Mur de Trump à la frontière mexicaine : les investisseurs pourraient "sanctionner" LafargeHolcim
Le cimentier LafargeHolcim s'est dit prêt jeudi à participer à la construction du mur entre les États-Unis et le Mexique. Olivier Petitjean, rédacteur en chef de l'Observatoire des multinationales, analyse, pour franceinfo, les enjeux d'une telle décision.
Le cimentier franco-suisse LafargeHolcim est prêt à participer à la construction du mur anti-clandestins de Donald Trump entre les États-Unis et le Mexique, a indiqué son PDG jeudi 9 mars. Il a ajouté que l'entreprise n'a "pas d'opinion politique", une semaine après avoir reconnu "des arrangements inacceptables avec des groupes armés" en Syrie pour protéger l'une de ses cimenteries. Le groupe fait l'objet d'une enquête préliminaire depuis octobre 2016.
Olivier Petitjean, rédacteur en chef de L'Observatoire des multinationales, a estimé sur franceinfo qu'une telle participation pourrait avoir "des conséquences d'image pour ses clients" mais aussi sur "les investisseurs".
franceinfo : Quelles peuvent être les conséquences pour Lafarge ?
Olivier Petitjean : Des conséquences d'image pour ses clients, principalement pour le gouvernement du Mexique et les gouvernements européens, parce que Lafarge est un groupe de BTP dont les principaux clients sont les collectivités publiques nationales ou locales. Dans un deuxième plan, il y a les investisseurs. Lafarge est un groupe coté en bourse. Il y a toute une série d'investisseurs qui se préoccupent d'éthique, et notamment de droits des migrants, qui peuvent sanctionner Lafarge sur ce point. Si des organisations d'investisseurs éthiques ou de défense des droits des migrants américains décident de cibler Lafarge, il y a un risque, parce qu'ils auront un écho très fort.
Ces questions éthiques sont-elles vraiment prises au sérieux dans le monde de l'entreprise ?
Les entreprises en parlent beaucoup, mais la pratique ne suit pas toujours. Les deux cas de Lafarge en Syrie et maintenant aux États-Unis montrent qu'il y a encore des problèmes de décalage entre les pratiques et les discours. Suite à l'élection de Trump, le rôle des entreprises est devenu extrêmement politisé. S'ils déclaraient qu'ils ne voulaient pas construire le mur, ils pourraient s'exposer à une campagne des soutiens de Trump et des médias d'extrême droite ou anti-migrants. C'est devenu une position très délicate pour de nombreuses entreprises.
Le business et l'éthique sont-ils de plus en plus compatibles ?
La tendance évolue parce que les médias font de plus en plus attention à ces questions. Le nombre d'investisseurs qui se disent préoccupés par les questions éthiques augmente. Mais ce sont des évolutions très lentes et qui ne se traduisent pas toujours par des changements concrets dans les pratiques des entreprises.
La capacité d'une multinationale à dire non à des projets est une preuve de sa démarche éthique.
Olivier Petitjean, rédacteur en chef de l'Observatoire des multinationalesà franceinfo
Un concurrent de Lafarge, une entreprise irlandaise CRH a dit qu'elle ne construirait pas le mur de Trump. C'est un exemple que l'éthique veut dire quelque chose. Beaucoup de dirigeants de multinationales ne savent pas où sont les limites. Ce sont des limites en terme de droits humains, en l'occurrence les droits des migrants, des droits d'asile, et en terme de souveraineté des États.
Avez-vous le souvenir d'entreprises qui ont pâti de choix moralement contestables ?
Lors du mouvement anti-apartheid dans les années 70 et 80, il y a eu une grande campagne contre les entreprises américaines et européennes qui faisaient des affaires avec l'apartheid dans les années 70 et 80. Les boycotts et les campagnes de désinvestissement ont eu un effet concret.
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