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La question des "enfants de Daech" retenus en Syrie se pose aussi en Tunisie

Que faire des femmes et des enfants étrangers liés à l'Etat islamique (Daech) et retenus dans des camps en Syrie, sous contrôle kurde? La question ne se pose pas qu'en France. Elle fait aussi l'objet de débats en Tunisie où l'ONG Human Rights Watch accuse les autorités de tarder à rapatrier les enfants. 

Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Deux femmes, présentées comme des épouses de combattants de l'Etat islamique, dans le camp de al-Hol dans le nord-est de la Syrie, le 7 février 2019. (FADEL SENNA / AFP)

"Les responsables tunisiens ont tardé à faciliter le retour d’enfants tunisiens qui sont actuellement détenus sans inculpation à l’étranger, dans des prisons ou des camps mis en place pour les familles de membres de l’État islamique (EI), ou Daech", a dénoncé Human Rights Watch le 12 février 2019.

Environ 200 enfants et 100 femmes se réclamant de la nationalité tunisienne sont détenus à l’étranger sans inculpation, parfois depuis deux ans, en tant que membres de la famille de combattants de l’EI. Ils se trouvent essentiellement en Syrie et dans la Libye voisine, et pour certains en Irak, selon les chiffres de l'ONG.

La Tunisie a en effet été un gros pourvoyeur de combattants étrangers dans les rangs de Daech, tant au Proche-Orient qu'en Libye. 

"Les préoccupations légitimes portant sur la sécurité ne donnent pas aux gouvernements le droit d’abandonner leurs ressortissants"

Aujourd'hui, les troupes de l'Etat islamique sont quasiment détruites et les forces kurdes (FDS, Forces démocratiques syriennes) détiennent de très nombreux combattants de Daech de toutes nationalités ainsi que leurs familles.

"Les préoccupations légitimes portant sur la sécurité ne donnent pas aux gouvernements le droit d’abandonner leurs ressortissants, notamment les jeunes enfants, détenus à l’étranger sans inculpation, dans des prisons et des camps sordides", a déclaré Letta Tayler, chercheuse sur les questions liées à la lutte antiterroriste à Human Rights Watch. 

La question embarrasse les autorités tunisiennes, au même titre que celles d'autres pays, d'autant que la Tunisie a vécu le terrorisme sur son sol et que le poids des islamistes reste important dans la vie politique. Elle est notamment problématique en ce qui concerne les combattants (qui "de retour au pays, constituent une menace réelle pour la sûreté de l’Etat", selon le directeur de la lutte contre le terrorisme, le colonel Saber Souidi). Mais elle semble aussi difficile pour les femmes et les enfants.

Ce problème se pose concrètement avec le cas des enfants tunisiens en Libye dont les parents, membres de Daech, ont été tués lors de raids américains. Au point que Tunis a envoyé une équipe de la police scientifique "pour identifier des mineurs tunisiens qui seraient les enfants des combattants du groupe État islamique" afin de "préparer leur rapatriement vers la Tunisie", rapporte Middleeasteye.

Pour l’amour de Dieu, sauvez les enfants de la destruction

Une mère détenue en Libye

Human Rights Watch

Le président de l’Observatoire tunisien des droits de l’Homme (OTDH), Mustapha Abdelkebir, estime que six enfants tunisiens, retenus en Libye, devraient être rapatriés. Plus tôt en janvier, "le président de l’Association de sauvetage des Tunisiens coincés à l’étranger, Mohamed Ikbel Berjab, avait appelé les gouvernements libyen et tunisien à prendre des mesures et à coopérer pour rapatrier 73 enfants tunisiens se trouvant en Libye", notait le site tunisien Tunis Webdo le 28 janvier dernier 

Interrogé par HRW, le gouvernement tunisien a déclaré que "la Tunisie (attachait) une importance particulière" au cas des enfants détenus, étant "fermement convaincue de la valeur des droits humains".

L'ONG rappelle à ce propos que "le droit international relatif aux droits humains dispose que tout le monde a droit à une nationalité et que personne ne peut être arbitrairement déchu de la sienne. Les pays ont la responsabilité de veiller à ce que des enfants ne soient pas privés de ce droit".

6 500 Tunisiens seraient partis en Syrie

Selon HRW, "on estime que 2 000 enfants et 1 000 femmes de 46 nationalités sont détenus dans les prisons d’Irak et de Libye ainsi que dans trois camps du nord-est de la Syrie – Roj, Aïn Issa et al-Hol – à cause de leurs liens familiaux avec des membres de l’EI".

La question est sensible en Tunisie, puisque plusieurs milliers de Tunisiens seraient partis sur les différents théâtres d'opération djihadistes. D’après les autorités tunisiennes, un peu moins de 3 000 de leurs ressortissants sont partis à l’étranger pour rejoindre l’EI. Deux diplomates occidentaux ont confié à Human Rights Watch qu’ils pensaient que leur nombre était bien plus élevé : jusqu’à 6 500 Tunisiens seraient partis en Syrie et 1 000 à 1 500 autres en Libye. Il s’agit d’un des taux par habitant les plus élevés du monde.

Dans ce total, il y aurait quelque 1 000 femmes. Même si ce chiffre ne fait pas la distinction entre celles qui ont elles-mêmes rejoint les rangs de l’EI et celles qui ont accompagné leur époux. Le dossier est loin d'être clos.

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