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Prenant la parole pour la première fois depuis le début de la révolte, le président égyptien a démis le gouvernement

Loin d'annoncer qu'il jetait l'éponge, Hosni Moubarak a promis vendredi soir de nommer un nouveau gouvernement samedi, et a annoncé de "nouvelles mesures" pour la démocratie.Il a assuré qu'il comprenait les aspirations de la rue, mais a mis en garde contre les risques de "chaos" et s'est dit déterminé à assurer "la stabilité".
Article rédigé par France2.fr avec agences
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Allocution télévisée du président égyptien Hosni Moubarak (28 janvier 2010) (AFP PHOTO/HO/EGYPTIAN TV)

Loin d'annoncer qu'il jetait l'éponge, Hosni Moubarak a promis vendredi soir de nommer un nouveau gouvernement samedi, et a annoncé de "nouvelles mesures" pour la démocratie.

Il a assuré qu'il comprenait les aspirations de la rue, mais a mis en garde contre les risques de "chaos" et s'est dit déterminé à assurer "la stabilité".

Cette brève allocution télévisée, très attendue alors que Moubarak avait gardé le silence ces derniers jours, est survenue alors qu'en Egypte, où le couvre feu est entré en vigueur dans trois grandes villes, le bilan des affrontements dans les manifestations s'est alourdi à 27 morts, dont 20 pour la seule journée de vendredi, et des centaines de blessés.

Le président égyptien, âgé de 82 ans, a déclaré avoir demandé au gouvernement "aujourd'hui de démissionner", affirmant qu'il allait mettre en place un nouveau gouvernement samedi. Il a promis "de nouvelles mesures pour endiguer le chômage, augmenter le niveau de vie, développer les services et soutenir les pauvres".

Coup de fil d'Obama à Moubarak
Peu après cette intervention, le président américain Barack Obama a annoncé s'être entretenu par téléphone avec son homologue égyptien pendant 30 minutes. "Je lui ai dit qu'il avait pour responsabilité de donner un sens à ces mots. Je lui ai dit de prendre des mesures concrètes pour tenir ses promesses", a indiqué M. Obama dans une déclaration à ses concitoyens. Il a également appelé les autorités à "s'abstenir d'utiliser la violence contre les manifestants pacifiques".

Couvre-feu dans les principales villes égyptiennes du nord du pays
Vendredi devant l'ampleur des manifestations, M. Moubarak a demandé à l'armée, épine dorsale de son régime, de faire respecter la sécurité avec la police qui a semblé débordée par la mobilisation populaire sans précédent. Le couvre-feu a été décrété au Caire, à Alexandrie (nord) et à Suez (est) entre 18H00 et 07H00 et ce jusqu'à nouvel ordre.

"Vendredi de la colère", aux cris d'"A bas Moubarak"
En soirée vendredi, des soldats ont lancé des signes de victoire à des milliers de manifestants ayant bravé le couvre-feu dans la capitale et des policiers serraient la main de manifestants, selon un journaliste de l'AFP.

Des colonnes de blindés ont circulé dans les rues du Caire, et sans doute dans d'autres grandes villes, avec l'ordre d'aider la police à disperser les très nombreux manifestants et rétablir l'ordre, des images montrant les manifestants acclamant l'armée ont été diffusées à la télévision égyptienne, tandis que CNN a montré des manifestants fraternisant avec les soldats.

Toujours au Caire, un peu plus tôt, les manifestants ont mis le feu au siège du Parti national démocrate (PND), au pouvoir. Dans la journée, ils avaient incendié deux commissariats de la capitale. M. Moubarak s'est appuyé pendant près de 30 ans sur un redoutable appareil policier et un système dominé par un parti qui lui est entièrement dévoué.

Dans la matinée, dès la fin des prières musulmanes, des milliers de personnes sont descendues dans la rue pour ce "vendredi de la colère", à l'appel du Mouvement du 6 avril, un groupe de jeunes pro-démocratie. Aux cris d'"A bas Hosni Moubarak" et "le peuple veut la chute du régime", les manifestations se sont étendues à tout Le Caire, une métropole de 20 millions d'habitants, et ont gagné les principales villes du pays. Les policiers ont eu recours à des gaz lacrymogènes, des balles en caoutchouc et des canons à eau pour disperser les manifestants.

L'opposant le plus en vue, Mohamed ElBaradei l'ex-chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) qui s'est dit prêt à mener une transition au pouvoir après un éventuel départ de M. Moubarak, et les Frères musulmans (opposition), ont participé aux manifestations.

Le Pentagone a indiqué que le chef d'état-major égyptien, Sami Anan, qui conduisait une délégation militaire pour des entretiens à Washington prévus jusqu'à mercredi, retournait en Egypte.

Un responsable américain a prévenu que les Etats-Unis pourraient revoir leur aide, notamment militaire, à leur allié en fonction de la réponse des autorités aux manifestations.

L'internet et les services de téléphonie mobile, qui ont joué un rôle-clé dans la mobilisation populaire, étaient en effet coupés dans tout le pays. Une première par son ampleur pour l'internet, selon des experts, jamais vue même dans des pays comme la Chine ou l'Iran.

Séjours en Egypte suspendus par les voyagistes français
Les voyagistes français ont suspendu vendredi soir tous les départs de vacanciers prévus ce week-end vers l'Egypte. Paris a appelé ses ressortissants à "limiter" leurs déplacements "à ceux qui sont strictement nécessaires" en Egypte et à se tenir éloignés des attroupements". Mais contrairement à ce qui était arrivé en Tunisie, aucun rapatriement général n'était programmé pour l'heure.

Paris appelle à "la retenue"
Comme Washington un peu plus tôt, Paris a "exprimé sa vive préoccupation face aux manifestations qui secouent l'Égypte depuis quelques jours et qui ont connu une nouvelle vigueur ce vendredi". "Elle déplore les victimes et appelle à la retenue", ajoute la ministre des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie.

Internet bloqué, une coupure "sans précédent par son ampleur"
, sur ordre des autorités. L'accès à internet était bloqué, de même que l'envoi de SMS, alors que les réseaux mobiles étaient bloqués sur certaines zones. L'internet a été largement utilisé par les militants qui appellent aux manifestations.

"Selon nos informations, environ 88% du réseau internet n'est plus disponible en Egypte, c'est une première dans l'histoire d'internet", a déclaré Rik Ferguson, expert sécurité pour Trend Micro, troisième éditeur de solutions de sécurité mondial.

Trente ans de régime Moubarak
Le régime égyptien, jugé souvent très corrompu, est dominé depuis près de 30 ans par le président Hosni Moubarak, 82 ans, à la santé fragile. Celui-ci n'a pas encore fait savoir s'il se présenterait cette année, mais son entourage assure qu'il briguera un nouveau mandat.

Sa succession est au centre d'une sourde rivalité entre son fils Gamal, 47 ans, proche des milieux d'affaires, et la "vieille garde" du pouvoir liée au puissant appareil militaro-sécuritaire.

L'armée égyptienne, dont sont issus tous les présidents depuis 1952, est jugée davantage loyale envers le pouvoir que l'armée tunisienne ne l'était à l'égard du président déchu Ben Ali.

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