Mali : "Personne ne sait encore qui a pu commettre ces assassinats"
Après la mort de deux journalistes de RFI, à Kidal, francetv info a interrogé Pierre Boilley, directeur du centre d’études des mondes africains au CNRS.
Pierre Boilley est le directeur du centre d’études des mondes africains, au CNRS. Ce spécialiste de l’Afrique subsaharienne connaît les lieux et les hommes concernés par le drame de Kidal, où deux journalistes de RFI ont été assassinés, samedi 2 novembre. Pour francetv info, il livre une première analyse.
Que sait-on de Ambéry Ag Rhissa, l'homme avec qui se trouvaient les journalistes, avant leur enlèvement ?
Pierre Boilley : Je connais très bien Ambéry Ag Rhissa, la personne qui a reçu la visite des deux journalistes de RFI. On peut dire que c’est un intellectuel qui s’est rapproché récemment du MNLA (le mouvement national pour la libération de l’Azawad). C’est un enseignant, quelqu’un de bien et je ne peux pas croire qu’il soit impliqué dans cette terrible affaire. D’ailleurs, personne ne sait encore précisément qui a pu commettre ces assassinats.
Qui peut être impliqué dans l'enlèvement et le meurtre de Ghislaine Dupont et Claude Verlon ?
L’opération baptisée Hydre a justement pour objectif de traquer toutes les composantes actives dans la lutte armée et le terrorisme. C’est très certainement parmi ces jihadistes que peuvent se trouver les responsables de cette exécution. Il y a Aqmi (Al-Qaida au Maghreb islamique), ce sont eux qui détenaient les otages récemment libérés, au Niger. Il y a aussi le Mujao (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest). C’est un groupe armé salafiste, mais Kidal, le lieu de l’enlèvement des journalistes, n’est pas vraiment situé dans sa zone. Et puis il y a ceux d’Ansar Dine, un groupe islamiste qui entretient des liens avec Aqmi. Quant au MNLA, il n’a jamais kidnappé personne.
Les preneurs d’otages ont ils paniqué ? Tout s’est il passé un peu comme à Niamey où un otage avait été tué ?
Je ne sais, mais le fait que cela se soit passé en plein Kidal montre que la crise est bien loin d’être résolue comme on l’a un peu trop dit récemment. On dit beaucoup que tout est fini, mais avec ce drame, force est de constater qu’il n’en est rien. Loin de là. Les salafistes continuent leurs opérations. Des "coupeurs de routes" mettent en place des barrages inopinés. Et face à cette violence, la Misma (Mission internationale au Mali sous conduite africaine) est déficitaire en hommes. Entre les diverses parties prenantes du conflit malien, les négociations politiques traînent. On parle et cela n’avance pas. A Ouagadougou, les mouvements armés sont réunis pour faire front commun. Bref, le problème politique n’est absolument pas réglé, et donc la sécurité n’est pas rétablie. On le voit tristement ce soir, il reste énormément de travail à faire. Les grands discours ne suffisent pas.
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