Guerre à Gaza : "simulation de noyade", "lâcher de chiens", "agressions sexuelles"... Israël accusé de "torture" sur des prisonniers palestiniens

Les Nations unies, des ONG et des médias alertent sur de mauvais traitements qui auraient été infligés à de nombreux prisonniers palestiniens durant leur détention. L'armée israélienne se défend de "sévices systématiques".
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Les mains d'un ancien prisonnier palestinien qui assure avoir été torturé dans la prison de Deir al-Balah, à Gaza, le 27 juillet 2024. (ANAS ZEYAD FTEHA / ANADOLU / AFP)

Les conditions de détention des Palestiniens en Israël font de nouveau polémique. Plusieurs ONG, mais aussi les Nations Unies ou des médias, ont alerté à plusieurs reprises, cet été, sur les mauvais traitements auxquels auraient été soumis de nombreux prisonniers depuis l'attaque du Hamas en Israël le 7 octobre.

De son côté, l'armée israélienne assure ouvrir des enquêtes lorsqu'il existe "des soupçons de faute criminelle". Fin juillet, neuf soldats ont ainsi été interpellés pour des mauvais traitements présumés sur un détenu du centre de détention controversé de Sde Teiman, dans le sud du pays. Franceinfo récapitule les dernières accusations qui visent l'Etat hébreu.

D'anciens prisonniers gazaouis accusent Israël de torture dans la presse

Début juillet, de retour de détention, des Gazaouis ont témoigné auprès de l'AFP avoir été torturés par les forces israéliennes. Parmi eux, le directeur de l'hôpital al-Chifa de Gaza, Mohammed Abou Salmiya, a raconté avoir été soumis "à de sévères tortures" au cours de ses sept mois de captivité, qui ont pris fin le 1er juillet. Selon lui, de nombreux détenus sont "morts dans les centres d'interrogatoire".

"J'étais battu jour et nuit. Nous avions les yeux bandés, les mains et les pieds enchaînés et ils lâchaient les chiens sur nous", a relaté Mahmoud al-Zaanine, un Gazaoui libéré en juin, témoignant depuis un hôpital de la bande de Gaza. 

"J'ai été torturé. Je le jure devant Dieu, ils ont ciblé mes parties génitales à quatre reprises."

Mahmoud al-Zaanine, ex-prisonnier palestinien

à l'AFP

Interrogée par l'AFP, l'armée israélienne a dit "rejeter totalement les allégations de sévices systématiques", dont celles de sévices sexuels et d'électrocution. Elle assure respecter la loi israélienne et internationale et "protéger les droits" des détenus. D'après Israël, les détenus libérés sont sous le contrôle du mouvement islamiste palestinien Hamas, "qui peut les forcer à fournir de fausses informations".

L'ONG Amnesty International évoque une "torture généralisée" de Palestiniens

Le 18 juillet, Amnesty International a exhorté Israël à cesser de placer "au secret" des Palestiniens de Gaza et de les soumettre à une "torture généralisée" dans ses geôles. Dans un communiqué, l'ONG affirme avoir recueilli des informations sur 27 ex-prisonniers palestiniens. Selon elle, tous ceux qui lui ont parlé ont déclaré avoir été soumis à la "torture" et à d'autres "traitements cruels, inhumains ou dégradants". Amnesty dit avoir "constaté des marques et ecchymoses correspondant à des actes de torture sur au moins huit des anciens détenus interrogés en personne". L'ONG assure aussi avoir "examiné les dossiers médicaux de deux autres détenus libérés, qui corroborent leurs allégations de torture"

Des détenus du camp militaire de Sde Teiman "ont déclaré avoir eu les yeux bandés et avoir été menottés pendant toute la durée de leur détention dans ce camp", poursuit l'ONG. "Ils ont déclaré avoir été forcés à rester dans des positions douloureuses pendant de longues heures et avoir été empêchés de se parler ou de lever la tête", détaille l'ONG. Un adolescent de 14 ans y aurait aussi été soumis "à des actes de torture", notamment "des coups de pied et des coups de poing au cou et à la tête" et des "brûlures de cigarettes".

