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ONU : Les Etats-Unis plus critiques qu'on ne le pense à l'égard d'Israël

Le 30 décembre 2014, les Etats-Unis ont bloqué la résolution palestinienne proposée par la Jordanie au Conseil de sécurité de l’ONU et ainsi rendu un fier service à Israël. Une fois de plus, serait-on tenté de dire. Or, il s’agit d’une idée reçue. Les Etats-Unis ne sont pas le soutien indéfectible de l'Etat hébreu que l’on veut bien croire…
Article rédigé par Frédérique Harrus
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le président américain Barack Obama avec le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu, à Washington en 2013. (SAUL LOEB / AFP)

Mettant fin à de longues tractations, l’ambassadrice de Jordanie, membre non permanent du Conseil de sécurité, a présenté le 30 décembre 2014 une résolution préparée par les diplomates palestiniens. Le texte laissait un an pour trouver «une solution pacifique juste, durable et globale mettant fin à l’occupation israélienne commencée en 1967 et conforme à la vision de deux États indépendants, démocratiques et prospères».

Les États-Unis ont voté contre. Ils auraient même pu s'abstenir car le texte n'a pas réuni les 9 voix nécessaires à son adoption. L’épisode sera peut-être mentionné un jour dans les livres d'histoire parmi les étapes de la quête palestinienne d’un vrai statut international. Car tout divisés qu’ils soient, les Palestiniens mènent une offensive diplomatique sans précédent et ont obtenu leur admission à l'Unesco en octobre 2011, leur siège d'observateur à l'Assemblée générale des Nations Unies en novembre 2012 et la reconnaissance suédoise en octobre 2014 ainsi que des demandes allant en ce sens chez les parlementaires britanniques et français… Au seuil de 2015, voilà qu’ils proposent au vote cette fameuse résolution le 30 décembre, puis, par dépit, demandent le lendemain d’adhérer à la Cour pénale internationale.

Le Conseil de sécurité, le 30 décembre 2014, lors du vote de la résolution palestinienne. (LOEY FELIPE / UNITED NATIONS / AFP)

Cette agitation diplomatique tous azimuts inquiète Israël. Pourtant, comme le reste du monde, l'Etat hébreu est convaincu qu’il recevra, quoi qu’il arrive le soutien des Etats-Unis. C'est l'une des idées reçues de la politique internationale : la superpuissance américaine protège son allié et relais installé au cœur du Proche-Orient. Sauf que cette idée n’est pas tout à fait exacte. Si Washington est effectivement un soutien crucial d’Israël, il a aussi souvent laissé passer, voire soutenu, des résolutions plutôt défavorables à Tel Aviv.

En 1972, les Etats-Unis se servent pour la première fois de leur veto pour épargner à Israël une résolution critique. A l’époque, après l'attentat des Jeux olympiques de Munich, Tsahal tente de débusquer des militants de l’OLP qui seraient cachés dans des villages libanais. Le Conseil de sécurité souhaite condamner tant l’attentat que les représailles. Pas question, pour Nixon.

Depuis cette résolution de 1972, le Conseil a vu défiler 112 textes concernant Israël (hors-résolution renouvelant automatiquement le mandat des forces de casques bleus FINUL et FNUOD). Sur ces projets de résolution, 70 ont été adoptés, 42 rejetés, chaque fois sur un veto américain. Or, sur les 70 résolutions adoptées, seulement 16 étaient bienveillantes à l’égard d’Israël. Les Etats-Unis ont donc laissé passer 54 textes sur les 96 qui menaçaient les intérêts israéliens, soit 56%. Contrairement à l'idée reçue, le soutien américain à Israël n’est pas systématique et ne s’applique que dans moins d’un cas sur deux.

Entre le 8 mai 1980 et le 18 décembre 1981, soit pendant un an et huit mois, les Etats-Unis laissent passer l'ensemble des résolutions qui sont amenées devant le Conseil de sécurité et qui sont toutes contre Israël. Si les Etats-Unis s’abstiennent cinq fois, ils votent "pour" dans les cinq autres cas. Ainsi de la résolution 468, par exemple, qui déclare “illégales” les expulsions de Palestiniens. La série prend fin le 20 janvier 1982, lorsque le Conseil de sécurité tente de dénoncer l’annexion du plateau du Golan à la frontière israélo-syrienne. 

Et ces manquements au soutien supposé infaillible de l’Oncle Sam n’appartiennent pas qu’au passé. Lors de la deuxième guerre du Liban, à l’été 2006, le Conseil de sécurité demande l’arrêt des combats. En janvier 2009, il “exige” même qu’un cessez-le-feu interrompe la guerre de Gaza, débutée à la toute fin de l’année précédente. Enfin, en 2014, il se déclare même “attaché à la vision d’une région dans laquelle deux Etats, Israël et la Palestine, vivent côte à côte”. Des mots d’une force rare dans le milieu, habituellement si policé, de la diplomatie.

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