Irak : à Mossoul, retour difficile à la vraie vie dans la partie pourtant libérée de l'Etat islamique
A Mossoul, la bataille contre les jihadistes, lancée il y a quatre mois, marque actuellement une pause. La vie reprend peu à peu dans les quartiers libérés, comme en témoignent lundi des habitants de cette ville du nord de l'Irak.
Les troupes irakiennes ont lancé le 17 octobre 2016 une vaste offensive pour reprendre à l'État islamique la ville de Mossoul. La bataille marque une pause qui permet à des quartiers libérés de retrouver une vie quotidienne plus habituelle, comme en témoignent lundi 13 février, des habitants de cette ville du nord de l'Irak.
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Misère dans les quartiers Est de Mossoul libérés des jihadistes de Daech #Irak pic.twitter.com/Ay7OwrxvFO
— Omar Ouahmane (@ouahmane_omar) 6 février 2017
Mossoul, une ville coupée en deux
A l’ouest, se situent les quartiers toujours contrôlés par le groupe Etat islamique et à l’est, ceux libérés par l’armée irakienne et ses alliés. Dans ces secteurs de l'est de la ville, les habitants, soulagés par le départ des jihadistes, vivent au milieu des ruines comme ici dans le quartier de Hay Mouthana où Youssef est resté durant les combats. Cet habitant explique qu'il était chez lui au moment où les attaques ont commencé. Il montre l'endroit où voiture piégée a explosé. "On sent encore l'odeur du kamikaze", déclare Youssef, qui se plaint de ne pas obtenir d'aide du gouvernement pour sa maison détruite. "On a a perdu tous nos biens, qui va nous dédommager ?" demande-t'il.
Cette question revient souvent dans ces quartiers libérés dans la souffrance et aux prix d’énormes destructions. Des dizaines de milliers d’habitants sont désormais privés d’électricité et d’eau potable. Maher a creusé un puits dans son jardin. "On fait tout avec cette eau", dit-il. Ce père de famille explique que les enfants sont malades et qu'ils ont la diarrhée.
Sans autre solution, nous sommes obligés de boire cette eau sale. Les canalisations ont été détruites par les bombardements.
Maher, un habitant de Mossoul
Au milieu de ce chaos, une rentrée scolaire
Durant l’occupation par le groupe Etat islamique, de nombreuses écoles de Mossoul avaient fermé leurs portes, faute de professeurs. D'autres établissements étaient dans l’obligation d’enseigner le maniement des armes ou encore la fabrication d’engins explosifs. C'est pourquoi de nombreux parents, comme Amina, ont préféré garder leurs enfants à la maison. À présent, la mère de famille se réjouit de la réouverture des écoles. Elle a même du mal à croire à cette très bonne nouvelle "pour des enfants qui ont passé deux ans à jouer, mais sans sortir".
Warda, directrice d’une école du quartier Zouhour, estime que les enfants suivis à la maison par leurs parents auront moins de problèmes. En revanche, elle s'inquiète de leurs traumatismes et du faible niveau des autres élèves, privés de scolarité à cause du groupe Etat islamique.
Tous ces enfants ont vécu dans la peur, la terreur. On doit tout reprendre à zéro.
Warda, directrice d'écoleà franceinfo
Le retour aux achats et aux plaisirs interdits
Des habitants retrouvent la cigarette ou les produits de beauté. Hassan possède une boutique dans le quartier Tamim où sa clientèle féminine est de retour. "C'est fini, il n'y a plus d'interdits, c'est la démocratie", s'exclame le commerçant. Les ventes ont repris, "ce qui était impossible à cause de la police religieuse de l'Etat islamique, chargée d'appliquer la charia". Hassan explique qu'il ne pouvait pas vendre de produits de maquillage, mais il assure que ses clientes sont revenues, et même "plus nombreuses qu'avant".
La tentation de quitter Mossoul définitivement
Mais tous les habitants de Mossoul ne comptent pas rentrer chez eux et notamment les chrétiens. Ils étaient près de 50 000 avant l’arrivée du groupe jihadiste en juin 2014, qui les a tous expulsés.
Avec des chrétiens venus voir l'état de leur maison à Mossoul . Sur le mur est écrit : propriété de "l'état islamique" suivi du ن #Irak pic.twitter.com/VastBd3edJ
— Omar Ouahmane (@ouahmane_omar) 10 février 2017
Imad Faraj est revenu dans son quartier de Hay Soukar voir l’état de sa maison après deux ans et demi d’absence. Son habitation a été occupée par une famille de l'Etat islamique, puis des déplacés s'y sont installés. "Je les ai appelés pour leur demander de partir. Cette maison était en bon état. Tout a été saccagé et pillé." Imad explique que les gens ont commencé à fuir à l'arrivée des jihadistes, qui s'en sont pris ensuite aux chrétiens. "Ils nous ont menacés et on a tous quitté Mossoul." Imad se dit prêt à quitter "sa terre", parce qu'il a peur. Il a fait une demande pour aller en France.
Même si c'est notre terre, notre place n'est plus ici, nous n'avons plus confiance.
Imad, chrétien de Mossoulà franceinfo
Comme Imad, de nombreux habitants de Mossoul, chrétiens mais également musulmans ne font plus confiance à l’armée irakienne pour les protéger. Ils se souviennent tous du jour où elle les a abandonnés.
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