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Plus un gratte-ciel est haut plus il est vide

Les villes, plus particulièrement en Chine et dans le Golfe, se dotent de gratte-ciel toujours plus hauts. Or, selon un site spécialisé, la hauteur des tours serait du pur marketing politique. Il s’agit d’asseoir son rayonnement, peu importe l’usage réel de la tour. La championne du subterfuge est également la tour la plus haute au monde. Burj Khalifa à Dubaï, 828 m, mais seulement 585 d’utilisés.
Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Toujours plus haut, le gratte-ciel est souvent une coquille presque vide. Ici, les Pétronas, à Kuala Lumpur, en Malaisie (architecte César Pelli). (AFP)

Elles sont au nombre de 74 dans le monde. Ce sont les tours géantes qui dépassent les 300 mètres d’altitude. Or, il s’avère que dans ces bâtiments, la hauteur totale est loin d’être utilisée à 100%.
La taille est en fait un argument politique. Proposer des hauteurs démesurées permet d’obtenir le droit à construire et de trouver des investisseurs. Une tour est depuis la nuit des temps symbole de puissance. Et dans le cas des super gratte-ciel, il ne s’agit pas de compenser le manque de terrain en construisant à la verticale. Le but est juste de glorifier la puissance du pays.
 
La hauteur de la vanité
Le Council on Tall Buildings and Urban Habitat (CTBUH) a baptisé cet artifice cosmétique du terme de «hauteur de la vanité». Sans ces mètres supplémentaires, nombre de bâtiments redescendraient sur terre !
Sur ces fameuses 74 grandes tours, 44 mesureraient alors moins de 300 mètres. La championne, Burj Khalifa à Dubaï, perdrait 244 mètres. Dubaï, championne de l’orgueil mal placé, héberge également la Burj Al-Arab, 321 mètres dont 124 (39%) purement esthétiques.
 

Cliquez ici pour voir le palmarès des gratte-ciels (CTBUH)

De quoi sont faites ces hauteurs de la vanité ?
De quoi ne sont-elles pas faites devrait-on dire. La notion du plus haut étage occupé est sans appel. Au-dessus, tout n'est que subterfuge selon le CTBUH.
Le niveau «occupé» doit être capable d’accueillir légalement et en toute sécurité, des résidents ou des travailleurs. Cela exclut les zones techniques ou de service.
On pense aux machineries d’ascenseur et aux tours de réfrigération, autant de niveaux qui participent au taux de vanité.
 
Ensuite, à la façon d’un enfant qui se met sur la pointe des pieds pour se grandir, ces maxi-tours jouent des artifices. Depuis le temps des cathédrales, les flèches ont servi à magnifier les bâtiments. A l’unisson des bâtisseurs du Moyen-Age, le site accepte de considérer ces flèches comme partie intégrante du gratte-ciel.
En revanche, antennes relais, mats de drapeau géant, et en général tout élément technique est banni. Ils sont les faux-cils de la tour.
 
Tours multi-usages
Or, l’époque technologique a besoin de point haut pour atteindre tout le monde. Télévision, téléphonie, réseaux.
Dans un premier temps, les villes ont construit des tours de communication. La BT Tower à Londres, construite en 1965, mesure 191 mètres. La Tour Eiffel s’est avérée bien utile pour servir de tour relai à Paris, et a gagné quelques mètres au passage (324 mètres avec les antennes).

Afin de grimper toujours plus haut, les architectes ont posé de gigantesques relais au sommet des tours, jouant sur les usages. La tour est devenu lieu de travail, hôtel, et outil de communication réunis.
 
A quoi bon ?
L’immeuble le plus vaniteux n’est pas le plus haut. Il s’agit de l’hôtel Ukrainia à Moscou. 206 mètres de haut mais 42% de hauteur inutile. Il a été construit en 1955 en plein stalinisme.
On voit bien ce que la hauteur du gratte-ciel doit à la propagande. Du reste, le premier du genre, le Chrysler Building à New-York, a été construit en 1928, pour montrer toute la puissance américaine.

Aujourd’hui l’argent est à l’est et dans les pays pétroliers.
Rien d’étonnant à ce que la Chine soit le pays possédant le plus de tours : 24 au total. Les Emirats arabes unis en comptent 19, dont les plus hautes.

Et la vanité ne concerne pas seulement les pays. Quoi de plus glorifiant pour un architecte que de proposer de construire le plus haut bâtiment du monde.
Et la démesure n’a semble-t-il pas de limite. Le projet en cours atteint la distance symbolique et pharaonique du kilomètre de long. Il s’agit de la Kingdom Tower à Jeddah, en Arabie Saoudite. Hotels, bureaux et appartements en vente dès 2019 !
 

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