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"C'est une question de vie ou de mort" : avec la crise économique au Liban, même les riches patients n'arrivent plus à payer leurs soins médicaux

Au Liban, en raison de la crise financière, les banques limitent les retraits d'argent de leurs clients. Dans un pays où le système de santé est presque entièrement privé, certains patients, même fortunés, n'arrivent plus à payer leurs soins.
Article rédigé par franceinfo, Noé Pignède
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
L'entrée des urgences de l'hôpital Geitaoui de Beyrouth, en août 2021 (image d'illustration). (ANWAR AMRO / AFP)

Près de trois ans après l'explosion au port de Beyrouth, et alors que le Liban s'enfonce dans une crise financière depuis 2019, de nombreux patients n'arrivent plus à se faire soigner. Dans ce pays, le système hospitalier est presque entièrement privé et pour être admis aux urgences, il faut d'abord passer à la caisse. Mais les Libanais n'ont plus accès à leur épargne, et leur argent est bloqué dans les banques : ils ne peuvent retirer leurs économies qu'au compte-gouttes. Certaines personnes, pourtant fortunées, n'arrivent même plus à payer leurs soins.

>> Liban : "On doit choisir à quel patient donner le médicament selon la gravité"

C'est le cas, par exemple de Charlotte, 88 ans, atteinte d'un cancer. Elle est sous assistance respiratoire, au service de soin intensif de l’hôpital Mont-Liban de Beyrouth. Sa fille Véronique explique : "Elle a plusieurs choses à traiter qui nécessitent une chimiothérapie, mais il faut de l'argent, c'est une question de vie ou de mort. L'hôpital a arrêté les soins médicaux parce que chaque jour, elle doit payer 1 000 dollars".

Des retraits bancaires limités à 1 500 dollars par mois

D’après les médecins, cette somme pourrait permettre de soigner sa mère. Véronique devrait être capable de la payer, elle a un million de dollars sur son compte bancaire. Mais depuis la faillite du système bancaire, les épargnants libanais sont rationnés. Elle ne peut pratiquement plus retirer d'argent : "J'ai été à la banque pour récupérer mon argent, alors ils me donnent 1 500 dollars par mois. Mais moi, j'ai besoin de 1 000 dollars tous les jours, rien que pour traiter ma mère. Les banques sont en train de tuer ma mère."

Véronique a tenté plusieurs fois de négocier avec le patron de sa banque, mais il n’a rien voulu entendre malgré l’urgence : "Je suis très en colère, je n'arrive plus à vivre, je pleure toutes les nuits. J'ai peur qu'elle se fasse virer de l'hôpital. Accepteriez-vous ça pour votre mère ?"

"On ne laisse jamais un patient mourir sans soin"

Des cas comme celui-ci, la docteur Nour Garrios en voit passer des centaines depuis le début de la crise économique. Mais la directrice médicale adjointe de l’hôpital avoue son impuissance : "On fait tout ce que l'on peut lorsque c'est urgent, on ne laisse jamais un patient mourir, sans soin. Mais ce qu'il se passe d'habitude, c'est que pour des patients comme ça, la facture devient très élevée. Parfois, ils décident de mourir chez eux parce que ça les stresse. Ils ont travaillé toute leur vie, et toutes leurs économies se sont volatilisées, ils ne peuvent plus payer leurs médicaments."

La docteur Nour Garrios poursuit : "On essaie de développer une association caritative pour ces patients, on fait ce que l'on peut". Une solidarité financière dont tente de bénéficier Véronique, dernier espoir que sa mère puisse survivre.

Le reportage de Noé Pignède à Beyrouth, au Liban

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