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«Made in world»: l'OMC et l'OCDE bouleversent les données du commerce mondial

Ce n’est pas l’Allemagne, mais les Etats-Unis qui seraient le premier partenaire commercial de la France. En plein anniversaire du Traité de l'Elysée entre l’Allemagne et la France, c’est l’OCDE qui lance ce pavé dans la mare statistique grâce à un nouveau mode de calcul du commerce mondial.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Pascal Lamy, le directeur de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), lors de la présentation du nouveau système de statistiques des échanges internationaux «fabriqué dans le monde». (ERIC PIERMONT / AFP)

Comment arrive-t-on à pareil résultat. En modifiant les bases de calculs, explique l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).

Pour ce nouveau mode de calcul, l’OCDE «rompt avec les statistiques commerciales classiques qui mesurent les flux bruts de biens et de services à chaque franchissement de frontière. Elle cherche plutôt à analyser la valeur ajoutée par les pays dans la production des biens ou services exportés».

De plus en plus de «Made in the World»
La France «exporte des biens et services intermédiaires vers l'Allemagne et les autres économies européennes, mais une partie de la valeur ajoutée ainsi exportée se dirige vers des marchés tiers, notamment les Etats-Unis», expliquent les experts qui ont réalisé l'étude commune à l’OCDE et l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour justifier le résultat du commerce extérieur français dans ces nouvelles données.

«Aujourd'hui, les opérations des entreprises, qu'il s'agisse de la conception des produits, de la fabrication des composants, de l'assemblage ou de la commercialisation, sont réparties dans le monde entier, créant ainsi des chaînes de production internationales. De plus en plus de produits sont "Made in the World” et non plus “Made in the UK” ou “Made in France”», précise l’OMC.


Avec ce nouveau mode de calcul, l’excédent commercial bilatéral de la Chine avec les Etats-Unis est inférieur de 25% lorsqu’il est calculé en valeur ajoutée, écart qui s’explique par le fait que les produits exportés par la Chine aux Etats-Unis intègrent en fait une grande part de services et biens intermédiaires... américains ! L’exemple de l’iPhone est à ce sujet parlant puisque le produit Apple est présenté par la marque à la pomme comme «designed in California assembled in China ».

Autres exemples, un tiers de la valeur totale des véhicules automobiles exportés d’Allemagne vient en fait d’autres pays, et le contenu étranger représente près de 40% de la valeur totale des exportations de produits électroniques chinois.

Au-delà de la surprise des nouveaux chiffres, quel peut être l’intérêt de cette nouvelle mesure ?
«Le biais statistique créé par l'imputation de la totalité de la valeur commerciale au dernier pays d'origine peut fausser le débat politique sur l'origine des déséquilibres, et donc amener à prendre des décisions mal fondées, donc contre productives», explique l’OMC.

Défenseur de la liberté du commerce international, Pascal Lamy, le patron de l'OMC, citant Mark twain ─ «Il y a trois sortes de mensonges : les mensonges, les sacrés mensonges et les statistiques» ─, estime que la mesure actuelle du commerce mondial ne donne pas une image juste des échanges.

«Les statistiques traditionnelles n'ont pas réussi à donner une image claire du commerce des produits manufacturés. Elles ont également échoué dans la mesure de l’importance jouée par les services dans le secteur manufacturier. Mais surtout, elles n'étaient pas assez précises pour faire le lien entre politique commerciale et ce qui intéresse les gens: des emplois», explique-t-il. Reste à savoir si ce nouvel outil statistique aura des conséquences pratiques.

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