Supporters israéliens agressés à Amsterdam : quels sont les derniers éléments de l'enquête ?

La maire Femke Halsema a livré un récit circonstancié des événements lors du conseil municipal. Ces éléments n'enlèvent en rien le caractère antisémite des agressions, mais complètent le contexte général du déchaînement de haine contre des supporters israéliens.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Un véhicule de police à Amsterdam (Pays-Bas) dans la nuit du 7 au 8 novembre 2024, alors que des supporters israéliens sont agressés dans les rues. (ANP MAG / AFP)

Quatre jours après la nuit de violences contre des supporters israéliens, les tensions sont toujours très vives à Amsterdam (Pays-Bas). Le Premier ministre néerlandais, Dick Schoof, a encore qualifié de "violence antisémite pure et simple" les agressions ayant visé jeudi soir des supporteurs israéliens en marge d'un match entre l'Ajax d'Amsterdam et le Maccabi Tel-Aviv. "Le choc, la honte et la colère perdurent", a-t-il déclaré, lundi 11 novembre, en conférence de presse. "Il faut une action forte", vis-à-vis des auteurs des violences, a poursuivi le chef du gouvernement, ajoutant que "l'intolérance ne peut être traitée par la tolérance".

Un "guet-apens" le soir du match

Dans la soirée lundi, la maire d'Amsterdam Femke Halsema a livré un récit actualisé de ces heures entachées de violences, lors d'un conseil municipal attendu, confirmant les témoignages et les vidéos recueillis jusque-là. Une nouvelle fois, elle a désigné des groupes d'individus ciblant des supporters du club israélien, les frappant et leur donnant des coups de pied. Des individus ont également arrêté des passants dans la rue pour leur demander de présenter leur passeport, afin de vérifier s'ils étaient de nationalité israélienne pour les passer à tabac.

Entre 20 et 30 supporters du Maccabi Tel-Aviv ont été blessés dans la nuit de jeudi à vendredi après avoir été pris à partie par des groupes d'individus qui, selon la police néerlandaise, avaient répondu à un appel à cibler les juifs lancé sur les réseaux sociaux. Cinq personnes ont été brièvement hospitalisées. Des vidéos montrent ainsi des groupes d'individus traquant des supporters israéliens, leur lançant des objets, les frappant et les maltraitant. "C'est encore pire qu'un guet-apens", témoignait l'un d'eux à franceinfo.

"C'était un plan organisé par diverses équipes et groupes séparés, avec le but de choper des personnes isolées pour les lyncher."

Un supporter israélien

à franceinfo

"Des sympathisants palestiniens jetaient des pierres sur les voitures de notre hôtel", racontait un autre.

Plusieurs vidéos de ces violences circulent sur les réseaux sociaux. On y aperçoit notamment un homme au sol crier qu'il n'est pas juif pour éviter d'être battu. Ou encore un autre, jeté dans un canal, forcé de crier '"Palestine libre" pour pouvoir regagner la terre ferme. "Je suis tombé par terre et dix personnes m'ont donné des coups de pied en criant 'Palestine'", a déclaré Adi Reuben à la BBC. Ce jeune homme décide de ne pas aller à l'hôpital, car il a entendu dire que des chauffeurs de taxi étaient impliqués dans les violences. Un Britannique de confession juive dit avoir été frappé, car il était venu en aide à un Israélien, un peu plus tôt. "Ils ont dit : 'Tu as aidé le Juif' et on m'a frappé au visage et cassé mes lunettes."

Des "incidents" déjà recensés la veille

De nombreux internautes mettent aussi en cause le comportement de certains supporters du club israélien, dont la frange ultra est régulièrement accusée de tenir des propos violents. Mercredi soir, à la veille du match, une cinquantaine de supporteurs du Maccabi Tel-Aviv ont notamment brûlé un drapeau palestinien sur la place du Dam et ont vandalisé un taxi, a précisé Peter Holla, chef de la police dans la capitale néerlandaise. Plusieurs chauffeurs ont alors lancé des appels en ligne pour se mobiliser contre les supporters israéliens. Ils en ont pris 400 à partie alors qu'ils étaient venus jouer au Holland Casino, selon Peter Holla. La police a été dépêchée sur place et les citoyens israéliens exfiltrés tard dans la nuit.

