Témoignage "Être jugé, c'est mieux que la situation dans laquelle on est", confie un ex-haut responsable marocain de Daech devant la justice autonome kurde

En Syrie, faute d'être rapatriés par leur pays d'origine, quelque 12 000 djihadistes emprisonnés vont être jugés par les tribunaux autonomes kurdes. Mohammed Bergich est l'un d'eux.
Article rédigé par franceinfo - Théo Renaudon
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
Quelque 12 000 djihadistes sont toujours emprisonnés en Syrie, et attendent d'être jugés. (REUTERS / GORAN TOMASEVIC)

En 2014, l'organisation Daech proclamait un califat en Syrie et en Irak. Le groupe terroriste avait alors attiré dans ses rangs des milliers de combattants, venus parfois de l'étranger. Dix ans plus tard, 12 000 djihadistes étrangers sont emprisonnés en Syrie. Leurs pays d’origine refusent de les rapatrier. Ils n’ont donc toujours pas été jugés. C’en est trop pour les Kurdes de Syrie. Leur administration, autonome, a annoncé vouloir les juger eux-mêmes.

Parmi eux, il y a Mohammed Bergich. Le djihadiste marocain, cheveux poivre et sel, qui a rejoint Daech en 2013, arrive escorté, les yeux bandés et des menottes aux mains dans les bureaux des services secrets kurdes. Considéré comme l'un des propagandistes de l’État Islamique, il est prisonnier depuis la chute du califat, à Baghouz, en Syrie, en 2019.

Coupé du monde depuis des mois, il découvre que les Kurdes voulaient le juger lors de son interview à franceinfo. Un jugement qui, selon Mohammed Bergich, "ne s'applique pas avec la charia islamique".

"C'est mon chemin..."

"Pour nous, ce sont des jugements qui ne sont pas légitimes. Le fait de demander un jugement, c'est de la mécréance dans notre religion", rétorque-t-il. Avant de poursuivre : "Mais, globalement, être jugé, c'est mieux que la situation dans laquelle on est, où on n'a pas d'information, pas de visite... Moi, j'étais un haut responsable de Daech. Ça ne me gêne pas si je suis jugé et condamné à 20, 25 ans, la perpétuité, ça ne me gêne pas. C'est mon chemin", explique-t-il.

L'homme explique aussi, au micro de franceinfo, ne pas avoir de ressentiment vis-à-vis de son pays d'origine, le Maroc, qui ne l'a pas rapatrié. "Le jour où j'ai laissé mon pays, je n'avais pas l'intention de revenir. J'en suis sorti sans prendre l'autorisation de Mohamed VI", lance-t-il, bien que des demandes de rapatriements pourtant aient été effectuées depuis cinq ans par les autorités locales et toutes restées sans réponse.

C’est aussi cela qui a conduit les Kurdes de Syrie à vouloir juger eux-mêmes ces djihadistes étrangers. "Nous avons des lois et des tribunaux pour lutter contre le terrorisme, martèle Fana Al-Gayyat, chef de la diplomatie du Nord-Est Syrien. Ils commencent tout juste la préparation de ces dossiers. Certains dossiers ont déjà été soumis aux tribunaux locaux, qui ont leur propre mode de gestion. Notre objectif est de punir ces criminels et surtout de rendre justice aux victimes", explique-t-il. La peine de mort a été abolie au nord-est de la Syrie. Les condamnations vont donc jusqu’à la perpétuité.

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