: Reportage Grève au Royaume-Uni : "Les actionnaires doivent reverser de l'argent à ceux qui ont crée cette richesse", réclament les dockers de Felixstowe
Depuis le dimanche 21 août, trois quarts des ouvriers du plus grand port britannique débrayent. La direction leur propose une augmentation salariale de 8,1% à 9,6%.
"Nous voulons de meilleures conditions, un meilleur salaire." Ils sont bien 200, rassemblés devant l'entrée du port de Felixstowe, le plus grand d'Angleterre. Depuis dimanche 21 août, les trois quarts des ouvriers des docks de l'est du pays font grève. "Je gagne 24 000 livres par an, conteste Eoghan, docker qui vient tous les jours depuis cinq jours. C'est à peine plus que le salaire minimum. C'est loin d'être assez : je fais un travail qualifié où je dois être constamment vigilant." Le jeune grutier compare son salaire, environ 2 360 euros par mois, aux millions empochés par les actionnaires de la compagnie qui gère le port.
>> Royaume-Uni : quatre questions sur les grèves massives contre l'inflation qui paralysent le pays
Cet autre gréviste, qui se fait appeler Jack, occupe plusieurs postes sur le port : conducteur de machines, manutentionnaire… Lui gagne environ 3 400 euros par mois, il se mobilise par solidarité. "Mes factures d’électricité ont doublé, le prix de l’essence a explosé. Certains ici ont vraiment du mal à joindre les deux bouts, j’en connais qui doivent aller dans des banques alimentaires pour nourrir leurs familles ! Ceux qui veulent acheter une maison ne peuvent pas obtenir de crédit, avec les taux d’intérêt qui ont grimpé."
"Personne n’avait envie de faire grève"
A Felixstowe, il y a aussi ce sentiment d’injustice de ne pas voir les profits du port redistribués aux salariés. Pour Jack il y a le contexte, l’inflation, et puis cette impression de ne pas voir son travail récompensé. "J’adore mon travail, je suis passionné par ce que je fais ! Je crois que personne ici n’avait envie de faire grève. Nous voulons juste aller au travail et être rémunéré justement, et rentrer chez nous entiers. On travaille avec des équipements dangereux, la moindre baisse de vigilance peut nous tuer. C’est pour ça que nous faisons grève : pour que nous tous ayons un salaire juste."
La dernière grève, ici, c'était en 1989. "Je n’ai jamais fait grève de ma vie", raconte Luke, qui travaille à Felixstowe depuis 24 ans. Il partage ce sentiment d'injustice. "Nous comprenons que les actionnaires aient besoin de toucher de l’argent pour réinvestir. Mais eux doivent comprendre qu'au lieu d’empocher des millions de livres sterling, ils doivent en reverser une petite partie à ceux qui ont créé cette richesse."
"C'est terrible en ce moment"
Felixstowe, premier port britannique, est quasiment à l'arrêt. La direction refuse d'estimer le coût des mobilisations mais assume ses propositions :"Nous sommes parvenus à proposer une augmentation salariale de 8,1% à 9,6%, détaille Paul Davey, directeur commercial de Hutchison Ports, l'opérateur de Felixstowe. C'est le double de l'augmentation salariale moyenne actuelle au Royaume-Uni." Cette augmentation inclut également un bonus inflation de 500 livres.
"Les ouvriers en Angleterre ne gagnent pas assez d'argent pour payer l'électricité et le gaz. Les professeurs, les personnels de santé... Tous sont mal payés."
Tim, enseignant britanniqueà franceinfo
De part et d'autre, on s'accuse de bloquer les négociations. Autour du rond-point, à l'entrée des docks, les automobilistes klaxonnent en guise de soutien. Tim, enseignant, espère que les mouvements sociaux vont se multiplier à la rentrée. "C'est terrible en ce moment. C'est important d'entrer dans l'action comme les dockers", se réjouit le Britannique. Le syndicat Unite the Union, à l'origine de la grève, n’exclut pas de la prolonger au-delà du 29 août.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.