Le lendemain, jour du match, un grand groupe de supporters du Maccabi Tel-Aviv s'est rassemblé sur la place du Dam vers 13 heures, d'après le chef de la police. Quelques "incidents" ont eu lieu et des feux d'artifice ont été tirés mais "la police a réussi à tenir les grands groupes à distance", selon Peter Holla. Plusieurs vidéos sont apparues sur les réseaux sociaux. Sur l'une d'elles, des supporteurs du Maccabi Tel-Aviv entonnent un chant en hébreu : "Que Tsahal gagne et nique les Arabes". Après le match, un jeune youtubeur a passé de longues minutes à suivre dans les rues un groupe de supporters israéliens vêtus de noir, certains munis de bâtons.

Après la rencontre, un groupe important de supporters du Maccabi Tel-Aviv s'est également réuni sur la place du Dam, a raconté la maire Femke Halsema. "Certains marchaient avec des bâtons à la main et commettaient des destructions." "Je sais qu'il y a des images sur le comportement des supporteurs du Maccabi. Cela aussi est examiné et il est important que tous les faits soient mis au jour, a fait savoir le Premier ministre Dick Schoof. Mais il y a une grande différence entre détruire des choses et chasser des juifs."

Un match très surveillé par les autorités

La municipalité affirme que la rencontre avait été minutieusement préparée en amont, dès le mois d'octobre, selon des propos rapportés par le journal Het Parool, en lien avec le coordonnateur national pour la lutte contre le terrorisme et la sécurité. Mais celui-ci n'aurait identifié aucune menace spécifique, selon la municipalité. Le jour du match, les autorités locales ont finalement envisagé d'annuler la rencontre, en raison des incidents survenus la veille. Avant de renoncer, faute de base légale.

"Ce qui s'est passé ces derniers jours est le résultat d'un cocktail toxique d'antisémitisme, de comportements hooligans et de colère face à la guerre en Palestine et en Israël."

Femke Halsema, maire d'Amsterdam

lors du conseil municipal de lundi, citée par "Het Parool"

La rencontre s'est cependant déroulée dans une ambiance globalement calme. A ceci près que certains supporters israéliens n'ont pas respecté la minute de silence en mémoire des victimes des inondations en Espagne, pays qui a récemment reconnu l'Etat de Palestine.

Des tensions dans les jours suivants

Des individus ont une nouvelle fois réclamé des passeports à des passants dans la rue, samedi soir, alors que les supporters israéliens étaient déjà repartis. Ces intimidations ciblaient des personnes dont l'apparence, aux yeux des agresseurs, renvoyait à une obédience juive, a déclaré le commissaire de police Olivier Dutilh. Au vu du contexte général, les autorités ont décidé de prolonger jusqu'à jeudi matin une ordonnance d'urgence, qui autorise les fouilles préventives et interdit les manifestations.

Enfin, une enquête a été ouverte à Amsterdam après l'incendie d'un tramway lundi soir. Sur son compte X, peu avant 21 heures, la police néerlandaise a ainsi expliqué qu'"un grand groupe de personnes" était impliqué dans "des nuisances" et avait lancé "entre autres des feux d'artifice sur le véhicule, ce qui a provoqué l'incendie. L'injure "kanker joden" ("cancer juif") a aussi été scandée à plusieurs reprises, selon une vidéo circulant sur les réseaux sociaux. Des interpellations ont été menées, sans qu'un lien soit encore clairement établi avec les événements survenus quelques jours plus tôt.

Une affaire sensible diplomatiquement

Le ministre néerlandais des Affaires étrangères, Caspar Veldkamp, a assuré samedi que les Pays-Bas menaient une "enquête approfondie" alors que l'Etat hébreu multiplie les prises de parole pour mettre la pression sur les autorités. "Jusqu'à présent, le nombre d'arrestations est très bas", a ainsi déclaré le nouveau ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar. La police néerlandaise affirme avoir procédé à 62 arrestations le jour du match (dont 49 résidents des Pays-Bas et 10 Israéliens). Israël a offert son aide dans l'enquête sur ces violences. En attendant les conclusions de cette dernière, le Maccabi Tel-Aviv doit affronter le Besiktas le 28 novembre prochain. La rencontre, initialement prévue à Istanbul (Turquie), se disputera finalement à huis clos dans la ville de Debrecen (Hongrie).

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.