Mort d'Alexeï Navalny : en exil, en prison ou encore en liberté, quelles sont les autres figures de l'opposition russe ?

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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L'opposant russe Vladimir Kara-Mourza, lors d'une audience à Moscou (Russie), le 10 octobre 2022. (NATALIA KOLESNIKOVA / AFP)
L'ennemi politique de Vladimir Poutine, condamné à 19 ans de prison pour "extrémisme", est mort dans une prison de l'Arctique russe vendredi.

"Il y a trois jours, Vladimir Poutine a tué mon mari. (...) Avec lui, il a voulu tuer notre espoir, notre liberté, notre futur." Dans une vidéo diffusée lundi 19 février, Ioulia Navalnaïa, veuve de l'opposant russe Alexeï Navalny, a promis de poursuivre le combat de son défunt mari et appelé ses partisans à la rejoindre. "Je continuerai pour notre pays, avec vous. Et je vous appelle tous à vous tenir près de moi", a-t-elle déclaré.

Alexeï Navalny, adversaire numéro un du président russe, est mort vendredi dans une prison de l'Arctique russe, où il purgeait une peine de 19 ans. Sa mort à l'âge de 47 ans rappelle la répression qui s'abat sur les voix critiques à l'encontre du régime de Vladimir Poutine.

Avant lui, d'autres voix critiques du Kremlin avaient elles aussi perdu la vie. La journaliste Anna Politkovskaïa avait ainsi été abattue en 2006 dans le hall de son immeuble à Moscou et l'ancien gouverneur Boris Nemtsov avait été assassiné sur un pont près du Kremlin en février 2015. Après la mort d'Alexeï Navalny, que reste-t-il de l'opposition au pouvoir russe ? Franceinfo revient sur les principaux visages de cette opposition à Vladimir Poutine, pour la plupart en prison ou en exil. 

Des indésirables emprisonnés 

Vladimir Kara-Mourza. L'un des principaux détracteurs de Vladimir Poutine, Vladimir Kara-Mourza, a notamment été journaliste, conseiller de Boris Nemtsov et candidat pour un siège au Parlement russe en 2003. En avril dernier (puis en juillet en appel), il a été condamné à une peine de 25 ans de prison. Agé de 41 ans, il a été reconnu coupable de "haute trahison", de "fausses informations" au sujet de l'armée et de travail illégal pour une organisation "indésirable". Il avait dénoncé l'invasion russe en Ukraine dès le 24 février 2022 et avait été condamné à l'issue d'un procès à huis clos. Sa peine est la plus lourde prononcée contre un opposant d'envergure ces dernières années. Vladimir Kara-Mourza a frôlé la mort après deux empoisonnements en 2015 et 2017, qu'il impute au pouvoir russe. En septembre, il a été envoyé dans une colonie pénitentiaire de haute sécurité d'Omsk, en Sibérie, puis placé à l'isolement pour au moins quatre mois en janvier. Les proches de Vladimir Kara-Mourza s'inquiètent de sa santé fragile, l'opposant souffrant d'une affection nerveuse dite polyneuropathie du fait de ses empoisonnements. 

Ilia Iachine. Autre visage de l'opposition russe, Ilia Iachine, 39 ans, a été condamné à huit ans et demi de prison fin 2022 (puis en appel en avril) pour avoir dénoncé "le meurtre de civils" dans la ville ukrainienne de Boutcha. L'armée russe y a été accusée de meurtres de civils et de violences sexuelles, entre autres exactions, ce que dément Moscou. Ilia Iachine a été jugé coupable, dans ce cadre, d'avoir diffusé de "fausses informations" sur l'armée russe. L'opposant, ancien élu puis président du conseil municipal d'un arrondissement de Moscou, a notamment fondé le parti libéral Solidarnost avec Boris Nemtsov et Garry Kasparov. 

Andreï Pivovarov. A l'été 2022, Andreï Pivovarov a été condamné à quatre ans de prison ferme pour avoir milité en faveur d'une organisation interdite. Il a été condamné "avec interdiction d'activités socio-politiques pour une période de huit ans", d'après son équipe.  Un peu plus d'un an plus tôt, le 31 mai 2021, les forces de l'ordre l'avaient arrêté alors qu'il s'apprêtait à quitter Saint-Pétersbourg pour rejoindre Varsovie en Pologne. Le militant et défenseur des droits humains venait d'annoncer l'auto-dissolution de son organisation, Russie ouverte, liée à l'opposant exilé Mikhaïl Khodorkovski. Il s'attendait à ce que ce mouvement soit classé "indésirable", exposant ses membres à des poursuites judiciaires.

