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Guernesey: quand la maison de Victor Hugo fait peau neuve

Le bailliage de Guernesey: une île britannique à quelques encablures des côtes françaises, quelque peu oubliée de l’Histoire. C’est là que l’écrivain Victor Hugo a vécu en exil avec sa famille de 1856 à 1870. Sa maison, Hauteville House, est aujourd’hui un musée. Un musée… propriété de la ville de Paris! Laquelle s’apprête à la restaurer.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min

Victor Hugo. L’un des plus célèbres écrivains français. Le farouche adversaire de la peine de mort. Celui qui, dès le XIXe siècle, appelait de ses vœux «une unité supérieure» des peuples d’Europe. En 1852, le littérateur, toujours très politique, se décide à quitter la France, anticipant des difficultés liées à la publication de son pamphlet Napoléon le petit. Ce «petit», alias Louis Napoléon Bonaparte et neveu du «grand Napoléon», vient de s’emparer du pouvoir par son coup d’Etat du 2 décembre 1951.

Dans un premier temps, il trouve refuge à Jersey. Trois ans plus tard, il est chassé de l’île. Motif: il a «défendu par voie de presse la liberté d’expression de journalistes critiques à l’égard de la reine Victoria», raconte La Croix.

Il doit se résoudre à quitter Jersey pour Guernesey. Un territoire de 78 km2, bien petit pour l'immense écrivain... Il se raconte qu’à son arrivée, une malle a failli choir dans la mer. Celle transportant ses manuscrits…

Hugo va acheter une maison sur les hauteurs de Saint Peter Port, seule demeure dont il a vraiment été propriétaire. Une maison sur cinq niveaux surmontés d’un belvédère. Il va y vivre jusqu’à son retour d’exil en 1870.

Ces années déterminantes ont largement forgé sa stature politique. Et renforcé l’image de l’écrivain républicain engagé, opposant farouche à Napoléon III. C’est là qu’il va rédiger des œuvres majeures comme Les Misérables (1862) et Les Travailleurs de la mer (1866).


Pour Hugo, l’architecture est «une pensée écrite en pierre». Se prenant au mot, il a lui-même aménagé la maison. «Hauteville House est une ‘‘œuvre d’art totale’’ à travers laquelle (il) exprime toute sa créativité et sa modernité», explique le dossier de presse consacré à la restauration. En avance sur son temps, il a ainsi fait réaliser dans l’édifice une serre à deux étages, à la fois atelier et jardin d’hiver. Tout en haut, il a fait construire une pièce entièrement vitrée, baptisée le «look-out» (point d’observation). De la lumière avant toute chose…

«Grand poète, pas forcément bon ingénieur»
Il s’avère aujourd’hui que l’édifice a subi des dégradations «qui sont un peu de la faute de Victor Hugo lui-même, grand poète et bon dessinateur, pas forcément bon ingénieur», s'amuse Gérard Audinet, directeur des deux maisons de l'écrivain (avec l’appartement de la place des Vosges à Paris), interrogé par l'AFP. Ce dernier avait en effet fait couper des morceaux de toit pour l’aménagement de la serre. Problème: ces travaux mal faits ont provoqué des infiltrations d'eau dans plusieurs pièces…

Aujourd’hui, Hauteville House doit subir un toilettage en profondeur. Les travaux de restauration permettront de retrouver l’aspect historique de la demeure, connue grâce à des images anciennes. Et de remettre en place les décors conçus par Victor Hugo. Ils doivent commencer dès 2017 et se terminer deux ans plus tard. Coût estimé: deux millions d’euros. Une somme qui sera prise en charge par le propriétaire, en l’occurrence la Ville de Paris, le mécénat et le financement participatif (crowdfunding).

De leur côté, les autorités de l’île, qui ne fait pas formellement partie du Royaume-Uni mais est placée sous la souveraineté de Sa Majesté la Reine (tout en rédigeant ses propres lois!), voient d’un bon œil la restauration du monument. Avec ses 20.000 visiteurs par an, Hauteville House ne peut que contribuer à la fréquentation touristique. Une fréquentation que Guernesey, durement touchée par la crise financière de 2008, cherche à promouvoir. D'autant que le territoire doit générer d’autres revenus pour se débarrasser de son image de paradis fiscal.

«Je suis curieux de voir si les pierres anglaises sauront défendre un proscrit français. L’expérience est curieuse et vaut la peine d’être faite», écrivait Victor Hugo en arrivant dans l’île. Un siècle et demi après, l’expérience a montré que ledit «proscrit français» avait été bien défendu. Et qu’à leur tour, les Français savent défendre les «pierres anglaises».

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