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Chute des cours du pétrole : "Quelque chose de très grave peut se produire" dans l'économie mondiale, estime un spécialiste

Les marchés mondiaux ont dégringolé lundi alors que les cours du pétrole ont baissé de plus de 30% en Asie, une chute extrêmement sévère liée à l'épidémie du Covid-19.

Article rédigé par franceinfo
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Des traders à l'ouverture de la bourse de Wall Street, à New York, le 9 mars 2020. (TIMOTHY A. CLARY / AFP)

"Quelque chose de très grave peut se produire" dans l'économie mondiale, a déclaré lundi 9 mars sur franceinfo Matthieu Auzanneau, directeur du think-tank de la transition énergétique the Shift Project. L'Arabie Saoudite a déclenché "une guerre des prix", notamment avec la Russie, entraînant une chute des cours du pétrole et une plongée des bourses au niveau mondial ce lundi. "On peut s'attendre à une décrue des prix à la pompe, si la baisse des cours du brut se poursuit", d'après Matthieu Auzanneau.

franceinfo : Est-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle ?

Matthieu Auzanneau : Ça dépend pour qui. Pour l'automobiliste si on regarde à très court terme, on ne va sans doute pas aller vers une augmentation des prix à la pompe, voire même on va avoir une décrue. On peut s'attendre à une décrue des prix à la pompe, si la baisse des cours du brut se poursuit dans les semaines qui viennent. Maintenant, il faut comprendre que le pétrole, c'est un peu le système sanguin de l'économie mondiale et que de violents chocs dans un sens, dans un autre sur l'économie du pétrole, ça a toujours des conséquences qui sont plutôt délétères pour l'ensemble de l'activité économique mondiale.

On a vu par exemple l'effondrement d'actions BNP Paribas, Crédit Agricole ou Société Générale. Pourquoi les marchés mondiaux connaissent-ils une telle chute ?

L'industrie pétrolière est la plus grosse industrie du monde et de loin. Donc, ça veut dire beaucoup de capitaux investis. Donc tant qu'on n'a pas appris à se passer de ce pétrole, une industrie du pétrole qui se porte pas bien, ça a des conséquences effectivement sur les banques, sur les financeurs. Et puis il y a tout un volet aussi géostratégique. Là, on a une guerre économique ouverte entre l'Arabie saoudite et la Russie, qui sont les deux plus grands producteurs de pétrole avec les États-Unis. On voit les tensions autour du golfe Persique, qui est déjà chauffée à blanc.

Monsieur Poutine vient d'être publiquement humilié par Mohammed ben Salmane. On peut s'attendre à avoir des répercussions.

Matthieu Auzanneau

à franceinfo

En fait, l'Arabie saoudite vient de déclencher une espèce de bataille royale des producteurs pétroliers, une guerre des prix dans laquelle l'Arabie saoudite possède les plus belles réserves de pétrole, le coût de production le plus bas et possède le fonds souverain le plus riche. Elle met au défi non seulement les Russes, mais tous les principaux autres pays producteurs de lui tenir la dragée haute. Elle met au défi Vladimir Poutine de revenir à la table des négociations de l'Opep (Organisation des pays exportateurs de pétrole). Je suis pas du tout certain que M. Poutine se laisse tordre le bras par Mohammed ben Salmane et le clan souverain d'Arabie saoudite.

Ça peut durer combien de temps ce bras de fer ?

Non seulement ça peut durer longtemps, mais en plus la Russie et la sphère d'influence à laquelle appartiennent l'Arabie saoudite se jouent une guerre par ennemi interposé en Syrie. Ça peut très facilement se prolonger, mais aussi s'envenimer. La demande de pétrole mondiale est très basse aujourd'hui à cause du coronavirus. On a vraiment des conditions où un peu tout le monde est dos au mur. On est potentiellement face à une situation comparable à celle qu'on a connue dans les années 80, lors du contre-choc pétrolier, qui est un moment historique. Quelque chose de très grave peut se produire.

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