Ils sont partis de l'Eure ou de l'Aude pour la Syrie : le parcours des jihadistes français
Deux Français apparaissent sur une vidéo d'exécutions diffusée par l'Etat islamique, mais ils ne sont pas les seuls à combattre dans les rangs de cette organisation armée. Voici comment ces jeunes ont basculé dans le jihad.
Ils ont quitté les prairies normandes ou le paysage urbain de la région parisienne pour les terrains de guerre en Syrie. Maxime Hauchard et Michaël Dos Santos font partie des bourreaux de l'Etat islamique : les deux hommes apparaissent dans une vidéo d'exécutions diffusée par l'organisation, dimanche 16 novembre.
Comme eux, 376 Français impliqués dans les filières jihadistes se trouvent
actuellement en Syrie et en Irak, d'après le dernier décompte rendu public par les autorités, qui évoquent un phénomène national. De Grenoble (Isère) à Bosc-Roger-en-Roumois (Eure), de Lézignan-Corbières (Aude) à Avignon (Vaucluse), "80% des départements français sont touchés", explique au Figaro (article payant) le préfet Pierre N'Gahane. Responsable du volet prévention du plan gouvernemental de lutte contre la radicalisation et les filières jihadistes, il précise à Libération (article payant) que les familles des classes intermédiaires et supérieures ne sont pas épargnées.
Francetv info revient sur les parcours de ces hommes et de ces femmes qui se sont convertis au jihad, souvent à la surprise de leurs proches.
"On leur a retourné le cerveau"
Pascal Hauchard est formel : c'est bien son neveu, Maxime, que l'on voit sur la
vidéo de décapitations des jihadistes de l'Etat islamique. Et pourtant, l'homme est incrédule. "Je n'y crois pas à ce truc-là, confie-t-il à BFMTV. Ce n'est pas mon neveu qui a coupé une tête, c'est pas possible. Il ne ferait pas de mal à une mouche." Cette incompréhension revient régulièrement dans les témoignages des proches de ces hommes et de ces femmes qui ont basculé dans l'islam radical alors que rien, en apparence, ne les y prédestinait. Ils évoquent "l'endoctrinement", "la prise d'otages" dont ont été victimes ces néo-jihadistes, pour certains élevés dans des familles musulmanes, pour d'autres convertis.
"On leur a complètement retourné le cerveau", assure Etienne, le père de Gilles, 33 ans, mort au combat en Syrie. Né à Cognac (Charente), le jeune homme s'est converti à l'adolescence, suivi plus récemment par son aîné Etienne, avec lequel il est parti en juin 2014, raconte Sud Ouest. Les deux frères changent de nom pour se faire appeler Bilal et Abdallah. Leurs grands-parents étaient pourtant des catholiques très pratiquants, précise leur tante au quotidien régional.
"Elle avait une double vie"
Nora, elle aussi, était "une gamine normale", confie son frère. Elevée dans une "tradition [musulmane] paisible et sereine", l'adolescente de 15 ans a pourtant quitté sa cité de Champfleury, à Avignon (Vaucluse), raconte BFMTV. "Elle allait au cinéma ou au restaurant avec ses copines, affirme son frère aîné Fouad à France Bleu Vaucluse. Mais ce qu'on ne savait pas, c'est qu'elle avait une double vie : double compte Facebook, double numéro de téléphone, double tenue vestimentaire. On s'est fait avoir par des monstres."
Dans le quartier sensible de la Villeneuve, à Grenoble (Isère), la sœur de Dyhia évoque également le rôle d'internet dans la radicalisation de la jeune fille de 19 ans. Elevée dans une famille d'origine algérienne, non pratiquante, Dyhia est partie fin novembre, détaille Le Parisien. D'abord entraînée par son petit ami, elle a "basculé dans l'intégrisme". "Enfermée dans sa chambre, elle passait tout son temps sur des sites internet consacrés au jihad, à la guerre en Syrie", assure sa sœur. Elle finit par partir en Syrie avec une Marocaine de 19 ans, rencontrée sur la toile.
"Là-bas, tu peux servir à quelque chose"
A ces jeunes, les recruteurs ont souvent fait miroiter un engagement utile. "Dans le quartier où j'habitais, on était tous un peu perdus parce qu'on ne faisait rien de nos vies, raconte Mehdi, jihadiste repenti, à France 2. Eux se servent de ça. (...) Moi je ne connaissais même pas le conflit syrien. Ils te montrent des vidéos, les femmes qui pleurent, demandent de l'aide... (...) Tu te poses la question : 'Mais je sers à quoi, moi ?' Y a ceux qui t'embobinent et te disent : 'Regarde, là tu sers à rien, là-bas, tu peux servir à quelque chose."
Sarah aurait également été convaincue par ce type de discours. L'adolescente a quitté en mars le domicile familial de Lézignan-Corbières (Aude), après plusieurs mois de relations difficiles avec sa famille, raconte l'agence Associated Press (en anglais) : après avoir voulu porter le voile, la jeune fille a quitté l'école pendant six mois et s'est enfermée dans sa chambre avec son ordinateur. D'après son frère, les jihadistes évoqueraient un engagement humanitaire auprès des potentiels candidats au départ. "Ces derniers temps, lorsque Sarah voyait un reportage à la télé qui traitait de la Syrie, elle disait que ce serait bien de faire de l'humanitaire", confie-t-il à La Dépêche du Midi.
"Il voulait aider le peuple syrien"
C'est ainsi que Bilel, étudiant en licence d'économie à Grenoble (Isère), vantait ses actions en Syrie. Après avoir cherché des réponses dans l'islam à la suite d'une rupture sentimentale difficile, le jeune homme de 23 ans s'est radicalisé et a pris la direction de Homs, raconte France Bleu Isère. "Mon frère avait la tête sur les épaules", assure sa sœur, qui se dit "fière de lui" : "Il disait qu'il voulait aider le peuple syrien en apportant des médicaments et de la nourriture et aussi en combattant le régime de Bachar Al-Assad." Bilel a finalement succombé à une balle dans le cœur à la mi-février. Au total, au moins 36 Français ont déjà trouvé la mort en Syrie et en Irak.
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