Guerre en Ukraine : en Russie, des célébrations du 9 mai sous haute tension
Un défilé militaire XXL, un discours triomphant de Vladimir Poutine... En 2022, le Kremlin avait fait de la journée du 9 mai une vitrine idéale, un peu plus de deux mois après l'envoi de troupes armées russes pour envahir l'Ukraine. La Russie célèbre traditionnellement chaque 9 mai, le "jour de la victoire", pour commémorer la défaite de l'Allemagne nazie en 1945.
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Cette année, le pouvoir russe a tenu à maintenir le défilé, malgré une série d'attaques sur son sol imputées à Kiev. Mais il devrait se dérouler dans un climat plus fébrile qu'en 2022, plusieurs villes ayant décidé d'annuler les célébrations.
Le défilé sur la place Rouge maintenu
Après l'attaque de drones visant le Kremlin, imputée à l'Ukraine par Moscou, le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, avait assuré que le défilé militaire prévu mardi 9 mai sur la place Rouge n'était pas remis en question. "Le défilé aura lieu. Il n'y a aucun changement dans le programme", a-t-il déclaré selon les agences de presse russes.
Les rues de la capitale ont déjà été décorées de photos d'archives et de banderoles, comme le montrent des photos publiées par l'AFP.
En dehors de la capitale, six régions, la Crimée et une vingtaine de villes ont annulé les commémorations, en raison d'inquiétudes sur la sécurité, rapporte le ministère de la Défense britannique (en anglais) , qui estime que le défilé militaire à Moscou devrait être "d'une plus petite envergure" que d'habitude. Le "régiment des immortels", une marche de citoyens russes arborant des photos de combattants de la Seconde Guerre mondiale, a notamment été annulé selon Londres.
Des craintes sécuritaires
Car une série d'attaques et d'actes de "sabotage" fait craindre des perturbations aux autorités russes. Les 1ᵉʳ et 2 mai, des "engins explosifs" ont fait dérailler deux trains de marchandises, près de la frontière avec l'Ukraine. Le 1ᵉʳ mai, une ligne électrique a été endommagée par un "engin explosif", selon les services de sécurité (FSB), au sud de Saint-Pétersbourg. Plusieurs dépôts ont également été attaqués. Et le 3 mai, les Russes ont annoncé avoir abattu deux drones ukrainiens qui ciblaient le palais du Kremlin.
Ces précédents ont visiblement suscité l'inquiétude au sein du régime. "Quand on a affaire à un Etat sponsor du terrorisme, il est mieux de prendre des mesures préventives", a justifié le porte-parole de la présidence russe Dmitri Peskov au sujet de l'annulation d'une partie des événements.
Une journée très symbolique pour Poutine
"Des incidents [le 9 mai] ne sont pas souhaitables, car ils viendraient perturber la réalisation d'objectifs en termes de propagande et réduire le sentiment de sécurité", analyse Andreï Kolesnikov du centre d'analyse Carnegie, interrogé par l'AFP. Or "cette célébration est maintenant doublement importante, car il est crucial pour Poutine d'insérer dans la conscience collective cette idée simple, mais folle, que l'opération spéciale [en Ukraine] est un prolongement" de la guerre contre l'Allemagne nazie, juge-t-il.
Vladimir Poutine justifie en effet l'offensive contre l'Ukraine par sa volonté de lutter contre des "néonazis". Dans ce contexte, "le 9 mai a forcément une importance symbolique majeure", comme l'an passé, écrit sur Twitter Anna Colin-Lebedev, chercheuse à l'université Paris-Nanterre, spécialiste de la Russie post-soviétique. "Un certain nombre de combattants de la guerre actuelle seront mis à l'honneur", poursuit-elle.
L'Ukraine va cesser de commémorer le 9 mai
Le discours du dirigeant russe sera aussi l'occasion de réveiller le patriotisme de la population, tandis que l'armée cherche à recruter. Il pourrait s'avérer plus difficile cette année de susciter la liesse populaire, alors que le conflit s'enlise et que l'armée russe a encaissé des pertes humaines. En outre, le groupe paramilitaire Wagner a menacé de se retirer de la ville ukrainienne de Bakhmout, dénonçant un manque de munitions. Il a finalement annoncé son maintien après "la promesse" de Moscou d'en envoyer.
"Le risque de manifestations et d'expression de mécontentement au sujet de la guerre en Ukraine ont aussi probablement pesé sur le calcul des dirigeants russes", avance le ministère de la Défense britannique.
Plusieurs pays, ex-membres du bloc soviétique, vont aussi organiser des défilés le 9 mai. Mais l'Ukraine a décidé de rompre avec cette tradition : le président Volodymyr Zelensky a annoncé lundi que son pays ne célèbrerait plus la victoire face à l'Allemagne nazie le 9 mai, conformément à la tradition soviétique et russe, mais le 8 mai, avec "le monde libre".
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