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Syrie : "La proposition russe est une manœuvre pour empêcher des frappes militaires"

La Russie a suggéré de placer l'arsenal chimique syrien sous contrôle, afin d'éviter les frappes occidentales contre le régime. L'analyse du chercheur Olivier Lepick, spécialiste en armes chimiques. 

Article rédigé par Hervé Brusini - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Le président russe, Vladimir Poutine, lors d'une réunion avec les membres du Conseil de sécurité russe, le 9 septembre 2013 à sa résidence de Novo-Ogaryovo, près de Moscou (Russie). (MICHAEL KLIMENTYEV / RIA NOVOSTI / AFP)

Moscou tente de reprendre la main dans le dossier syrien. Lundi 9 septembre, la Russie, principale alliée du régime de Bachar Al-Assad, a proposé de mettre sous contrôle l'arsenal chimique de Damas. Ce coup de théâtre a bousculé toute la communauté internationale, qui se retrouve divisée sur une éventuelle action militaire en Syrie.

Pour Olivier Lepick, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique interrogé par francetv info, il s’agit d’une "redoutable manœuvre qui met peut-être fin à la perspective de frappes militaires".

Francetv info : Jugez-vous réaliste la proposition faite par la Russie ?

Olivier Lepick : Elle est particulièrement habile. Je dirais même diaboliquement habile. Car elle a l'apparence du bon sens, elle semble constructive. Et cela parce qu'elle intervient à un moment ou Obama et Hollande font face à de grandes difficultés pour obtenir le soutien de leur Parlement comme de leur opinion publique. En tout cas, une première conséquence est claire : les frappes sont remises à plus tard, si toutefois elles ont lieu un jour.

Vous disiez que la proposition "semblait" constructive, pourquoi cette réserve ?

Parce que tout le monde mesure son caractère dilatoire. Et malgré les déclarations officielles, Washington et Paris sont parfaitement conscients de cet aspect des choses. Cela explique les mots "attention" et "prudence" actuellement utilisés par les politiques.

La mise en œuvre de cette proposition soulève en effet d’énormes difficultés. D’abord, mettre "sous contrôle" international un arsenal dans un pays en guerre civile, c’est sans précédent. Au passage, on peut constater que la Syrie comme la Russie reconnaissent l’existence de ces armes chimiques que jusqu’ici l’une et l’autre niaient.

Ensuite, qui assurerait ce contrôle ? Des casques bleus de l’ONU ? Matériellement, il faudrait au moins quatre mois à un an pour recenser les lieux où sont stockées ces armes. L'accès physique sur le terrain est également indispensable, mais comment y accéder alors que l'on se bat ville par ville, quartier par quartier ?

On parle aussi d’une destruction de ces stocks d’armes ?

C'est la seconde phase, encore plus théorique. Il faudrait plus d'une décennie pour y parvenir. Russes et Américains ont commencé à éliminer leurs stocks en 1993. Les premiers, qui possédaient 40 000 tonnes d’armes chimiques, et les seconds, qui en avaient 30 000, ne sont toujours pas parvenus à supprimer définitivement ces énormes quantités, car cela pose d’énormes problèmes techniques, de sécurité… Dans le cas de la Syrie par exemple, il faudra tout détruire sur site et bâtir des usines ad hoc, car les armes sont intransportables, non manipulables.

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