Guerre entre le Hamas et Israël : qu'est-ce que Zaka, cette ONG israélienne qui a donné les premiers décomptes de victimes ?
C'est un nom qui apparaît après la plupart des attentats en Israël, depuis les années 90 : Zaka. Et c'est cet organisme qui, le premier, a donné le nombre de victimes de l'attaque contre une rave party par le Hamas, samedi 7 octobre, près de la bande de Gaza. Derrière ces quatre lettres, il y a une ONG israélienne ultra-orthodoxe qui s'occupe du travail de l'ombre de ce conflit : permettre l'inhumation des corps des victimes dans leur intégralité. Franceinfo s'est penché sur l'histoire et le rôle de cette ONG avec son directeur en France, Eliahou Michel Touboul.
Des volontaires qui ont pour mission de préserver "l'intégrité" des corps
Zaka est l'abréviation de zihuy korbanot asson, ce qui veut dire en hébreu "identification de victimes de tragédies". La mission de ses 3 700 bénévoles consiste à ramasser systématiquement les corps de victimes d'attentats, mais aussi d'accidents de la route ou de meurtres, et d'en rassembler les morceaux pour restituer leur intégrité et permettre un enterrement digne. Un travail très dur. "On fait un acte de charité pour les gens qui sont morts et on n'attend rien en retour", explique à franceinfo Eliahou Michel Touboul, directeur de l'ONG en France. Ce travail des bénévoles contribue à l'identification des corps dans des conditions souvent inimaginables, "comme c'est le cas en ce moment, explique-t-il. "Vous trouvez une tête d'un côté et un corps de l'autre et il faut les remettre ensemble, déterminer à qui appartient quoi. Souvent, c'est difficile surtout quand vous avez eu des explosions." Ces derniers jours, l'organisation est presque systématiquement intervenue aux points les plus chauds de l'attaque du Hamas, dans des zones sécurisées au préalable par l'armée ou la police. .
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Zaka s'est emparé de cette tâche pour des raisons religieuses. "Selon la loi juive, les corps doivent être enterrés dans leur intégralité, expliquait Schlomo Bloch, membre de l'ONG, à nos confrères du Monde en 2002. Il faut aussi éviter que des morceaux de corps soient inhumés avec une personne à qui ils n'appartiennent pas." Pour identifier au mieux les victimes, ses membres sont formés par "la police, les laboratoires scientifiques, les instituts médico-légaux et les rabbins, explique Eliahou Michel Touboul. Ils sont entraînés à prendre des empreintes digitales, faire des tests ADN, des tests dentaires."
Ce travail a aussi été réalisé pour les membres du Hamas décédés depuis ce samedi 7 octobre. "Ça touche au respect du corps humain, estime Eliahou Michel Touboul. Je ne dis pas que ces personnes méritent le respect, mais il y a un minimum à faire par rapport à ces gens-là, à savoir de ramasser les corps. Ça ne serait pas digne de ne pas le faire, donc on s'occupe de ramasser leurs corps aussi." Il précise que les "victimes sont dans des sacs blancs, et quand vous voyez des sacs noirs, ce sont ceux qu'on utilise pour les terroristes".
Une ONG créée après un attentat en 1989
Les origines de Zaka remontent au 6 juillet 1989. Ce jour-là, un Palestinien prend le contrôle d'un bus qui fait la liaison entre Tel-Aviv et Jérusalem et l'entraîne dans un ravin. Le bus tombe d'une centaine de mètres avant de prendre feu : le bilan est de 16 morts et de 27 blessés. "Plein de gens d'une ville orthodoxe à proximité sont venus pour aider, raconte Eliahou Michel Touboul. Ils se sont aperçus qu'ils devaient être mieux organisés." Ils se sont ainsi structurés en une association et en 1995, Zaka a été agréée comme organisation caritative par le gouvernement israélien.
Des volontaires sont intervenus en Asie après le tsunami dans l'océan Indien, en décembre 2004 et l'ONU a reconnu Zaka comme une organisation humanitaire en 2005. Elle intervient régulièrement en dehors d'Israël, comme par exemple lors du tremblement de terre de 2010 en Haïti ou celui de 2011 au Japon.
L'ONG s'est divisée en plusieurs unités pour être efficace : "La plus importante est celle qui s'occupe de traiter les morts et pas seulement en temps de guerre. Ça peut être suite à des suicides, des accidents de voiture, des accidents de travail. Il y a aussi une unité de secours d'urgence qui, d'ailleurs, a mis en place le premier système de moto-ambulance." D'autres unités ont ensuite été mises en place au fil du temps : "Une unité canine avec des chiens-chercheurs pour trouver les gens sous les décombres. Il y a également une unité de plongeurs avec d'anciens commandos de la marine, généralement, pour faire du secours en mer." Une autre unité, multiculturelle celle-là, a été mise en place avec "des Bédouins, des musulmans, des chrétiens, des Druzes à qui Zaka fournit la formation et le matériel pour s'occuper de leurs morts selon leurs propres coutumes."
Une mission particulièrement éprouvante depuis l'attaque du Hamas
Depuis le 7 octobre, les bénévoles de Zaka font face à des situations parfois insoutenables, "des morts partout, dans les maisons, au bord de la route, dans les voitures. Les membres du Hamas les ont tués puis ils ont brûlé les voitures. C'est vraiment horrible. (...) C'est quelque chose que l'on n'arrive pas à s'imaginer. On ne comprend pas comment il peut y avoir des gens avec si peu d'humanité", s'attriste Eliahou Michel Touboul, directeur de Zaka en France. La situation est parfois si compliquée, si "éprouvante" à gérer "que les bénévoles ont besoin d'une assistance psychologique. Nous avons des psychologues attitrés qui sont là pour ça."
La plupart des bénévoles "sont des religieux" et l'ONG a été fondée par des Israéliens ultra-orthodoxes. Sur le terrain, les bénévoles disent résister grâce à la "foi". "C'est ce qui leur permet de continuer, car tout le monde ne peut pas faire ça, voir autant de sang. Il faut être bien préparé pour affronter tout ça." Malgré la difficulté du travail à faire, Eliahou Michel Touboul affirme recevoir "beaucoup de coups de téléphone de France de gens qui veulent aider."
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