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Guerre Israël-Hamas : après les bombardements sur Gaza, un paysage de ruines

Un an après les attentats du 7-Octobre en Israël, franceinfo a pu, grâce aux données fournies par l'ONU, cartographier les destructions dans la bande de Gaza et les débris qu'elles ont engendrés.


Léa Prati

Publié

Un immense amas de débris. C'est un déluge quasi ininterrompu de bombes qui s'abat sur Gaza depuis le 7 octobre 2023 et l'attaque du Hamas sur Israël. L'armée israélienne a largué des dizaines de milliers de bombes sur la bande de Gaza, faisant près de 42 000 morts, au 7 octobre 2024, selon le ministère de la Santé de Gaza lié au Hamas. Ce territoire, qui s'étend sur 360 km² et où vivaient avant le conflit plus de 2 millions de personnes (soit l'un des plus densément peuplés au monde) est désormais un champ de ruines. Jusqu'à aujourd'hui, plus de 1,9 million de personnes ont été déplacées en interne, soit 95% de la population, selon l'ONU. "C'est l'un des rares conflits où les civils n'ont pas la possibilité de fuir les combats", soupire Pierre Motin, porte-parole de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine (PFP). La majorité de ces habitants se retrouvent donc entassés dans une zone humanitaire de plus en plus restreinte, d'environ 38 km², désignée par l'armée israélienne.

“A ce jour, les deux millions d'habitants se situent sur seulement 11% du territoire en raison des ordres d'évacuation israéliens."  

Pierre Motin, porte-parole de l'Association pour la Palestine

à franceinfo

Les bombardements ont eu des conséquences dramatiques pour la population, désormais confrontée à une pénurie de nourriture, d'eau potable et de médicaments. Ils ont également défiguré la bande de Gaza, détruisant les habitations, lieux de culte, commerces, hôpitaux, cliniques et infrastructures vitales, rendant par conséquent la région quasiment inhabitable. Ce processus de destruction porte un nom : urbicide, littéralement "meurtre des villes". Théorisé dans les années 1960, ce concept désigne une volonté délibérée de détruire les symboles de l'identité collective d'un peuple : non seulement ses lieux de culte et ses sites culturels, mais aussi ses espaces sociaux, comme l'écrit l'anthropologue Véronique Nahoum-Grappe dans la revue Tous urbains (Presses universitaires de France, 2015). Il n'est cependant pas mentionné dans le droit international ni humanitaire.

Le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) évalue, mois après mois, l'ampleur des destructions dans la bande de Gaza à partir d'images satellite. Près de 90% des débris ont été produits dans les six premiers mois de la guerre entre Israël et le Hamas. La quantité de débris s'élevait à 3,9 millions de tonnes en novembre 2023, 37,5 millions de tonnes en mars 2024 et 42,2 millions de tonnes en juillet 2024, ce qui représente 63% des structures de Gaza endommagées. Ce chiffre pourrait encore augmenter, avertit Hassan Partow, porte-parole du PNUE. "Parmi ces 63% de structures touchées, environ 58% ne sont que légèrement endommagées. Elles pourraient donc être à nouveau ciblées lors de futurs combats, générant encore plus de débris. De plus, 37% des bâtiments restent intacts pour l'instant, mais risquent d'être détruits à leur tour", précise-t-il à franceinfo.

Ces débris, principalement constitués de béton et imprégnés de substances toxiques telles que l'amiante, dissimulent souvent des munitions non explosées et représentent un danger majeur pour la santé des habitants. Le PNUE évalue à environ deux millions de tonnes la quantité de matériaux contaminés par l'amiante. Bien que l'ampleur précise de la contamination par les munitions non explosées demeure indéterminée, le Service de la lutte antimines des Nations unies (UNMAS) juge cette menace significative, comme l'explique le porte-parole du PNUE. En outre, l'amiante et les munitions non explosées ne sont pas les seuls périls. "Les bombardements engendrent également d'immenses nuages de poussière, composés de béton et de plastique", ajoute Pierre Motin. Depuis le début du conflit, plus de 586 000 cas d'infections respiratoires aiguës ont été recensés dans la bande de Gaza.

En comparaison, la bataille de Mossoul, en Irak, qui s'est déroulée du 17 octobre 2016 au 10 juillet 2017, a produit 10 millions de tonnes de débris, et celle d'Alep (Syrie), du 19 juillet 2012 au 22 décembre 2016, 14 millions de tonnes, selon la Banque mondiale. "Non seulement les quantités de débris à Gaza sont trois à quatre fois supérieures à celles d'Alep et de Mossoul, mais la densité des débris est nettement plus élevée. C'est particulièrement le cas dans les zones fortement endommagées, comme la ville de Gaza, où la densité des débris est quatre fois supérieure à celle d'Alep et 15 fois supérieure à celle de Mossoul", explique le porte-parole du Programme des Nations unies pour l'environnement.

Entre huit et douze ans de travaux de déblaiement

En moyenne, chaque mètre carré de la bande de Gaza est recouvert de 115 kg de débris, ce qui rend le déblaiement titanesque. Selon le Programme des Nations unies pour l'environnement, il faudra entre huit et douze ans pour achever cette tâche, avec un coût estimé entre 552 et 696 millions d'euros. Deux scénarios sont envisagés : dans le premier, tous les débris seraient éliminés à 100% dans des sites centraux répartis dans Gaza Nord, Gaza, Deir el-Balah, Khan Younès et Rafah. Dans le second, 50% des débris seraient éliminés et 50%, recyclés dans des sites de recyclage à Gaza Nord, Gaza et Khan Younès, avec une capacité de broyage de 200 tonnes/jour. L'ensemble de ces débris seraient transportés grâce à 105 camions, d'une capacité de 25 m3. 

“Gaza a déjà acquis une expérience en matière de recyclage des débris lors des précédentes escalades, il n'y a donc rien de nouveau. Ce qui est différent, ce sont les quantités sans précédent de débris générés par ce conflit, qui nécessiteront de nouvelles façons de penser et de travailler.”

Hassan Partow, porte-parole du Programme des Nations unies pour l'environnement

à franceinfo

La seconde option du recyclage semble être la plus adaptée, faute de matières premières disponibles sur place. Toutefois, la présence de résidus explosifs parmi ces gravats risque de compliquer considérablement les opérations de déblaiement, tant sur le plan financier que temporel. "Cela implique que chaque débris devra être systématiquement analysé, afin de détecter toute trace d'explosif. A chaque découverte d'un objet suspect, les travaux devront être interrompus pour permettre l'intervention d'experts en déminage", explique un porte-parole du PNUE. L'ensemble des ouvriers chargés du tri des débris devra recevoir une formation spécifique et être équipé pour reconnaître les munitions non explosées, garantissant ainsi la sécurité des opérations. Mais cette reconstruction durable restera hors de portée tant qu'une véritable trêve ne viendra pas offrir un répit au chaos. "Pour le moment, les seuls déblaiements qu'on observe sur le terrain se font avec les moyens du bord. La reconstruction n'est pas la priorité", décrit Pierre Motin. "Avec des camions ou à la main, les habitants enlèvent les débris pour se frayer un chemin et maintenir des axes de communication, essentiels pour le passage des ambulances et des convois humanitaires", conclut le responsable plaidoyer de la PFP.

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