Guerre au Proche-Orient : ce que contient l'accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah, entré en vigueur au petit matin au Liban
Après plus d'un an d'hostilités transfrontalières et deux mois de guerre ouverte entre l'armée israélienne et le Hezbollah, un cessez-le-feu est entré en vigueur. La trêve, valable depuis mercredi 27 novembre à 4 heures du matin, doit interrompre cet embrasement survenu dans le sillage des attaques du 7 octobre 2023 en Israël, la milice libanaise armé pro-iranienne assurant répondre au pilonnage de la bande à Gaza, en soutien au Hamas. Négocié sous la houlette des Etats-Unis et de de la France, mais sans le Hezbollah, qui a fait appel au chef du Parlement libanais Nabih Berri pour négocier en son nom, l'accord met à jour la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l'ONU. Cette résolution avait mis un terme au conflit entre le Hezbollah et l'Etat hébreu, en 2006.
Au moins 3 823 personnes ont été tuées au Liban en 13 mois de conflit et des centaines de milliers d'autres ont fui les combats. Côté israélien, près de 120 personnes, dont 47 civils, ont été tuées dans les affrontements avec le Hezbollah et des dizaines de milliers d'habitants ont dû fuir le nord du pays. Cet accord parviendra-t-il à instaurer une paix durable entre les deux parties ?
Le Hezbollah laisse la place à l'armée libanaise dans le Sud-Liban
Mardi soir, le secrétaire à la Défense américain, Lloyd Austin, a salué une "résolution diplomatique" qui "permettra à des dizaines de milliers de civils libanais et israéliens de rentrer chez eux en toute sécurité, de part et d'autre de la frontière, et de mettre un terme à la violence et à la destruction engendrées par ce conflit". En vertu de l'accord, les forces du Hezbollah doivent se retirer du sud du Liban, afin que l'armée libanaise prenne le contrôle de la zone frontalière avec Israël. "Ce qui reste du Hezbollah et des autres organisations terroristes ne sera pas autorisé (...) à menacer à nouveau la sécurité d'Israël", a déclaré le président américain, Joe Biden.
Ainsi, selon les points de l'accord listés par L'Orient-le jour, "la vente, la fourniture ou la production d'armes et de matériel connexe au Liban seront supervisées par le gouvernement libanais", tandis que "les installations non autorisées liées à la production d'armes et de matériel connexe" et "toutes les infrastructures et positions militaires non conformes à ces engagements" seront démantelées.
L'accord donne 60 jours à l'armée israélienne pour se retirer de la zone frontalière entre les deux pays, le temps de permettre à l'armée libanaise et aux Casques bleus de la Finul (Force intérimaire des Nations unies au Liban) de se déployer comme forces d'interposition.
La surveillance du cessez-le-feu d'abord attribuée à la France et aux Etats-Unis
Selon l'accord, un comité approuvé par Israël et le Liban sera créé pour superviser et aider à la mise en œuvre du cessez-le-feu. En attendant, Washington et Paris, à la manœuvre pour obtenir cette victoire diplomatique, se sont engagés à veiller à ce que l'accord soit "mis en œuvre dans son intégralité", selon un communiqué commun des présidents américain et français, Joe Biden et Emmanuel Macron. Sur le plateau de franceinfo mercredi matin, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a détaillé que cette mission se ferait avec l'appui des Casques bleus du contingent français de la Finul, soit "700 soldats français", ainsi qu'en "renforçant les forces armées libanaises", a-t-il poursuivi.
Car dans les faits, l'armée libanaise ne dispose "pas de beaucoup de moyens" pour faire tampon entre le mouvement chiite et l'armée israélienne, note la vice-présidente de l'Institut de recherche et d'études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient, Agnès Levallois, citée par l'AFP. "Concrètement, comment les choses vont-elles se passer s'il y a un problème ?", s'interroge-t-elle, alors que le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, annonçait, juste avant de donner son feu vert, qu'Israël conserverait "une totale liberté d'action militaire" au Liban, s'engageant à attaquer "si le Hezbollah viole l'accord et tente de se réarmer."
Dès l'entrée en vigueur du cessez-le-feu à l'aube, des habitants du sud du Liban et de la plaine de la Bekaa ont commencé à retourner dans leurs villages. Or, l'armée israélienne a aussitôt averti les habitants du sud du Liban de ne pas s'approcher des positions où elle reste déployée. "Il vous est interdit de vous diriger vers les villages que les FDI [l'armée israélienne] ont ordonné d'évacuer ou vers les forces des FDI dans la région", a déclaré le porte-parole de l'armée, Avichay Adraee, dans un message publié sur X. Dans un discours aux Libanais tenu mercredi, le Premier ministre libanais, Najib Mikati, a ainsi demandé à Israël de "respecter" le cessez-le-feu et de se retirer des zones frontalières.
La durée du cessez-le-feu, incertaine, dépendra de la restauration du pouvoir libanais
D'après Joe Biden, l'accord de trêve a été conçu pour entraîner un arrêt permanent des hostilités entre les deux parties. Mais "un travail considérable se profile pour assurer que l'accord perdure", a prévenu mardi soir Jeanine Hennis-Plasschaert, la représentante de l'ONU pour le Liban. Il "marque le point de départ d'un processus critique" pour assurer la sécurité des civils des deux côtés de la ligne bleue, cette ligne de démarcation fixée par l'ONU entre le Liban et Israël, a-t-elle ajouté.
Mais pour que l'espoir de paix se concrétise, il faudra régler "le problème de fond" : celui "de la souveraineté libanaise", analyse sur franceinfo Karim Emile Bitar, professeur de relations internationales à l'Université Saint-Joseph de Beyrouth. "Le Hezbollah a été considérablement affaibli mais il est encore une force dominante au Liban. Il conserve sa capacité de blocage, sa capacité de nuisance", explique-t-il. Alors que le gouvernement paraît impuissant face au conflit qui mine son territoire et que le pays demeure sans chef de l'Etat depuis le départ de Michel Aoun en 2022, confier la sécurité de la frontière à l'armée libanaise nécessite que cette dernière soit appuyée par toute la légitimité de l'Etat.
De toutes parts, des voix se sont élevées mercredi pour réclamer que soit organisée rapidement l'élection du président de la République. Estimant que le succès ou non de l'accord était "la responsabilité des autorités libanaises et de tous ceux qui exercent d'éminentes responsabilités politiques", Emmanuel Macron a déclaré dans un message vidéo que "la restauration de la souveraineté du Liban pass[ait] par l'élection sans délai d'un président de la République". Dans un discours télévisé, quelques heures après l'entrée en vigueur du cessez-le-feu, le président du Parlement libanais, Nabih Berri, chef de l'influent mouvement chiite Amal, allié du Hezbollah, a appelé les Libanais à "l'unité" nationale et s'est prononcé pour "hâter l'élection d'un président de la République".
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