: Vidéo "J’ai d'abord été assommée par la nouvelle, je crois qu’ensuite j’ai pleuré" : entretien avec la journaliste Maria Ressa, Prix Nobel de la paix 2021
La journaliste philippine d'investigation prend la parole dans les médias français pour la première fois depuis son prix Nobel de la paix décerné pour son combat pour la liberté d'expression.
Le prix Nobel de la paix 2021 a été attribué vendredi 8 octobre à la journaliste philippine Maria Ressa et à son confrère russe Dimitri Muratov pour leurs efforts en faveur de la liberté d'expression aux Philippines et en Russie. Maria Ressa prend la parole dans les médias français pour la première fois depuis cette distinction du comité Nobel norvégien pour ses articles d'investigations. Elle s'exprime à l’occasion de la 4e édition du festival Medias en Seine organisé par franceinfo et Les Echos.
Après avoir longtemps couvert l’Asie pour CNN, Maria Ressa a fondé le site d’investigation The Rappler en 2012 afin de dénoncer la corruption et la désinformation dans son pays. Sous le coup de plusieurs mandats d’arrêt, elle est devenue la bête noire du pouvoir incarné par le président Duterte. C'est ce qu'elle explique dans cet entretien accordé à franceinfo dans le cadre du festival Medias en Seine, au micro de Lucas Menget.
franceinfo : Comment avez-vous réagi après l'annonce de ce prix Nobel de la paix 2021 qui vous a été décerné ?
Ça un peu été les montagnes russes. D’abord, j’ai été assommée par la nouvelle, je crois qu’ensuite j’ai pleuré. Et puis j’ai regardé l’impact que ça a eu sur les journalistes, pas seulement à Rappler, mais même aux Philippines et chez tous mes amis journalistes autour du monde. Donc je suis ravie de voir que le comité Nobel ait vu le rôle crucial que jouent aujourd’hui les journalistes à travers le monde dans la bataille pour les faits.
Vous savez, j’ai appris lors des cinq dernières années que toutes les attaques, aussi bien en ligne que dans la vraie vie, sont liées aux prix que l’on a pu recevoir ou aux articles d’investigation que l’on a pu sortir. Lorsque j’ai été la cible de 90 messages de haine par heure en 2016, l’objectif était bien d’organiser un effet domino, de créer un méta-récit, avec le message "les journalistes sont des criminels".
Marteler un mensonge un million de fois le transforme en un fait. Les gens qui ne m’avaient jamais rencontrée ont cru que j’étais une criminelle ! Et c’est remonté très vite. Un an plus tard, le président Duterte nous a, au fond, qualifié de "criminels". Une semaine plus tard, nous avons reçu notre première assignation. En 2020, j’ai été condamnée et j’ai reçu mes neuvième et dixième mandats d’arrêt. Ça a vraiment été les montagnes russes.
Une partie de votre stratégie réside dans votre dernière annonce, de créer un fonds avec Mark Thomson, qui est à la tête du New York Times. A quoi va servir ce fonds et en quoi va-t-il servir à aider le journalisme à travers le monde ?
Les journaux indépendants vont avoir besoin d’aide pour survivre, particulièrement dans l’hémisphère sud, puisque le modèle économique est en train de s’effondrer, les publicités sont parties vers les nouvelles technologies.
Sur l’aide publique au développement distribuée par les pays démocratiques qui ont des politiques d’aide au développement, seulement 0,3% est accordée aux journalistes. Notre objectif est de passer à 1%, ce qui nous permettrait d’obtenir un milliard d'euros chaque année et d'aider ces médias dans cette période de transition.
La version intégrale de cet interview avec la lauréate du prix Nobel de la paix 2021 est à retrouver à 10h00 au festival Médias en Seine franceinfo-Les Echos et sur le site mediaenseine.com
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