avait pour base le sinistre bâtiment de l'Esma, où l'on torturait en sous-sol et dans les combles, tandis que les officiers dormaient paisiblement au premier et au deuxième étage. Certains militaires, dont Astiz , parlaient assez librement avec les détenus, selon des témoins. Seul un mot était tabou: les "vols de la mort" chaque mercredi, appelés "transferts" (traslados). Les victimes étaient jetées nues dans le Rio de la Plata après avoir été droguées.
5000 personnes torturées et excutées à l'Ecole de mécanique de la Marine
Près de 5.000 personnes ont été torturées puis exécutées à l'Ecole de mécanique de la Marine. Au total, 18 Français ont disparu pendant cette période en Argentine.
Les restes de Léonie Duquet et d'Azucena Villaflor et de trois autres militantes, dont les cadavres avaient été enterrés en 1978 après avoir été rejetés par le fleuve, ont été identifiés en 2005. Alice Domon demeure disparue.
En 1978, Astiz était à Paris pour infiltrer les groupes d'exilés argentins qui dénonçaient les crimes des militaires. On peut le voir en leur compagnie sur une photo récemment dévoilée.
Quatre ans plus tard, lors de la guerre des Malouines, une autre photo le montre signant un acte de reddition. Les Argentins l'auront souvent vu, dans les années 90, photographié à la plage, en maillot, ou à la terrasse d'un café, accompagné de jolies filles.
Depuis l'accession au pouvoir de Nestor Kirchner (2003-2007), l'annulation des lois d'amnistie et la réouverture des procès, l'étau s'est refermé sur lui.
>> Sur ce sujet, lire aussi notre critique du beau roman d'Ophélie, Jaësan, "Iceberg memories" : l'Argentine en mémoire
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