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Corée du Nord-Malaisie: des mesures de guerre comme l'Histoire en a déjà connues
Alors qu’elle est l’un des rares pays à avoir des relations économiques avec Pyongyang, la Malaisie a interdit aux Nord-Coréens de quitter son territoire. Elle répond à une mesure similaire du régime de Kim Jong-un qui n’apprécie pas les ressorts de l’enquête sur l’assassinat du demi-frère du dictateur. Ces mesures sont rares: elles sont en général prises lorsque deux nations sont en guerre...
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Jusque-là, les ressortissants malaisiens étaient autorisés à se rendre en Corée du Nord sans demander de visa. Ce qui n’était pas le cas des citoyens de la dictature stalinienne, l’un des Etats les plus fermés au monde. Même si certains d’entre eux travaillent dans des mines et sur des chantiers. Des étudiants nord-coréens sont par ailleurs inscrits à l’université HELP, établissement privé de Kuala Lumpur, capitale de la Malaisie.
C’est dire si ces interdictions de sortie traduisent la dégradation des rapports entre les deux pays. Jusque-là, la Malaisie était, avec la Chine, l'un des derniers Etats à entretenir des relations économiques avec le régime de Pyongyang. Une chose est sûre: de telles interdictions sont des décisions exceptionnelles. Et elles sont prises lorsque deux nations sont en guerre. Ou proches de l'être, comme le prouvent plusieurs exemples dans l’Histoire.
1914: la France interne les Allemands et les citoyens de l’empire austro-hongrois
Pendant la Première guerre mondiale, la France ouvre une soixantaine de camps d'internement dans le Sud et l'Ouest où plusieurs dizaines de milliers d'étrangers sont retenus tout ou partie du conflit. On craint alors que laissés libres, ceux-ci ne se livrent à des activités d’espionnage. On a également peur qu’ils sabotent l'effort de guerre, ou rejoignent les rangs ennemis.
Lors de la mobilisation, il est prévu d'évacuer du nord-est de l’Hexagone, de Paris et de Lyon les ressortissants d'Allemagne et d'Autriche-Hongrie. Aux termes du décret du 2 août 1914 (sur l’état de siège), ils ont 24 heures pour quitter la France. Ils sont en fait très peu nombreux à partir. Courant août, ils sont transportés dans des wagons à bestiaux vers des centres de refuge improvisés.
Dès septembre, l'internement dans des camps devient la règle. Après l'entrée en guerre de leur pays d'origine, on y enfermera également les citoyens bulgares et ottomans. Au printemps 1918, les accords de Berne autorisent la libération et le rapatriement de tous les internés civils.
1914-1920: le Canada emprisonne les «étrangers ennemis»
Plus de 8500 d’entre eux, parmi lesquels des femmes et des enfants, sont internés dans 26 camps installés loin des villes canadiennes, en application d'une «loi sur les mesures de guerre». La majorité d'entre eux sont d'origine ukrainienne (à l’époque, l'Ukraine appartient à l'empire austro-hongrois). Parmi les détenus, on trouve des Allemands. Mais aussi des Roumains, des Tchèques, des Slovaques, des Hongrois, des Polonais… Certains resteront emprisonnés jusqu’en 1920. Soit deux ans après la fin de la guerre. Des mesures similaires seront appliquées vis-à-vis des citoyens de l’Axe, notamment. 22.000 Japonais seront ainsi internés.
1942-1945: les Japonais et les Américains d’origine japonaise sont internés
Le 7 décembre 1941, les Etats-Unis déclarent la guerre au Japon au lendemain de l'attaque de Pearl Harbor, Craignant l'«ennemi intérieur», Washington met rapidement en place des mesures de protection de son territoire.
Les Américains d'origine japonaise et les ressortissants japonais deviennent tout à coup suspects et ne sont plus libres de leurs mouvements. Ils subissent alors fréquemment injures racistes et menaces violentes.
Le 19 février 1942, le président Franklin D.Roosevelt signe un décret établissant des zones militaires d'exclusion où ils pourront être contrôlés. Le gouvernement fédéral installe dix camps d'internement en Californie, Arizona et dans l'Utah, l'Idaho, le Wyoming, le Colorado et l'Arkansas. Chassés de chez eux, plus de 120.000 Américano-Japonais y sont «délocalisés» selon l'expression officielle, jusqu'en 1945. En clair, ils y sont installés de force.
En 1988, les Etats-Unis présentent leurs excuses. L'administration Reagan versera 20.000 dollars d'indemnités à chaque survivant. Dans un beau roman, Certaines n’avaient jamais vu le mer (Phébus, 2012), l’écrivaine américaine d’origine nippone Julie Otsuka a raconté la difficile existence de ces familles internées.
1990, guerre du Koweït: otages occidentaux chez Saddam
Le 8 août 1990, le président irakien Saddam Hussein décrète l'annexion du Koweït et ferme les frontières dès le lendemain. Des milliers d'Occidentaux sont bloqués. Alors que les ressortissants asiatiques et arabes sont autorisés à partir, notamment via la Jordanie qui subit un afflux de réfugiés.
Dix jours plus tard, les autorités irakiennes annoncent qu'elles «hébergeront» les Occidentaux sur leur territoire tant que leur pays «sera menacé par une guerre d'agression». Le 23 août, Saddam Hussein crée la stupeur en apparaissant à la télévision entouré d'otages britanniques. Il annonce que les ressortissants des «pays hostiles» seront retenus et «hébergés» sur des sites stratégiques, les utilisant de fait comme boucliers humains.
Les otages vont être libérés au compte-gouttes et pendant plusieurs semaines au gré des négociations sur le retrait irakien du Koweït. Les derniers Français sont rapatriés le 29 octobre. Il faut attendre le 13 décembre pour que l'Irak autorise la libération des derniers Américains. Les derniers diplomates britanniques quittent le Koweït le 16.
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