Guerre dans la bande de Gaza : pourquoi l'accord de trêve entre Israël et le Hamas est dans l'impasse
"Il est temps de cesser les marchandages", a lancé, mercredi 12 juin, Antony Blinken. A l'issue d'une tournée au Proche-Orient, le chef de la diplomatie américaine a appelé Israël et le Hamas à s'entendre pour un accord de trêve dans la bande de Gaza. "Plus cela [la guerre] dure, plus les gens souffriront", a-t-il rappelé. Portée par une médiation qatarie, américaine et égyptienne, cette trêve tant attendue par les Gazaouis et par les familles des otages israéliens a été perçue comme proche à plusieurs reprises depuis le début de l'année, sans jamais aboutir.
Mardi, le Hamas a annoncé avoir remis au Qatar et à l'Egypte sa réponse au plan annoncé le 31 mai par le président américain Joe Biden. Le contenu de cette réponse n'a pas été révélé, mais Antony Blinken a déclaré que "certains changements" réclamés par le mouvement islamiste étaient "réalisables" tandis que "d'autres" ne l'étaient pas. De son côté, le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a affirmé qu'il poursuivrait la guerre jusqu'à la défaite du Hamas.
Le Hamas exige un nouveau calendrier pour un cessez-le-feu
Dans le plan présenté par Joe Biden le 31 mai, et voté lundi par le Conseil de sécurité de l'ONU, pour un "cessez-le-feu total et complet", il est prévu que les forces israéliennes se retirent de "toutes les zones peuplées de Gaza" pendant six semaines. Or, le Hamas a amendé cette proposition. Selon deux hauts responsables du corps des Gardiens de la Révolution iraniens, proche du mouvement palestinien, le Hamas souhaite qu'Israël se retire de deux couloirs gazaouis dès la première semaine de trêve, cite le New York Times.
Les voies concernées sont vraisemblablement le "couloir de Philadelphie", le long de la frontière égyptienne, qu'Israël a annoncé avoir pris fin mai, et le corridor de Netzarim, qui traverse la bande de Gaza d'est en ouest. Cette route de 6 kilomètres a été construite par l'armée israélienne en février afin de mener des raids dans le nord et dans le centre de Gaza, tout en permettant à Israël de contrôler l'accès vers le nord du territoire, rappelle Times of Israel. Selon le quotidien israélien Haaretz, le Hamas demande également que dès le troisième jour de trêve, Israël se retire de la route de la route Salah al-Din, qui relie la bande de Gaza du nord au sud.
Le Hamas pose des conditions à la libération des otages israéliens
Dans son plan, Joe Biden estime que si le cessez-le-feu est respecté, "certains" otages israéliens – des femmes, des personnes âgées, blessées ou malades – seront libérés et certains corps, restitués aux familles. Les derniers otages ayant la nationalité américaine rentreront "à la maison" et des centaines de prisonniers palestiniens seront également remis en liberté.
Mais sur ce point, le Hamas propose un autre plan. Selon Haaretz, le mouvement palestinien entend libérer trois otages – vivants et morts – tous les trois jours, pour un total de 33 personnes. A ce jour, 116 personnes sont toujours retenues dans le territoire palestinien. Le Hamas ne veut pas non plus que les prisonniers palestiniens libérés soient éloignés de la bande de Gaza, et il souhaite que leur libération soit déterminée sur le temps passé dans les prisons israéliennes.
De son côté, Israël a rappelé son intransigeance sur le sujet. "Les conditions d'Israël pour stopper la guerre n'ont pas changé", a déclaré le bureau de Benyamin Nétanyahou dans un communiqué, citant "la destruction des capacités militaires et gouvernementales du Hamas, la libération de tous les otages et l'assurance que Gaza ne posera plus de menace à Israël".
Les discussions sont fragilisées par les divisions au sein du gouvernement israélien
En interne, le gouvernement israélien est divisé sur la mouture du plan de cessez-le-feu. Lundi, un porte-parole du gouvernement israélien a affirmé que Benyamin Nétanyahou le jugeait "incomplet" et était déterminé à poursuivre la guerre jusqu'à l'élimination du Hamas.
Des ministres israéliens d'extrême droite ont menacé de quitter le gouvernement si cet accord entrait en vigueur. Dans des messages sur le réseau social X, Itamar Ben Gvir, ministre de la Sécurité nationale, a qualifié la proposition de "victoire pour le terrorisme et un risque pour la sécurité d'Israël", tandis que Bezalel Smotrich, ministre des Finances, a affirmé qu'il "ne prendra[it] pas part à un gouvernement qui accepterait le plan proposé".
A l'opposé, le chef de l'opposition israélienne, Yaïr Lapid, a dit soutenir la feuille de route portée par Washington. "Le gouvernement israélien ne peut pas ignorer le discours important du président Biden", a-t-il écrit sur X. Ces divisions ont atteint leur apogée dimanche avec la démission de Benny Gantz, le leader centriste qui avait rejoint le cabinet de guerre après le 7 octobre pour un poste sans portefeuille précis. "Nétanyahou nous empêche d'avancer vers une réelle victoire. C'est pourquoi nous quittons aujourd'hui le gouvernement d'urgence avec le cœur lourd mais sans regret", a-t-il accusé au cours d'une allocution à la télévision.
Israël est accusé de faire volontairement durer la guerre
Dans une interview au magazine américain Time, organisée le 28 mai avant la présentation du plan de cessez-le-feu, Joe Biden a taclé le Premier ministre israélien, affirmant qu'il faisait traîner la guerre à Gaza pour sa propre survie politique. "Il y a tout lieu pour les gens de tirer cette conclusion", a-t-il affirmé. Le président américain a reconnu qu'il était particulièrement en désaccord avec le Premier ministre sur la nécessité de créer un Etat palestinien après la guerre. "Que se passe-t-il après la fin de [la guerre à] Gaza ? (...) Il faut une solution à deux Etats", a-t-il tranché.
Quelques jours plus tard, l'exécutif américain a toutefois tempéré son discours. Le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, Jake Sullivan, a assuré qu'Israël était disposé à avancer sur la voie d'un accord. "Le Hamas est désormais le seul obstacle à un cessez-le-feu complet" à Gaza, a renchéri Joe Biden lors d'une conversation téléphonique avec l'émir du Qatar, Tamim ben Hamad al-Thani.
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