Le délicat vocabulaire de Hollande pour défendre les frappes en Syrie
Pour convaincre du bien-fondé de l'intervention en Syrie, les mots sont choisis avec précision. Pierre Babey, spécialiste défense de France 3, analyse les termes utilisés par les militaires et le président Hollande.
Alors que les députés débattent, mercredi 4 septembre à l'Assemblée nationale, de l'opportunité d'une action militaire française en Syrie, le président de la République tente toujours de convaincre. La veille, François Hollande a pris une nouvelle fois la parole pour expliquer ses motivations.
De la piqûre d'insectes à la lutte finale, le président de la République emploie une panoplie de réponses militaires. Tout est dans le verbe utilisé pour qualifier son action. Petite analyse du vocabulaire choisi.
Punir. C'est frapper là où le régime syrien stocke ses armes chimiques, c'est-à-dire "l'unité 450", le site d'Al Safira. Une punition tardive, mais à portée d'un raid de l'aviation française (seule) avec Scalp (missile de mi-croisière de 300 km de portée), Awacs français (surveillance aérienne) et ravitailleurs, nationaux ou alliés.
Affaiblir. C'est attaquer des cibles militairement significatives, comme la brigade de défense aérienne d'Alep, les batteries de missiles menaçant les pays voisins. C'est l'affaire des missiles américains que la Françe ne possède pas. Le soutien français à cette action consiste en une couverture antiaérienne de la Frégate française Chevalier-Paul, des interceptions des SNA (sous-marins nucléaires d'attaque, deux sur zone) et du navire espion Dupuy-de-Lôme.
Epauler. Il s'agit de soutenir une manœuvre ponctuelle ou générale avec les forces d'opposition. Celles en tous cas exemptes de militantisme jihadiste. Cet appui impose des "sorties" aériennes ponctuelles mais nombreuses, non plus au départ de la métropole, mais d'une base plus proche, voire du Charles de Gaulle.
Détruire. C'est le mot tabou, la lutte à mort contre le régime, en cas de véritable guerre. Les différentes phases d'attaque contre les radars, bases, casernes, centres de commandement. Des actions très fortement consommatrices de moyens aériens, et dangereuses dans un espace aérien très hostile. Elles n'impliquent pas de troupes françaises au sol, mais des forces clandestines (DGSE) ou spéciales (commandos) aux côtés de résistants triés sur le volet. Ce verbe qui ne fait pas partie du vocabulaire officiel.
Savoir et anticiper. Deux autres verbes majeurs dans le vocabulaire présidentiel. Le renseignement des satellites et des drônes est satisfaisant, au contraire du renseignement humain, insuffisant pour évaluer la capacité d'adaptation de l'appareil militaire du régime et la solidité des mouvements de résistance. Anticiper, c'est prévoir à l'avance le degré réel du soutien russe. Les bâtiments au large de la base russe de Tartous sont exactement disposés en rideau d'alerte avançée. Leur capacité de nuisance réelle sera décidée à Moscou. D'où le dernier verbe de la panoplie du président : discuter (peut-être avec le président Poutine, lors du G20 à Saint-Petersbourg qui débute jeudi).
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