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Syrie: l'ONU accusée de soutien financier indirect au régime de Bachar al-Assad

Les cafouillages des Nations Unies en Syrie ont atteint un point d’orgue avec les révélations sur le soutien financier indirect apporté au régime de Bachar al-Assad. Selon le quotidien britannique «The Guardian», l’ONU a payé des dizaines de millions de dollars à des associations et des personnes étroitement liées à la famille du président pour mener à bien sa mission humanitaire dans le pays.
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Asma al-Assad, épouse du président syrien et bénéficiaire de l'aide financière indirecte de l'ONU, servant la nourriture à des familles de déplacés, lors d'un iftar, dîner de rupture du jeûne du ramadan, le 4 août 2013. (HO/Facebook/AFP)

Alors qu’elle vient de rendre public un rapport accusant le régime de Bachar al-Assad d’usage d’armes chimiques contre sa population, l’ONU est surprise en flagrant délit de cafouillage et d’incohérence en Syrie.

Des millions de dollars de l'ONU tombent dans la sébille du régime 
Une enquête du quotidien The Guardian révèle en effet que l'organisation des Nations Unies a octroyé depuis le début du conflit, en 2011, des contrats de plusieurs dizaines de millions de dollars à des organisations ou des personnes proches du président syrien, pour mener à bien sa mission humanitaire.
 
Selon le journal britannique, l’organisation internationale a payé plus 13 millions de dollars au gouvernement syrien pour le développement de l’agriculture. Et ce, en dépit de l’interdiction par l’Union européenne de toute relation avec les ministères concernés par ces aides pour ignorance de la destination de cet argent.
 
Autre exemple: 4 millions de dollars ont été versés à un distributeur national de carburant figurant sur la liste des sociétés sanctionnées par l’UE.
 
Par ailleurs, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a dépensé plus de 5 millions de dollars pour soutenir la banque de sang nationale, contrôlée par le ministère de la Défense. Pour sa part, l’OMS s’est défendue de travailler avec ce ministère, reconnaissant toutefois avoir distribué des poches de sang à la banque syrienne par l’intermédiaire des ministères de la Santé et de l’Education nationale.

L'épouse et le cousin du président, bénéficiares de la manne de l'ONU  
Toujours selon le Guardian, deux agences de l’ONU sont également partenaires, à hauteur de 8,5 millions de dollars, du Syria Charity Trust, une ONG nationale présidée par l’épouse du président Assad, Asma.
 
Enfin, l’Unicef a versé pour sa part 268.000 dollars à l’association al-Bustan, une organisation caritative liée à de nombreuses milices du régime et présidée par Rami Makhlouf.
 
Pour mémoire, ce richissime cousin et ami de Bachar al-Assad, est également le patron de la société de téléphonie Syriatel qui a reçu 700.000 dollars de l’ONU ces dernières années, malgré les sanctions européennes et le titre de «tête d’affiche de la corruption» dont l'affublent les Américains.
 
Selon le porte-parole de l’Ocha (l’agence de l’ONU pour les affaires humanitaires), Jens Laerke, il faut accepter de travailler avec le nombre, même limité, des ONG fixées par le gouvernement, sinon «les agences de l’ONU ne pourraient pas sauver autant de vie comme elles le font actuellement».

Une aide indirecte de l'ONU à un régime qu'elle condamne 
Pour les responsables de l’ONU, «travailler en Syrie, avec un conflit qui entre dans sa sixième année, contraint les humanitaires à des choix difficiles» pour répondre aux besoins urgents de la population.
 
Pour leur défense, les Nations Unies soulignent également que plus de 9 millions de dollars ont été payés, entre 2014 et 2015, à l’hôtel Quatre saisons de Damas. Un hôtel appartenant certes pour un tiers au ministère du Tourisme, frappé par les sanctions, mais aussi l’hôtel le plus sécurisé de la capitale pour y loger le personnel.
 
Dans l’incapacité de pouvoir mettre un terme aux combats et de venir en aide en urgence aux populations assiégées et affamées dans le pays, l’ONU se retrouve aujourd'hui sur la sellette pour une aide indirecte apportée à un régime qu’elle condamne.

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