Des détracteurs en exil 

Mikhaïl Khodorkovski. Ancien magnat du pétrole, le fortuné Mikhaïl Khodorkovski s'était opposé à Vladimir Poutine dès le début des années 2000. Puissant homme d'affaires, il avait été condamné et emprisonné pendant près de dix ans, de 2004 à 2013, pour évasion fiscale et vol. Ses procès avaient alors été dénoncés par la Cour européenne des droits de l'homme. Depuis sa libération en 2013, l'ancien oligarque est réfugié à Londres (Royaume-Uni), d'où il finance des plateformes d'opposition. Il a notamment soutenu l'organisation Russie ouverte, auto-dissoute par Andreï Pivovarov en 2021. 

Garry Kasparov. Ancien champion du monde d'échecs, Garry Kasparov s'oppose de longue date à Vladimir Poutine. Comme le rappelle Le Parisien, il avait été un temps incarcéré en 2007 après avoir participé à une manifestation contre le président russe. Garry Kasparov et Mikhaïl Khodorkovski ont tous les deux été désignés comme des "agents de l'étranger" en Russie, un label pouvant entraîner de lourdes sanctions, massivement utilisé contre les opposants, journalistes et défenseurs des droits humains en Russie. Le ministère russe de la Justice a affirmé que les deux opposants exilés avaient des "sources" en Ukraine pour le financement de leurs activités.

Mikhaïl Kassianov. Lui aussi est désormais un "agent de l'étranger" aux yeux du pouvoir russe. Mikhaïl Kassianov, Premier ministre de Vladimir Poutine au début des années 2000, était ensuite devenu très critique à l'égard du président russe. Avant le début de la guerre en Ukraine, il dirigeait le Parti de la liberté du peuple. Il a annoncé en juin 2022 avoir quitté la Russie. Le ministère de la Justice lui reproche de s'être "opposé à l'opération militaire spéciale en Ukraine" et d'être "membre du comité anti-guerre de Russie".

Guennadi et Dmitri Goudkov. Ancien officier du KGB, Guennadi Goudkov a été député de 2001 à 2012. En exil depuis 2019, il est devenu l'une des principales figures de l'opposition au Kremlin en France. L'ancien élu y a notamment cofondé le Club démocratique russe. Son fils, Dmitri Goudkov, est également un opposant au pouvoir russe et ancien député. Il y a un an, il a été à son tour désigné comme "agent de l'étranger" pour avoir "appelé à fournir des armes à l'Ukraine" et à "introduire des mesures restrictives à l'encontre de la Russie", selon le ministère russe de la Justice. Comme son père, Dmitri Goudkov a également quitté la Russie. 

Quelques voix critiques encore libres 

Oleg Orlov. Il est l'un des rares opposants au Kremlin encore libres. Oleg Orlov est un responsable de l'ONG Memorial, colauréate du Nobel de la paix en 2022. L'organisation, dissoute fin 2021, défend les droits humains et enquête sur les répressions soviétiques et plus récentes en Russie. Âgé de 70 ans, Oleg Orlov avait été condamné à l'automne à une amende de 150 000 roubles, soit 1 400 euros au taux de change de l'époque, pour avoir dénoncé l'assaut russe en Ukraine. Le ministère russe de la Justice l'a également placé sur la liste des "agents de l'étranger", assurant qu'il "s'était opposé à l'opération militaire spéciale en Ukraine". Oleg Orlov risque de connaître un nouveau procès et encourt jusqu'à trois ans de prison.

Boris Nadejdine. Peu connu du grand public, Boris Nadejdine avait présenté sa candidature pour l'élection présidentielle russe, qui se tiendra du 15 au 17 mars. Elu municipal de Dolgoproudny, en périphérie de Moscou, il s'opposait à Vladimir Poutine et au conflit en Ukraine. La commission électorale a finalement invalidé la candidature de Boris Nadejdine, seule figure de l'opposition en lice pour le scrutin. 

Evguéni Roïzman. Autre critique de Vladimir Poutine opposée à la guerre en Ukraine, Evguéni Roïzman, 60 ans, est un ancien maire de la ville d'Ekaterinbourg. En mai dernier, il a été reconnu coupable d'avoir "discrédité l'armée" russe et a été condamné à payer une amende de 260 000 roubles, environ 3 000 euros au taux de change de cette période. Il risquait plusieurs années de prison. 

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