Le sommet de la FAO sur la sécurité alimentaire s'est fixé comme objectif lundi d'"éradiquer la faim dans le monde"
La soixantaine de chefs d'Etat ou de gouvernement, présents à Rome, venus essentiellement d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine, projettent notamment de renforcer les financements à l'agriculture.
Le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi, qui a obtenu un report de son procès pour corruption (au 18 janvier), préside ce sommet.
Aucune véritable avancée n'est attendue lors de ce sommet, boudé par les autres dirigeants du G8 et qui ne se donne pas d'objectif chiffré. Les Etats-Unis sont représentés par le directeur par intérim de l'Usaid et la France par son ministre de l'Agriculture Bruno Le Maire.
"Né au forceps", le sommet de la FAO sur la sécurité alimentaire s'ouvre dans un "climat de grand scepticisme", les puissances occidentales plaidant pour un changement de stratégie dans la lutte contre la faim, selon une source diplomatique latino-américaine citée par l'AFP.
En juin 2008, les pays membres de la FAO (l'organisation de l'Onu pour l'Agriculture et l'Alimentation) s'étaient engagés à réduire de moitié le nombre de personnes souffrant de la faim d'ici à 2015. Depuis, ce chiffre est passé de 850 millions à 1,02 milliard et toutes les six secondes un enfant meurt de faim dans le monde, selon les estimations de l'organisation.
La FAO espérait que les chefs d'Etat et de gouvernement s'engageraient à l'occasion du sommet à consacrer 44 milliards de dollars à l'aide aux pays qui souffrent de la faim. Mais ce chiffre n'a pas été repris dans la déclaration finale.
Le journal de la Conférence épiscopale italienne Avvenire a prévenu contre un "risque d'échec" craignant "une assiette vide au sommet de la FAO ", tandis que le maire de Rome, Gianni Alemanno, s'est déjà déclaré "déçu" par le projet de déclaration finale.
Les auteurs de la déclaration se contentent de saluer la promesse des membres du G8 à l'Aquila en juillet dernier. A ce sommet ils s'étaient engagés à allouer 20 milliards de dollars sur trois ans pour l'aide aux agriculteurs des pays pauvres. Cette décision marquait l'abandon de la politique traditionnelle d'aide alimentaire d'urgence et l'ébauche d'une stratégie à long terme.
Les organisations d'aide au développement ActionAid et Oxfam ont dénoncé par avance un sommet qui "risque d'être un gaspillage de temps et d'argent".
Le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon s'est associé samedi à la grève de la faim de 24 heures décidée par Jacques Diouf, directeur général de la FAO, en guise de solidarité avec le milliard de personnes qui souffrent de la faim.
La crise alimentaire menace toujours
Les conditions d'une nouvelle crise alimentaire restent réunies et une aide s'impose pour aider les pays pauvres à accroître leur production agricole, selon le directeur de la FAO.
"Il y a un sens des priorités insuffisant dans la lutte contre la faim et la pauvreté au plus haut niveau politique, non seulement dans les pays développés mais aussi dans les pays en développement", a déclaré Jacques Diouf à l'agence Reuters.
"Les données fondamentales qui ont engendré la crise de 2007-2008 sont presque toutes encore là, hormis les prix pétroliers", a-t-il ajouté en évoquant des chocs dus au changement climatique tels que les sécheresses en Afrique, la forte croissance démographique des pays en développement et l'usage des biocarburants. Les prix de produits agricoles comme les céréales avaient doublé en de nombreux points du monde en 2007-2008, provoquant manifestations et émeutes.
Les pays riches y avaient réagi en relevant leur production de 13%, mais les Etats en développement ne sont parvenus qu'à un accroissement de 2,7%, a indiqué Jacques Diouf. En excluant la Chine, l'Inde et le Brésil, la hausse de production s'est même limitée à 0,7%.
Les pays riches doivent accroître de 17% la part de l'aide destinée à l'agriculture, contre 5% actuellement, afin de fournir aux cultivateurs des pays pauvres des réseaux d'irrigation, des engrais, des semences résistant aux maladies, des moyens de stockage et des routes desservant les marchés, selon le directeur de la FAO.
Pour montrer qu'éradiquer la faim n'est pas une utopie, la FAO suggère de suivre l'exemple de pays qui sont parvenus à réduire le nombre de personnes sous-alimentées depuis les années 1990.
Dans un rapport intitulé "des pays qui vont à contre-courant", elle cite en particulier 16 pays dont l'Arménie, le Brésil, le Nigeria, le Vietnam, l'Algérie, le Malawi et la Turquie, qui réussi ou sont en bonne voie de diviser par deux la faim d'ici 2015.
A la clé de ces succès, la FAO cite un environnement favorable à la croissance, des investissements ciblés sur les populations rurales démunies et une planification à long terme.
Les enfants et la malnutrition
Dans les pays pauvres, près de 200 millions d'enfants souffrent de problèmes de croissance et de santé en raison d'une mauvaise alimentation, malgré des progrès, selon l'Unicef.
En Asie, le pourcentage d'enfants souffrant d'un retard de croissance est tombé de 44% en 1990 à 30% l'an dernier et en Afrique il est passé de 38 à 34% sur la même période, indique un rapport du fonds de l'Onu pour l'enfance.
En dépit de ce recul, 195 millions d'enfants de moins de cinq ans souffrent d'un retard de croissance dû à une sous-alimentation pendant la période critique située entre la conception et le deuxième anniversaire. Ils sont souvent en mauvaise santé et leur développement intellectuel est plus lent.
Plus de 90% des enfants de pays en développement souffrant de retards de croissance vivent en Afrique et en Asie. Un tiers d'entre enx, environ 60,8 millions, vivent en Inde.
Parmi les pays où, selon l'Unicef, la prévalence des retards de croissance chez les enfants de moins de cinq ans est la plus forte figurent l'Afghanistan (59%), le Yémen (58%), le Guatemala et le Timor Oriental (tous deux 54%), la République démocratique du Congo (46%) et la Corée du Nord (45%). En Inde, la situation s'est améliorée: le taux est passé de 52% en 1992-1993 à 43% en 2005-2006.
Et "plus du tiers des enfants qui meurent de pneumonie, de diarrhée et d'autres maladies auraient pu survivre s'ils n'avaient pas été sous-alimentés", a déclaré Ann Veneman, directrice générale de l'Unicef, dans un communiqué.
Graphique interactif sur la faim dans le monde
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