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Les étranges vols des bombardiers russes au-dessus de la Manche
Nous revoilà en pleine Guerre froide, dans les années 60, quand les pseudo-chalutiers russes espionnaient les activités de l’Ouest à la limite des eaux territoriales. Cette fois, c’est son aviation que la Russie envoie à répétition près de l’espace aérien de l’Otan.
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En octobre 2014, l’Otan parlait d’une activité inhabituelle d’avions russes au-dessus de l’Atlantique, de la mer Baltique et aussi de la mer Noire, et cela dans un contexte de tension dans les relations est-ouest.
Ainsi donc, les avions de l’Otan ont régulièrement décollé pour «accompagner» des bombardiers russes qui flirtaient avec l’espace aérien souverain des pays membres de l’organisation.
A chaque fois, il s’agissait de Tupolev Tu-95, symboles de la Guerre froide, bombardiers lourds à hélices, nom de code Otan Bear, dont vitesse et furtivité ne sont pas les qualités essentielles.
Le Bear a ainsi la réputation d’être l’avion le plus bruyant au monde.
Du reste, la discrétion ne semblait pas réellement recherchée par l’équipage russe. La plus importante escadrille a été repérée près de la Norvège, composée de quatre bombardiers et d’autant d’avions ravitailleurs.
Intervention franco-britannique
Fin janvier, puis mi-février 2015, c’est près des côtes britanniques que l’aviation russe s’est promenée. Deux Bears ont survolé la Manche. Repérés d’abord en Norvège, ils ont poursuivi leur route, doublant l’Irlande par l’ouest. C’est le retour au bercail qui a commencé à énerver les contrôleurs de la Royal Air Force.
En effet, les Russes ont choisi de remonter la Manche, frôlant la côte anglaise (40 km). Les chasseurs britanniques Typhoon et même un Rafale français ont décollé pour escorter les Russes.
Bien évidemment, aucun plan de vol n’avait été déposé et les transpondeurs des Russes étaient coupés. Les Britanniques n’apprécient guère ce petit jeu. Ils ont fait savoir à l’ambassadeur russe à Londres que ce comportement provoque des risques pour l’aviation civile. D’ailleurs, des vols réguliers ont été détournés afin d’éviter une possible collision.
Pourquoi ce petit jeu ?
Cet incident est le second en deux semaines au-dessus de la Manche. Michael Fallon, le ministre de la Défense britannique, s’est inquiété de la menace que faisait peser la Russie sur les membres baltes de l’Otan. D’ailleurs, depuis 2004, les pays de l’Otan assurent à tour de rôle la sécurité aérienne des trois Etats baltes dépourvus d’aviation.
Le Premier ministre britannique David Cameron considère que les Russes montrent leurs muscles. «Ce que prouve cet épisode, c’est que nous devons posséder des avions rapides, des pilotes et un système de détection efficace pour protéger le Royaume-Uni», a-t-il déclaré.
Côté français, la réaction a été moins véhémente. Evoquant une «présence un peu intempestive», le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian fait remarquer : «Nous leur avons fait savoir que nous les avions vus et qu’il était souhaitable qu’ils se retirent. C’est ce qu’ils ont fait.»
Nul doute que les Russes voulaient se montrer. D’ailleurs, leur tour des îles britanniques a un air d’escapade touristique. L’équipage russe a même filmé l’escorte des appareils de l’Otan et a, par la suite, fourni la vidéo à la presse.
Le choix des appareils n’est pas innocent non plus. Des bombardiers stratégiques capables de transporter une charge nucléaire (l’avaient-ils ?) montrent la vulnérabilité des pays membres de l’Otan. La Russie peut-y faire ce qu'elle veut, si elle le veut.
D’ailleurs, certains experts s’en inquiètent. Un ancien chef de la RAF, Sir Michael Graydon, pense que les capacités défensives de l’Otan ont été vérifiées par les Russes lors de ces vols. Et ces capacités sont très faibles, selon lui. Ce n'est pas l'avis de Jean-Yves Le Drian, pour qui «notre défense aérienne fonctionne très bien».
Dans le contexte ukrainien, ces survols à répétition sont autant de messages. La Russie montre clairement à l'Otan qu'elle ne craint pas une escalade militaire.
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