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"On voit bien qu'il est prisonnier" : le rédacteur en chef de "19h le dimanche" s'explique après l'interview d'un jihadiste français

Dimanche soir, France 2 a diffusé un reportage dans lequel Yassine, originaire de Lunel (Hérault), explique pourquoi il a rejoint la Syrie. Une séquence qui a suscité des questions, notamment en raison de la présence et de l'intervention de son geôlier.

Article rédigé par franceinfo - Propos recueillis par Juliette Campion
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
19H LE DIMANCHE / FRANCE 2 (CAPTURE ECRAN / 19H LE DIMANCHE / FRANCE 2)

"Tu penses que ça va être aussi facile que ça de rentrer chez toi, après avoir été avec l'Etat islamique ?" La scène, extraite de l'émission "19h le dimanche", présentée par Laurent Delahousse et diffusée dimanche 21 janvier, est glaçante. Dans cette séquence tournée en Syrie, un jihadiste français, Yassine, soupçonné d'avoir combattu pour Daech, répond calmement aux questions des journalistes, quand il est interrompu par son geôlier. Ce dernier prend la parole, en français, de manière complètement inattendue. 

Cette scène a soulevé des interrogations sur les réseaux sociaux. Franceinfo a interrogé Jean-Michel Carpentier, rédacteur en chef de "19h le dimanche". Il revient sur la façon dont a été préparé ce reportage. 

Franceinfo : Comment vos équipes ont-elles rencontré celui qui est appelé Yassine dans le reportage ? 

Jean-Michel Carpentier : Cette interview remonte à avant Noël. On a pris des garanties avant de sortir le sujet, pour être sûrs de ce qu'on diffusait. Fabien Lasserre et Edouard Manet étaient partis au Kurdistan avec les filières dont on disposait, en restant discrets. L'idée était de rencontrer les prisonniers de l'armée kurdisto-syrienne. Une fois là-bas, on parle avec les gens et quand ils nous font confiance, on y va !

Ils ont rencontré plusieurs personnes et c'est Yassine, manifestement, qui avait le plus envie de parler. Ils ont senti que certaines personnes n'étaient pas en situation de s'exprimer mais lui, si. Il a immédiatement accepté que nous l'interrogions. On a très peu coupé cette interview. A aucun moment il n'a dit : "Je ne veux pas parler de ci ou de ça".

Certains vous reprochent d'avoir diffusé une interview d'une personne sous contrainte. Que répondez-vous ? 

Bien sûr, on souhaitait faire en sorte que ce jihadiste ne soit pas reconnu : c'est lui qui voulait. On l'a précisé à l'antenne. Editorialement, on a l'autorisation de donner la parole à des personnes emprisonnées. Ce reportage a été validé par la direction de l'information de France Télévisions. Mais il faut jouer cartes sur table : le moins que l'on puisse dire dans ce reportage, c'est que l'on voit qu'il est prisonnier. Le contexte le rappelle. J'avais bien dit aux deux journalistes : "Ne faites pas comme s'il était au café".

Yassine n'est pas idiot, il sait ce qu'il dit. Donc ses propos sont intéressants, mais il ne faut pas prendre pour argent comptant tout ce qu'il raconte : c'est aussi dans son intérêt de s'exposer, peut-être pour se protéger... Il est certes prisonnier de guerre mais il est en même temps dans une idéologie très manipulatrice.

Aviez-vous prévu que ça allait tourner à la discussion avec le geôlier, français, appartenant aux forces kurdes ? 

Absolument pas. Et bien sûr, le prisonnier ne s'y attendait pas non plus ! Il était plutôt serein pendant l'interview, mais, quand on regarde la séquence, on voit qu'il a été surpris par l'intervention du combattant français.  

Regardez la façon dont il se retourne : il ne savait même pas que le type parlait français.

Jean-Michel Carpentier

à franceinfo

Fabien et Edouard aussi ont été surpris. Heureusement, ils savent faire leur métier et ont bien réagi : ils n'ont rien interrompu et ont laissé l'échange se faire. Comme d'habitude, on avait deux caméras, donc le geôlier kurde était bien dans notre champ de vision. C'est après que les journalistes ont tourné des images de son visage.

Si l'on entend aussi bien ses propos, ce n'est pas parce que le geôlier était équipé de micros mais parce qu'il y avait un bon son dans la pièce. C'est grâce à cette séquence qu'on a tourné toute la partie du reportage (à partir de 17'30") où on le suit en train d'inspecter les décombres des anciens logements des étrangers de l'Etat islamique, où il apparaît à visage découvert. 

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