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Violences dans les villes mixtes d'Israël : "Les services de sécurité ne sont pas préparés à ces affrontements", selon un historien

Pour Vincent Lemire, l'Etat hébreu est dépassé par ces heurts entre communautés juives et arabes qui ont éclaté en début de semaine. Il pointe du doigt le rôle de l'extrême droite suprémaciste israélienne.

Article rédigé par franceinfo
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Une voiture de police incendiée après une manifestation d'Israëliens arabes à Lod (Israël), mardi 11 mai 2021. (- / AFP)

"Ce n'est pas seulement inhabituel, c'est inédit", réagit jeudi 13 mai sur franceinfo Vincent Lemire, historien spécialiste de Jérusalem, après des affrontements intercommunautaires dans plusieurs villes mixtes d'Israël. Le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, a ordonné des renforts "massifs" au sein des forces de sécurité dans ces communes où cohabitent populations juives et arabes. Ces violences ont éclaté après le début, lundi, d'échanges de tirs meurtriers entre l'armée israélienne et le Hamas.

franceinfo : Ces violences récentes au sein d'Israël sont-elles inhabituelles ?

Vincent Lemire : Ce n'est pas seulement inhabituel, c'est inédit. La guerre de Gaza suit un scénario connu, avec, peut-être, une extension au sol dans les jours qui viennent. Ce qui se passe dans les villes mixtes d'Israël, c'est absolument inédit. Il y a ces manifestations de l'extrême droite suprémaciste il y a quelques semaines qui avaient un peu mis le feu aux poudres. Il faut dire que cette extrême droite suprémaciste se sent complètement désinhibée. Pourquoi ? Parce qu'elle a des députés à la Knesset. Il y a une espèce de lâcher prise du côté de ces militants. Parce que c'est comme s'ils se sentaient légitimés. Et ils le sont puisqu'ils ont des représentants à la Knesset, le parlement israélien.

Qu'est-ce qui explique ces violences dans les villes mixtes d'Israël ?

Les services de sécurité israéliens ne sont pas préparés à ces affrontements. L'armée israélienne sait parfaitement mener une guerre à Gaza. Elle sait bien gérer des émeutes à Jérusalem. Ce qu'on a vu ces derniers jours, c'est des lynchages dans tous les sens et au milieu, qu'est-ce qu'on a ?

On a des policiers en scooter qui sont généralement des policiers de base. Il faut voir ce que c'est qu'un policier de base en Israël. Il fait la circulation, il n'a aucun moyen de faire face à ce genre de violences.

Vincent Lemire, historien

à franceinfo

Les services de sécurité israéliens n'aiment pas du tout être engagés dans une crise qu'ils n'avaient pas vu venir. C'est le syndrome de la guerre de Kippour. Israël n'aime pas être pris par surprise.

Benyamin Netanyahou est pris à revers par l'extrême droite qu'il a favorisée à des fins électorales ?

Cela peut aider de penser à Donald Trump. Ce sont des "proud boys" israéliens qui sont lâchés dans les rues aujourd'hui. C'est le même genre de stratégie, on fait ressortir le monstre de sa boîte en se disant que grâce à cela on va gagner les élections sur le fil. Le problème, c'est que ce sont des gens totalement incontrôlables. Dès qu'on les légitime ils ont le vent dans le dos.

Une des explications à ces violences inédites c'est peut-être la fin de la solution à deux États. Est-il impossible à deux peuples de vivre sur le même territoire ?

On est dans la fin de la solution à deux États. La fin de la solution à deux États a conduit aussi à une repolitisation et à une intégration des Palestiniens d'Israël, des Arabes israéliens à l'intérieur du jeu politique israélien. Ça a été vu aux élections précédentes : 15 élus sur la liste arabe unie, ce qui est énorme. Cela ne s'était jamais vu. Ça veut dire aussi que ces populations se mettent à voter. C'est évidemment un signe d'intégration. Il y a des attentes qui ont changé.

Il y a une population qui désormais a compris qu'elle était définitivement engagée dans cet État israélien binational de facto.

Vincent Lemire

à franceinfo

Elle a des représentants et elle a maintenant même un parti islamiste modéré, le parti Raam de Mansour Abbas, qui est parfaitement intégré au jeu électoral israélien. Donc, il y a des attentes qui ont changé. C'est une population qui n'est plus cantonnée aux marges de la société israélienne. On l'a vu pendant la crise du coronavirus. Énormément de Palestiniens d'Israël travaillent dans les hôpitaux, y compris les médecins, etc.

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