Un rapport de l'ONU dénonce une "impunité absolue"

Dans un rapport paru le 31 juillet, le Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Volker Türk, évoque "une série d'actes épouvantables, tels que la simulation de noyade et le lâcher de chiens sur des détenus". Le rapport fait également état de prisonniers "brûlés avec des cigarettes et soumis à des médicaments hallucinogènes". Selon le rapport, au moins 53 prisonniers de Gaza et Cisjordanie sont morts durant leur détention par Israël entre le 7 octobre et le 30 juin. 

Dix experts de l'ONU ont ensuite mis en garde contre "l'escalade du recours à la torture" en Israël contre les prisonniers palestiniens, dénonçant une "impunité absolue" et appelant à prévenir "un crime contre l'humanité"Ils ont affirmé avoir reçu "des informations étayées" faisant état de nombreux cas de torture, d'agressions sexuelles et de viols, "dans des conditions inhumaines atroces".

"D'innombrables témoignages d'hommes et de femmes font état de détenus enfermés dans des sortes de cages, attachés à des lits, les yeux bandés et portant des couches, dévêtus, privés de soins de santé adéquats, de nourriture, d'eau et de sommeil" et soumis à des "électrocutions, y compris sur les parties génitales, au chantage et à des brûlures de cigarettes", détaillent ces experts.

Une ONG israélienne pointe des "mauvais traitements systématiques"

Des milliers de prisonniers palestiniens sont victimes de "mauvais traitements et de torture" systématiques dans les prisons israéliennes, a assuré l'ONG israélienne de défense des droits humains B'Tselem dans un rapport publié le 6 août. Les témoignages de 55 anciens détenus ont révélé des "conditions inhumaines", selon le document, soulignant que plus d'une dizaine d'établissements pénitentiaires étaient utilisés comme des "camps de torture de facto".

"Les témoignages indiquent clairement une politique institutionnelle systématique axée sur la maltraitance et la torture de tous les prisonniers palestiniens détenus par Israël."

l'ONG B'Tselem

dans un rapport

D'ex-détenus ont décrit "des actes fréquents de violence grave et arbitraire, des agressions sexuelles, des humiliations et des dégradations, des privations de nourriture délibérées, des conditions d'hygiène forcées et des privations de sommeil", ajoute l'ONG. 

Sollicitée par l'AFP, l'administration pénitentiaire israélienne a assuré que les affirmations du rapport étaient "sans fondement". "L'armée israélienne rejette catégoriquement les allégations de maltraitance systématique dans ses centres de détention", a ajouté l'armée.

Une ONG palestinienne rend Israël responsable de la mort d'une ex-détenue

Une Palestinienne de 50 ans est morte, le 5 août, des suites de "blessures très sérieuses qui lui ont été infligées durant sa détention" par les forces israéliennes, ont assuré les autorités en Cisjordanie occupée. Epouse d'une personnalité du Hamas à Jénine, dans le nord de la Cisjordanie, Wafaa Jarrar avait été arrêtée le 21 mai, puis libérée le 30 mai, selon le Club des prisonniers, une ONG palestinienne de défense des détenus. Après d'être sortie de détention, elle avait été emmenée à l'hôpital, où elle est restée inconsciente jusqu'à sa mort. L'ONG et les autorités ont accusé Israël d'avoir commis un "crime" à l'encontre de Wafaa Jarrar, qui a conduit à l'amputation de ses jambes.

Les Etats-Unis réclament une enquête après une vidéo montrant une potentielle agression sexuelle

Le 7 août, les Etats-Unis ont pressé Israël de mener une enquête après la diffusion d'une vidéo semblant montrer des soldats israéliens agressant sexuellement un prisonnier palestinien. Cet enregistrement d'une caméra de surveillance a été diffusé par la chaîne israélienne Canal 12. Les soldats semblent choisir un prisonnier et l'emmener dans un coin du centre de détention de Sde Teiman.

"Nous avons vu la vidéo et les informations concernant des violences sexuelles sur des détenus sont horribles", a déclaré le Département d'Etat américain. "Les droits humains des prisonniers doivent être respectés dans tous les cas. Et quand il y a des accusations de violations, le gouvernement d'Israël doit faire en sorte qu'il y ait une enquête et que les personnes accusées de violations rendent des comptes, si les faits sont avérés", a-t-il ajouté. Contacté par l'AFP, un porte-parole de l'armée israélienne a déclaré que l'armée se renseignait sur ces informations.

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