Guerre entre Israël et le Hamas : où en est la distribution de l'aide alimentaire à Gaza après l'ouverture d'un couloir maritime ?

L'aide humanitaire, distribuée par voie terrestre, aérienne et désormais maritime, reste largement insuffisante au regard des besoins immenses de la population.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Des Palestiniens font la queue à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, pour recevoir de la nourriture, le 15 mars 2024. (JEHAD ALSHRAFI / ANADOLU / AFP)

C'est une première lueur d'espoir. La cargaison du premier bateau d'aide humanitaire, arrivé vendredi dans la bande de Gaza depuis Chypre, a été déchargée et va pouvoir être distribuée à la population, menacée de famine après plus de cinq mois de guerre, a annoncé samedi 16 mars l'ONG chargée de l'opération.

Une course contre la montre est engagée pour tenter d'acheminer davantage de vivres et de médicaments directement dans le nord de Gaza, par voie terrestre, par des parachutages ou par ce nouveau couloir maritime, l'armée israélienne imposant un siège au territoire et ne laissant entrer l'aide qu'au compte-gouttes. Franceinfo fait le point sur les distributions alimentaires à Gaza. 

Deux cents tonnes de vivres livrées par bateau, via un corridor maritime

Parti mardi de Chypre, un bateau de l'ONG espagnole Open Arms transportant 200 tonnes de vivres de l'organisation World Kitchen Central (WCK) a atteint une jetée flottante où les cargaisons étaient déchargées vendredi en fin d'après-midi et en soirée. Ces 200 tonnes de vivres représentent 300 000 repas. C'est le premier bateau à utiliser le corridor maritime mis en place entre Chypre et la bande de Gaza – distantes d'environ 370 km – pour acheminer l'aide humanitaire. 

"WCK décharge près de 200 tonnes de riz, de farine, de protéines et bien plus encore, arrivées par voie maritime plus tôt dans la journée. Au moment où cette cargaison est transbordée, notre deuxième navire se prépare à quitter Chypre avec des centaines de tonnes de vivres supplémentaires", s'est félicitée l'ONG sur X, tard vendredi soir.

"Malgré l'obscurité et les difficultés, le travail ne s'arrête pas à Gaza pour décharger les 200 tonnes de nourriture de WCKitchen (...) Espérons que ce couloir ouvert aujourd'hui constituera une voie parallèle aux voies terrestres pour alléger la faim et les souffrances", a renchéri Open Arms.

Si le navire d'Open Arms a pu s'approcher de Gaza, qui ne possède pas de port de marchandises, pour décharger sa cargaison, il avait été soumis au préalable "à un contrôle de sécurité complet", a déclaré l'armée israélienne.

Les ONG sur place décrivent une situation de famine

Selon l'ONU, sur les 2,4 millions d'habitants de ce territoire exigu, 2,2 millions sont menacés de famine, avec d'importantes pénuries de nourriture et d'eau potable, et 1,7 million ont été déplacés par les combats et les frappes israéliennes qui ont provoqué des destructions colossales. "Les médecins racontent qu'ils ne voient plus de bébés de taille normale", a déploré vendredi Dominic Allen, responsable pour les territoires palestiniens du Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA), lors d'une conférence de presse par vidéo depuis Jérusalem.

Il a dépeint des femmes enceintes "épuisées par la peur, par le fait d'avoir été déplacées plusieurs fois, par la faim" et la déshydratation. "Tous les gens qu'on a vus, à qui on a parlé étaient décharnés, émaciés, ils avaient faim, ils faisaient tous ce signe pour demander à manger".

Les humanitaires décrivent tous la même situation catastrophique. Les habitants "n'ont plus rien à manger", a déclaré à France 24 Jean-Raphaël Poitou, responsable Moyen-Orient de l'ONG Action contre la faim. 

"Quand on discute avec nos employés sur place, ils nous expliquent que les Gazaouis mangeraient n'importe quoi, comme de l'herbe ou des feuilles."

Jean-Raphaël Poitou, responsable Moyen-Orient d'Action contre la faim

à France 24

Cette situation génère énormément de tensions sur place. "Il y a des bagarres parce que parfois les gens se battent pour pouvoir acheter tel ou tel ingrédient qui est en pénurie. Il y a une tension, une fatigue qui est énorme dans la population", rapporte sur BFMTV Léo Cans, chef de mission de Médecins sans frontières.

Les voies maritime et aérienne "ne peuvent pas se substituer" à la route

L'aide humanitaire arrive principalement par voie terrestre depuis l'Egypte via Rafah, après avoir été inspectée par Israël, mais reste très insuffisante au regard des besoins immenses. L'ONU, l'Union européenne, les Etats-Unis et d'autres pays ont d'ailleurs rappelé ces derniers jours que l'acheminement d'aide par les airs ou la mer ne pouvait se substituer aux voies terrestres.

Outre le corridor maritime, des parachutages d'aide sont effectués par plusieurs pays, dont la France, depuis le mois de mars. Mais là encore, ils ne constituent pas une alternative aux livraisons par voie terrestre, ont souligné 25 ONG, parmi lesquelles Amnesty International et Oxfam.

"On considère que ce n'est pas la méthode qu'il faut employer, assure ainsi à France 24 Jean-Raphaël Poitou. Par expérience, on sait que le parachutage peut ensuite être accaparé par des petits groupes et que cela favorise la criminalité. Par ailleurs, il y a un deuxième problème : les gens les plus faibles n'auront pas accès à cette aide parce que ce sera le plus fort qui sera en mesure de la récupérer."

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